La PNA voit son avenir dans l'adresse
Coup sur coup, Adrexo et Mediapost, les deux leaders incontestés du marché de la publicité non adressée, ont annoncé leurs offres de mailing adressé pour élargir leur domaine de compétences. En même temps, le prix des prestations des distributeurs subit une hausse qui empêche le marché de repartir à la hausse. Deux événements qui rendent difficile le contexte économique du média.
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Le marché de la PNA semble connaître, depuis deux ans, quelques remous et
aucun indicateur ne prévoit de retour au calme. Le volume d'affaires des
professionnels du secteur semble, pourtant, revenir à la hausse en 2005 (+ 4,5
%) après avoir trébuché en 2004 (- 7,5 %) suite à la mise en place de la
convention collective, selon les chiffres de l'UFMD.
Un événement qui a généré une période d'adaptation aussi bien de la part des
distributeurs que des annonceurs. La progression en 2005 n'est pas le fruit
d'une augmentation du nombre de campagnes des annonceurs historiques de ce
média (c'est-à-dire la Grande Distribution alimentaire et spécialisée),
lesquels ont atteint depuis longtemps leur plafond d'investissement, mais de
nouveaux entrants convaincus par le très fort potentiel du média.
L'étude
Ballester Consulting 2006 montre que le nombre d'annonceurs adeptes est assez
peu élevé, même en incluant ces nouveaux usagers : 31 % seulement en B to C et
10 % en B to B. Aucune migration massive des non-initiés en direction de ce
média n'est prévue alors que les habitués de la PNA envisagent de plus en plus
de s'en éloigner. Selon l'étude Ballester, 48 % des annonceurs comptent réduire
leurs dépenses en PNA, en majorité des acteurs de la Grande Distribution.
« Nous observons une légère désaffection de la part des annonceurs qui subissent une augmentation des coûts des prestataires et la publiphobie d'une minorité de Français alors que d'autres médias, comme
Internet, proposent des solutions alternatives innovantes », constate Françoise
Renaud, directrice marketing relationnel et nouvelles technologies à l'Union des annonceurs (UDA).
Une convention nécessaire mais coûteuse
Concurrence d'autres canaux de communication
(l'asile-colis, l'asile-facture, la presse gratuite), possible ouverture de la
télévision à la Distribution, mise en place de l'écotaxe, sont autant de
raisons de s'inquiéter. Sans oublier l'augmentation des frais de fonctionnement
des réseaux de distribution due à l'application de la convention collective
(+ 20 % chez Adrexo et + 30 % chez Mediapost). « Ce qui entraîne mécaniquement
une majoration des prix de nos prestations que nous devons contrebalancer par
une amélioration de notre qualité de distribution », estime Frédéric Pons,
directeur général d'Adrexo. Pourtant, l'idée première de la convention n'était
pas de freiner le développement des entreprises du secteur mais d'améliorer les
conditions salariales des distributeurs. D'abord, en apportant un environnement
juridique plus stable au contrat de travail, puis en cadrant la cadence de
distribution (nombre de prospectus à distribuer par heure en fonction du poids
de la main et du type de zone à couvrir).
Auparavant payé à la tâche (à la main
distribuée), le distributeur est désormais un employé avec un contrat horaire
classique. « Cela apporte une grande stabilité pour le salarié. Nous évitons
ainsi l'attrition, capitalisons sur son savoir-faire et valorisons son travail.
Sans la convention et la stabilisation des équipes de distribution, nos
produits géolocalisés n'auraient pu être mis en place », estime Nathalie
Andrieux, directrice générale de Mediapost. Ce salarié coûtant plus cher, le
véritable enjeu sera donc d'optimiser son emploi du temps qui ne sera
extensible que de 20 %, en plus ou en moins (soit un volume horaire autorisé de
28 à 42 heures par semaine). Une modularité sensible que Mediapost et Adrexo
accueillent volontiers.
Ecotaxe : vraie fausse bonne idée ?
Ajoutée à cette convention coûteuse, l'écotaxe, qui servira à
aider les municipalités à supporter le prix du retraitement des déchets papier
(recyclage ou destruction), modifie la donne pour les professionnels. Une
goutte d'eau qui pourrait faire déborder le vase en fonction des concertations
en cours jusqu'à la fin de l'année. Concernant uniquement les imprimés non
sollicités, excluant les imprimés adressés, la presse gratuite d'information et
l'information publique (selon le texte de loi 541-10-1 du Code de
l'environnement), cette taxe se présente sous deux formes : un paiement au
tonnage, à hauteur de 0,15 euro le kilo, ou une contribution à un organisme
privé unique en cours de création et défini par le décret 2006-239 du 1er mars
2006. « Les modalités et le prix de cette contribution restent à définir mais
ce dernier pourrait être inférieur de 10 à 20 % de la taxe au kilo afin
d'inciter les professionnels à être proactifs face à la problématique
environnementale », commente Sylvain Pasquier, responsable du département
prévention, recyclage et organisation des filières de l'Ademe (Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie).
Selon l'UDA, cette différence
entre contribution et écotaxe sera nécessairement supérieure à 10 % : « 10 % de
différence par tonne n'est pas assez important pour inciter les distributeurs à
s'impliquer dans l'organisme », regrette Françoise Renaud. D'autant que les
annonceurs sont particulièrement concernés : ils seront les seuls au capital de
l'organisme et sont quasiment les seuls à devoir payer, avec les journaux
gratuits de petites annonces. « Les distributeurs de PNA ne devraient pas être
les seuls concernés par le paiement d'une telle taxe alors que ce média ne
représente que 20 % des déchets de papier dans les ménages », s'insurge
Nathalie Andrieux.
En effet, selon certaines études, de nombreux consommateurs
lisent “toujours” ces imprimés (12 %), considérant que cela représente des
“informations”. Les résultats décevants de Stop Pub attestent, en partie, ce
fait : 5 % seulement des foyers français ont collé un autocollant, et 20 %
d'entre eux ne l'ont plus. Si l'Ademe estime que l'attrition décidée reste
faible, les partisans de l'ISA rappellent que ce geste est lié à l'importance
du prospectus dans la consommation des ménages. La faible pénétration de Stop
Pub fausse évidemment tout parti pris. « Si Stop Pub atteint les 15 % des
foyers français, ce que souhaite l'Ademe à terme, les professionnels tiendront
compte du phénomène. En Belgique, Stop Pub a été adopté par plus de 10 % des
foyers », constate Christophe Watel, Dga de FeedBack.
Incontournable, malgré tout
Chez les annonceurs, Stop Pub est un moindre mal et pourrait être accueilli avec philosophie : avec la hausse des prix exercée par le distributeur associée au coût de la taxe, il serait dommage
de dépenser plus d'argent pour essayer de s'adresser à la minorité de foyers
publiphobes. En attendant, GSA, GSS et autres annonceurs ont décidé de réduire
les dépenses pour ne pas baisser le nombre de campagnes par an. « Nous avons
réduit la pagination des prospectus et changé la qualité du papier afin de
pouvoir réaliser autant de campagnes que précédemment », confie Patrice Delmas,
directeur marketing et communication chez Speedy, un réseau qui devrait envoyer
près de 60 millions d'ISA via onze campagnes en 2006. Même constat chez
Delbard, dont la maquette de son imprimé (500 000 exemplaires diffusés par
mois) est plus dense qu'auparavant. « L'objectif étant de diffuser plus
d'informations et plus d'offres sur moins de pages », explique Laurent Hanout,
responsable de la communication au sein du Réseau de Jardineries.
Une
peccadille par rapport au milliard de prospectus distribués pour le compte de
E. Leclerc et de Carrefour chaque année, dont le surcoût est considérablement
plus important compte tenu des volumes. Même constat chez Système U, qui
diffusera, cette année encore, ses 400 millions de tracts annuels en usant des
mêmes techniques que les annonceurs moins prolixes pour réduire les dépenses :
distribution mieux ciblée sur les zones les plus efficaces, grammage plus
faible, opérations moins linéaires. « La PNA reste un média plus que jamais
incontournable pour un distributeur. Même si le prix d'une campagne augmente,
nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas en faire sous peine de fermer
boutique », précise Patrick Marguerie, directeur de la communication chez
Système U Nord-Ouest, qui préfère réduire la voilure de ses autres canaux de
communication (PQR et affichage, par exemple) que de grever le prospectus, qui
reste un média peu cher à exploiter dans le marketing direct.
Rappelons que le
coût moyen d'un tract, en 2004, s'élevait à 0,16 euro (fabrication et distribution comprises), contre 0,8 euro pour un mailing adressé. Et même si depuis les prix ont significativement augmenté, la
marge reste encore assez large. Ce qui n'empêche pas les deux distributeurs
nationaux du non adressé (représentants ensemble près de 90 % du marché)
d'attaquer celui de l'adressé, véritable levier de croissance potentiel pour
l'année 2006 : tout d'abord Adrexo, puis Mediapost il y a quelques
semaines.
L'adresse : oui, mais pas pour tous
Depuis 2005 déjà, Adrexo propose à ses clients des services dans la distribution de mailings adressés, offre comprenant bases de données et routage. « Cela concernait l'année dernière
quelque 25 millions de documents, soit une part négligeable par rapport à la
distribution non adressée. Nous espérons augmenter significativement ce volume
en 2006, notamment grâce à l'obtention probable d'une licence postale
nécessaire pour distribuer des plis de 50 g. Un développement qui ne se fera
pas aux dépens du non adressé », confie Frédéric Pons. Cette licence pourrait
tomber à pic : l'ouverture du marché postal sur les courriers de 50 g est
théoriquement effective depuis le 1er janvier dernier. « Mais l'Etat n'a pas
encore autorisé la parution du décret permettant aux opérateurs privés
d'acquérir cette fameuse licence », ajoute Frédéric Pons. En attendant, Adrexo
devra se contenter d'élargir son offre notamment avec Concordeo ISA, développée
en partenariat avec Médiaprisme et proposant un ciblage sur zone de chalandise
mixé avec des critères comportementaux, et de signer des accords d'alliance
avec des distributeurs locaux.
Dernière prise de participation en date : le
petit poucet Kicible, devenu à moitié filiale d'Adrexo, le solde étant toujours
entre les mains de S3I, son actionnaire historique. Chez la concurrence,
l'offre est plus récente et ne dépend pas de l'obtention d'une licence.
Mediapost Data a été lancé fin mars 2006 et ne vend que des fichiers
d'adresses, le routage étant naturellement pris en charge par sa maison mère,
La Poste. « Il s'agit d'une évolution naturelle de notre offre. Partant d'une
zone de chalandise, nous avons ensuite découpé le territoire en quartiers de
400 à 600 boîtes aux lettres pour une meilleure géolocalisation.
Depuis le
début de l'année, nous proposons une distribution à la rue. La dernière étape
est l'adresse », explique Nathalie Andrieux. Deux offres donc très
complémentaires de ce que proposaient historiquement les deux entreprises et
qui leur ouvrent les portes d'un marché de 10 milliards d'euros par an, avec
plus ou moins de facilité si le distributeur a besoin, ou non, d'une licence postale. Un pactole d'autant
plus alléchant que la distribution non adressée connaît quelques difficultés.
Avis d'expert. L'imprimé sans adresse : les nouvelles possibilités. Par Philippe Thomas, directeur marketing d'Adrexo et chargé de missions prospectives au sein du conseil d'administration du SNCD.
La distribution non adressée en boîtes à lettres a connu, en 2005, une actualité importante : mise en place d'une écotaxe proportionnelle au poids des documents, hausse des tarifs consécutive à une nouvelle convention collective, doublement à 4 % du nombre de ménages apposant un autocollant Stop-Pub sur leurs boîtes aux lettres. Ces événements ont influencé les arbitrages budgétaires des annonceurs, mais ont également accéléré l'apparition de nouvelles pratiques tout en confortant les traditions les plus efficaces. En 2006, la distribution non adressée reste le premier média de la grande distribution, qui continue d'y consacrer plus des deux tiers de ses dépenses publicitaires. Véritable outil de choix pour les consommateurs qui les reçoivent dans leurs boîtes aux lettres, les catalogues des grandes surfaces alimentaires et spécialisées conservent un avantage déterminant pour la création de trafic en magasin.
Le média boîtes aux lettres maintient sa pertinence temporelle et géographique en fournissant, chaque semaine, des occasions de communiqués spécifiques au calendrier (Semaine du Blanc, Rentrée des Classes, Fête des Mères...) et un ajustement parfait du nombre de messages distribués aux destinataires de la zone de chalandise de chaque point de vente. D'autres annonceurs utilisent avec succès la distribution non adressée pour recruter des prospects (vente à distance) ou appuyer leurs actions de trade-marketing (couponning ou échantillonnage en boîtes aux lettres).
Nous assistons également au renforcement des stratégies de distribution sélective, avec la banalisation des ciblages à l'Iris (unité de ciblage de l'Insee d'environ 700 ménages), et au déploiement d'outils géomarketing chez les annonceurs pour piloter leurs opérations de distribution. Le rajout d'un lien internet sur les prospectus devient systématique, consacrant ainsi la synergie entre ces deux médias. Enfin, de nouveaux annonceurs, avec des stratégies créatives innovantes, viennent surprendre les consommateurs à domicile sur certains segments porteurs : téléphonie sur Internet, équipements multimédias, vente à distance spécialisée, services à la personne et produits financiers…
Des résultats considérables
« La PNA est un média redoutablement efficace », commente Nathalie Andrieux, directrice générale de Mediapost, en présentant les résultats de l'étude réalisée auprès de 2 448 personnes par TNS Sofres pour le compte de Mediapost. 93 % d'entre eux apprécient de recevoir des courriers publicitaires (adressés ou non). Le courrier publicitaire est aussi le plus incitatif à commander un produit à distance (35 %) et à se rendre en magasin (31 %). Enfin, 70 % des interrogés se sont rendus dans un magasin après réception d'un courrier publicitaire, 60 % ont effectué un achat et 83 % ont utilisé un bon de réduction. Des chiffres qui complètent ceux apportés par Mediapost qui affirme que 12 % des Français lisent toutes les publicités et que chaque prospectus est lu en moyenne pendant 7 secondes.
Le taux de mémorisation atteint 38 % (contre 15 % pour la presse) et le chiffre d'affaires d'un magasin peut augmenter de 30 % à 35 % suite à une campagne. A ces chiffres s'ajoutent ceux collectés par Feedback lors d'une étude réalisée sur les post-tests de 70 campagnes de PNA. Les meilleurs résultats sont atteints généralement par la Grande Consommation : 65,9 % de mémorisation spontanée, 45 % de lecture et 51,4 % de taux de conservation, un chiffre hors norme dû à la présence dans les tracs de bons de réduction et d'échantillons.
La licence postale se fait désirer
Adrexo trépigne. Le distributeur attend avec impatience la publication du décret qui lui permettra d'acquérir auprès de l'Acerp la licence postale nécessaire à la distribution de courrier adressé de plus de 50 grammes. Si le principal concurrent de Mediapost affiche clairement son impatience à rentrer en concurrence frontale avec La Poste, il devra ronger son frein en attendant. Une position partagée par le Selced, syndicat des routeurs, qui se dit « surpris que le décret d'application ne soit toujours pas sorti », au travers de son délégué, Alain Juillet. En revanche, les représentants du SNCD essaient de temporiser : « Les concurrents potentiels de La Poste n'ont visiblement pas conscience de ne pas avoir le réseau de distribution nécessaire pour faire de l'adressé aussi bien que l'opérateur historique. »