L'appel de Dakar
A 5 heures d'avion de Paris, le centre d'appels de PCCI, à Dakar, entend être l'interlocuteur des entreprises françaises. Ouvert depuis avril 2002, ce centre profite du décalage horaire pour fournir une prestation hors horaires ouvrés.
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Enième délocalisation ? L'ouverture de PCCI (Premium Contact Center
International), en avril 2002, à Dakar (Sénégal), y ressemble fort. La logique
de réduction des coûts prime ici à l'instar d'implantations au Maghreb et
autres eldorados d'une main-d'oeuvre à bas prix. D'entrée, Dominique Berthelot,
Dg France de PCCI, donne le ton : « A Dakar, l'heure de production est 40 %
moins chère qu'en France. » S'y ajoute le fait que Dakar représente un vivier
de jeunes diplômés francophones dont les débouchés professionnels ne sont pas à
la hauteur des diplômes. Ils ont ainsi été quelque 2 000 étudiants d'écoles de
commerce, de marketing ou d'informatique à répondre à l'offre d'emploi... «
Aucun problème d'accent », assène, sans complexe, Abdoulaye Sarre, l'un des
fondateurs. Qui voit également dans PCCI l'opportunité pour certaines
entreprises françaises « d'accéder à des compétences rares dans l'Hexagone.
L'université de Senghor forme ainsi des pharmaciens dont le savoir pourrait
être utilisé dans une cellule dédiée à l'univers médical ». Quant à
l'infrastructure télécom, PCCI est connecté à deux câbles sous-marins à fibre
optique (Atlantis 2 et Sat 3) qui relient l'Europe à l'Amérique. Pour
convaincre, PCCI s'engage aussi sur les résultats. Sa campagne de réabonnement
pour un magazine français de vulgarisation scientifique, par exemple, PCCI l'a
gagnée en acceptant d'être payé au prorata des ventes effectuées. Un choix
offensif qui fait craindre à certains l'attribution de missions dans le "dur".
A ceux qui font de la proximité une priorité, Dominique Berthelot rétorque par
la mise en place d'un système de visioconférence. Et, pour les autres qui
craindraient "un décalage culturel" entre téléacteurs français et sénégalais,
il répond que l'encadrement opérationnel est assuré par des cadres expatriés.
Un bureau à Paris
Il ne s'agit pourtant pas d'une
délocalisation classique. Car, derrière le sigle PCCI se dissimulent, en fait,
trois investisseurs sénégalais. Les fondateurs, Abdoulaye Sarre (Dg), Abdoulaye
Mboup (Dga) et Yerim Sow (président du conseil d'administration), détiennent en
fonds propres 66 % du capital (4,5 ME). Trois banques, dont la Bank of Africa,
financent les 1,52 ME restant. Les trois comparses se connaissent depuis l'âge
de 11 ans. Issus de familles aisées de la capitale sénégalaise, ils ont fait
leurs études entre les Etats-Unis et la France. Les deux premiers sont vite
devenus des apporteurs d'affaires pour de grands groupes, tels Siemens. Le
dernier préside aux destinées du réseau cellulaire Telecel, filiale de
Vodaphone, pour l'Afrique. « Nous aurions pu rester chacun dans nos métiers. Se
contenter d'investir en bourse nos bénéfices. Mais, avec l'accession au pouvoir
du président Wade, on pouvait envisager de faire quelque chose », explique
Abdoulaye Sarre. Car, pour le Sénégal, l'implantation de ce premier centre à
vocation internationale représente une belle opportunité. Alain Frossard,
conseiller économique de l'ambassade de France, rappelle que « l'économie
informelle totalise 60 % du PIB. Le secteur salarié, lui, n'en représentant que
5 % ». Si PCCI tient son plan de développement sur deux ans, la société
deviendra le premier employeur du pays avec 3 000 positions et 7 000 salariés.
Aujourd'hui, avec 300 positions ouvertes, et un potentiel de 1 000 ouvrables
rapidement, PCCI Dakar se lance dans la mêlée. Embauchée pour une période
d'essai de six mois, la quarantaine de téléacteurs - dont c'est souvent le
premier emploi salarié - reçoivent 120 000 F CFA (183 E) auxquels devraient
s'adjoindre des primes leur permettant de doubler leur salaire. Soit
l'équivalent de 5 fois le salaire minimum. Les actionnaires ont ouvert une
représentation commerciale à Paris, dirigée par Dominique Berthelot et
Jean-Jacques Doucet, anciens de Convergys. PCCI devra toutefois trouver une
dizaine de partenaires pour atteindre l'objectif de 7 ME, fixé pour son premier
exercice.