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L'Union de l'opérationnel et de l'analytique

Pour récupérer une information client de plus en plus riche et complexe à capter, les solutions de gestion de campagnes marketing tendent à réunir marketing opérationnel et marketing analytique. Une tendance qui évolue avec la montée en puissance de nouveaux concepts tels que le MRM (Marketing Resource Management) et l'EMM (Enterprise Marketing Management) destinés à mesurer précisément les coûts et le retour sur investissement des opérations marketing.

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Les outils de gestion de campagnes marketing permettent d'élaborer les offres, de cibler les clients/prospects, de construire le plan des campagnes et de répartir le travail entre les acteurs du marketing et les différents canaux de relation avec le client/prospect. Dans les années 90, ils étaient baptisés EMA (Enterprise Marketing Automation), puis EMP (Enterprise Marketing Platform). Une évolution liée à la fonction marketing, un métier en mutation, qui a dû s'adapter à des rythmes de vie accélérés et s'accommoder des changements de comportement des consommateurs. « De plus, la généralisation des technologies Internet a modifié en profondeur non seulement les systèmes d'information des entreprises, mais également les modes d'échange et de communication avec les clients/consommateurs. Cela notamment avec la multiplication des canaux d'interaction, la mise en oeuvre de concepts anglo-saxons comme le one-to-one, le Permission Marketing... », précise François Laxalt, directeur marketing de Neolane. En ce sens, les outils de gestion de campagnes marketing se différencient des progiciels de CRM. « Les solutions de CRM intègrent des fonctions de gestion de campagnes limitées dès qu'il s'agit de communiquer sur des canaux innovants, même via l'e-mail qui s'est pourtant largement démocratisé. Leur capacité est encore plus critique quand il faut les combiner avec des canaux traditionnels », déplore Christophe Cousin, fondateur de Café CRM.

Associer l'e-marketing au Web analytique et le « communautaire » avec le search marketing

Les plateformes d'EMP vont beaucoup plus loin. « En effet, elles permettent de communiquer des offres à une clientèle ciblée dans un environnement multicanal avec, en prime, la segmentation, l'analyse prédictive pour l'optimisation des campagnes et le déclenchement d'événements en temps réel », résume François Laxalt. Les plateformes d'EMP permettent aux entreprises d'agir sur trois leviers : le marketing stratégique, avec la connaissance du marché et l'anticipation de ses évolutions ; le marketing produit, par la création de produits correspondant le plus possible aux attentes des consommateurs ; et le marketing opérationnel, en disposant de bases de données qualifiées et à jour. La mise en œuvre d'une plateforme marketing ou EMP a pour objectif de délivrer le bon message, à la bonne personne, à travers le bon canal et, naturellement, au bon moment.

Les solutions d'EMP répondent au besoin des entreprises de gérer, au sein d'une interface unifiée, l'ensemble de leurs campagnes multicanal, tels que le mailing traditionnel, le fax, l'e-mail mais également le téléphone et les centres de contacts. Un marché en plein essor que se partagent des acteurs issus d'univers différents comme SAS (décisionnel et BI), ou venant de l'optimisation des campagnes d'email comme Neolane. D'autres acteurs tels qu'Unica et Smart Focus (qui a racheté Aims Software en 2005) proposent des fonctions de reporting très poussées.

Toutes ces plateformes s'appuient sur plusieurs technologies telles que le data mining pour identifier les clients susceptibles d'effectuer des achats croisés et répétés ; les technologies de management de campagnes pour planifier, optimiser, exécuter des campagnes portées par un ou plusieurs canaux ; et les technologies d'analyse et de reporting pour réaliser l'étude de la performance des campagnes. Sur ce dernier point, le cabinet d'études Gartner remarque que la tendance est d'associer remarketing au Web analytique, le marketing dit « communautaire » et le search marketing.

La notion de MRM renvoie à l'ensemble des activités mises en œuvre par les départements marketing. Le MRM propose un cadre et une méthodologie pour mieux organiser et utiliser toutes les ressources marketing : budget, campagnes, collaborateurs, points de vente, supports de communication, prestataires... « Il s'agit, pour les directeurs marketing, de mettre en cohérence l'ensemble de leurs leviers d'action. L'objectif étant d'optimiser et de démontrer leur contribution à l'atteinte des objectifs stratégiques de l'entreprise », précise Olivier Maire, responsable Business Europe du Sud chez Unica. Cependant, pour François Laxalt: « Engager une approche de type MRM requiert de concevoir le marketing non plus comme un ensemble d'actions, mais comme un processus opérationnel centré sur l'élaboration de plans marketing. »

Olivier Maire (Unica) :

« Il s'agit, pour les directeurs marketing, de mettre en cohérence l'ensemble de leurs leviers d'action. »

Le MRM répond aux attentes des directions marketing

Pour répondre aux attentes des directions marketing, le marché des fournisseurs de solutions marketing s'organise en conséquence avec des outils dédiés au MRM ou des plateformes intégrant des fonctions MRM. Pour le cabinet Gartner, déployer ce type de solutions permet de mieux maîtriser les budgets grâce aux alertes et au pilotage des ressources. « De plus, le retour sur investissement peut être simulé, optimisé et mesuré en faisant varier les paramètres des plans marketing et en ajoutant des actions en conséquence », indique François Laxalt.

Si le MRM commence à faire son apparition dans les grandes entreprises, il entraîne avec lui d'autres nouveaux concepts comme l'EMM (Enterprise Marketing Management) et le MPM (Marketing Performance Management). « L'EMM s'appuie sur une plateforme unique de marketing et sur plusieurs applications fonctionnellement spécialisées pour répondre aux nécessités fondamentales d'un département marketing », explique Olivier Maire. Lorsqu'elle est, de surcroît, configurée pour interagir avec d'autres applications, l'EMM dote l'entreprise d'une solution complète de stimulation de la croissance et de la profitabilité par optimisation de la productivité marketing. Il joue le même rôle dans le domaine du marketing qu'un PGI (progiciel de gestion intégré) à l'égard des fonctions back-office de l'entreprise. De son côté, le MPM désigne la catégorie de logiciels mesurant l'efficacité des processus de marketing. Autant de sujets nouveaux qui attestent de la mutation profonde de la fonction marketing.

François Laxalt (Neolane) :

« Le marketing se conçoit comme un processus opérationnel centré sur l'élaboration de plans marketing. »

Guillaume Pech-Gourg (EMI Music) :

« Nous avons souhaite exécuter des campagnes de communication personnalisées en fonction des préférences exprimées. »

EMI Music
recrée son modèle économique

Pour faire face à la chute de ventes de CD audio, EMI Music mise sur une stratégie marketing consommateurs multicanal. Objectif : orchestrer des campagnes ciblées et personnalisées sur plusieurs canaux relationnels afin de développer de nouvelles sources de revenus.

EMI Music, filiale du Groupe EMI, est l'un des chefs de file du marché mondial des médias et des divertissements. Elle produit des artistes aussi célèbres que Norah Jones, Diam's, Daft Punk et Robbie Williams. Cependant, depuis quelques années, le secteur subit de profondes mutations en particulier avec la montée en puissance du téléchargement en ligne et du piratage. « Pour accompagner cette transition technologique et réinventer un modèle économique, il devenait impératif de mettre en place une stratégie marketing consommateurs multicanal », explique Guillaume Pech-Gourg, responsable des contenus et des relations consommateurs. Sur le terrain, le challenge est de taille. « Une problématique compliquée à mettre en œuvre . Nous disposons de plusieurs sources hétérogènes, des données issues de sites des artistes, des fichiers Excel, etc. En outre, nous gérons un catalogue riche de plus de 28 000 projets et nous devons aussi connaître le comportement d'achat pour 125 000 artistes administrés par 17 labels », résume le responsable. Pour réaliser sa stratégie marketing multicanal, la direction marketing décide en 2005 d'implémenter la solution de gestion de campagne marketing de Neolane. « Nous avons sélectionné cette solution pour constituer une base de données marketing multipays centralisée pour sa capacité à exécuter un volume important de micro-campagnes hypersegmentées et cela quels que soient le label et l'artiste. »

« Enfin, Neolane nous offrait la possibilité de mesurer en temps réel les retours des actions sans compter que l'outil s'intégrait avec notre système d'information. » Quatre mois après, la solution est opérationnelle avec une centaine de campagnes par mois sur 400000 destinataires. « Nous avons créé plusieurs centaines de questionnaires, jeux concours dans l'univers visuel de chaque artiste », précise Guillaume Pech-Gourg. En 2007-2008, EMI Music décide d'intensifier les campagnes à destination des canaux mobiles. « Nous avons souhaité aller plus loin en exécutant des campagnes de communication personnalisées en fonction des préférences exprimées : newsletters d'artistes, événements... Le résultat est probant : plus d'un million de consommateurs qualifiés et inscrits à un service au moins et des taux d'ouverture de campagnes e-mails de plus de 30 %. »

Dernièrement, EMI Music a réalisé une campagne marketing de Wap Push (un message SMS spécifique contenant un lien qui renvoie vers un site Wap). Contrairement au SMS, qui contient uniquement un texte statique à but informatif, le Wap Push permet au destinataire d'agir. En un clic, il passe du message à un site internet mobile personnalisé. « Le portable est un outil de communication qui s'adresse de façon quasi instantanée à une audience captive et pour laquelle les taux de conversion sont élevés », note Guillaume Pech-Gourg. Et de poursuivre : «En plus de ses capacités de personnalisation, les bénéfices d'utilisation du Wap Push Neolane sont, entre autres, d'augmenter le trafic sur un site Wap. Ce type de campagne a été, pour nous, un succès avec 25 % de taux de clics et 20 % de la cible qui a téléchargé un logo ou une sonnerie. » À court et moyen terme, EMI Music envisage de valoriser sa base de données pour développer davantage d'actions de ventes directes auprès des fans et des partenaires. « Nous souhaitons aussi automatiser les réponses dans la base de données marketing et mécanismes de gestion de la qualité des données et réaliser des reportings automatisés sur les enquêtes, des analyses et des présentations de résultats tout en respectant le consentement du client, de la sollicitation commerciale et des contextes législatifs de chaque pays (France, Italie, Allemagne...) », conclut Guillaume Pech-Gourg.

Demos affine ses techniques de conquête

Demos, acteur majeur de la formation continue en France et en Europe, mise sur l'EMM pour optimiser la gestion de ses campagnes, formaliser les processus, cibler les actions et multiplier les gains de productivité.

Sa volonté de devenir leader européen du savoir opérationnel sur un marché de la formation professionnelle hyperatomisé (près de 40 000 organismes, rien qu'en France) pousse Demos à des exigences toujours plus pointues en termes de marketing et de conquête clients. La success story de Demos repose sur sa maîtrise des techniques de marketing direct et la gestion optimisée de ses campagnes qui génèrent près de 70 % du CA.

Schématiquement, avant 2006, les marketeurs géraient leurs ciblages marketing directement à partir de la base de production via des requêtes sous Access et Excel. « Nous nous heurtions à des pratiques individuelles non mutualisées, de qualité inégale d'un marketeur à l'autre, avec un contrôle de la qualité des ciblages et une vision d'ensemble des campagnes difficiles. En clair, les marketeurs attaquaient directement et sans filet la base de production », résume Hervé Rivalland, directeur marketing du groupe Demos. « Cette approche artisanale offrait peu de vision globale et limitait l'optimisation des campagnes », ajoute-t-il. Début 2006, la décision est prise d'équiper la direction marketing d'une solution d'EMM avec Affinium Campaign d'Unica. « Pour rationaliser nos actions marketing France et outiller nos filiales internationales, nous souhaitions une solution complète de gestion d'interactions et de campagnes marketing pour nous permettre de créer, tester, optimiser, déployer et analyser des actions de communication personnalisées, à vagues et à canaux multiples », précise le directeur marketing. En quelques mois, la solution est déployée techniquement. Elle offre à l'ensemble des marketeurs, via une interface web intuitive, un catalogue de modèles de campagnes d'acquisition ou de fidélisation multicanal, paramétrés et sécurisés, une segmentation automatisée, une bibliothèque d'offres commerciales et de rapports prédéfinis facilitant la gestion et l'analyse des retours.

Mi-août 2006, la direction marketing lance officiellement la campagne d'actions 2007 intégralement pilotée par Affinium Campaign par l'envoi de son catalogue général 2007. En un an, la direction marketing a réussi à mieux gérer la pression marketing de chaque contact avec les éléments les plus utilisés tels que les segments, les offres et les modèles définis une fois pour toutes. Ceux-ci sont réutilisés à volonté pour garantir que les bonnes pratiques et les règles d'activité sont cohérentes et bien suivies dans toutes les campagnes. La direction marketing a pu optimiser la qualité des ciblages, réduire de deux jours à moins de trois heures le lancement d'une campagne de A à Z, la sélection des critères de ciblage, de l'analyse des tests jusqu'à l'envoi du fichier au prestataire. « La puissance de notre application permet à mes équipes de développer et d'exécuter rapidement toutes sortes de communications marketing. Il peut s'agir de campagnes planifiées, de programmes déclenchés automatiquement, en temps réel, en fonction des réactions du contact. Cette approche partagée et coordonnée aide les marketeurs à conduire des stratégies de communication efficaces qui atteignent chaque client individuellement au bon moment et avec la meilleure offre, ce qui consolide leur fidélisation et augmente le ROI », précise Hervé Rivalland. Demos va poursuivre l'exploitation de son progiciel d'EMM par l'ajout de nouvelles fonctionnalités et de nouveaux modules dans l'optique d'une optimisation permanente de la pertinence de ses ciblages. « L'objectif fixé en début de campagne 2007 a été atteint. Nous avons réduit fortement, à périmètre égal, à la fois le nombre de campagnes et le volume d'envois par action. Cependant, le chiffre d'affaires du groupe Demos a progressé de 34 % au cours de l'exercice 2007 (58,5 MEuros en 2006 à 78,30 MEuros en 2007) dont 24 % à périmètre constant. Nous souhaitons pousser plus loin les fonctionnalités de l'outil et implanter Affinium Campaign dans les filiales étrangères (13 pays) pratiquant le marketing direct », conclut Hervé Rivalland.

Hervé Rivalland (Demos) :

« Cette approche partagée et coordonnée aide les marketeurs à conduire des stratégies de communication efficaces. »

«Le mid market attend sa solution EMP»

Si les Enterprise Marketing Platforrn sont bien implantées dans les grandes entreprises, pour les directions marketing du mid market, ce n'est pas aussi simple. Un marché à défricher pour les acteurs de l'EMP. L'interview de Christophe Cousin, fondateur de Café CRM, aujourd'hui Mediapost Multicanal.

Les plateformes d'EMP permettent de communiquer des offres aux segments de clientèle dans un environnement multicanal. Mais cette offre est-elle toujours réservée aux grandes entreprises ?

Christophe Cousin : Au-delà des initiatives mises en œuvre par les plus grandes entreprises françaises, force est de constater qu'entre les discours prometteurs tenus par les éditeurs des outils d'Enterprise Marketing Platforrn (EMP) et la réalité de la majorité des entreprises, et en particulier celles du mid market, il existe un abîme ! Pourtant, les entreprises du mid market expriment peu ou prou les mêmes besoins basiques que les grandes entreprises en matière de solutions marketing. À savoir : identifier des prospects, constituer des fichiers, enrichir des adresses, personnaliser les messages en fonction de segments, développer l'usage de l'e-mailing, analyser les retours...

Quels sont les facteurs qui restent discriminants pour le marché du mid market ?

Aujourd'hui, ces besoins nécessitent de mettre en musique plusieurs prestataires (broker, agence, intégrateur, routeur, data miner...) et de disposer d'une infrastructure complexe : flux et base de données orientée « connaissance client », outil de gestion de campagnes, de reporting, de business intelligence, de canaux de sortie, etc.

À tout ceci, viennent encore s'ajouter une organisation, des process, des expertises CRM (rares sur le marché). Bref, tout un écosystème interne qui prend du temps pour fonctionner efficacement. On peut facilement comprendre que ces prérequis sont compliqués à réunir pour les acteurs du mid market et ce, d'autant qu'il n'existe pas de solution intégrée pour ce segment du marché.

Les progiciels de CRM seraient-ils plus adaptés au mid market ?

En effet, alors que les fonctionnalités proposées pour la partie vente (ou SFA), ou les services clients, répondent bien aux besoins du marché, le module « marketing automation » fait trop souvent figure de « parent pauvre » des applications destinées au mid market. Segmenter est compliqué et l'utilisation de l'e-mail demeure laborieuse. De plus, il est quasiment impossible de combiner actions on et off line. Certaines fonctionnalités sont même totalement absentes de ce type d'outils comme, par exemple, ce qui a trait à la qualité des données (normalisation des adresses postales, etc.) ou le géomarketing.

Comment les directions marketing du mid market abordent-elles cette problématique ?

Les directions marketing du mid market en sont réduites à « bricoler », faire des liens souvent peu industriels entre diverses applications (parfois bureautiques). Elles ne peuvent pas réellement exploiter les bénéfices si souvent annoncés du Marketing Management.

Une plateforme marketing délivre le bon message, à la bonne personne, à travers le bon canal et au bon moment... Il ne manque donc qu'une offre adaptée à ce marché ?

En effet, et c'est d'autant plus dommage que la connaissance clients est désormais au cœur de toutes les stratégies, que les équipes on et off line travaillent de plus en plus souvent ensemble, que le multicanal prouve chaque jour son efficacité, et que les modèles statistiques sont désormais rodés.

Quelle serait, selon vous, la solution idéale ?

Paradoxalement, c'est cette tendance de fond qui alimente mon espoir de voir arriver, en provenance des grands éditeurs du moment, la solution idéale : alimentée par des référentiels aussi bien internes qu'externes, optimisant la qualité des données, riche fonctionnellement, simple à utiliser, facile à brancher sur de nouveaux canaux, puissante et industrielle, et, surtout, à un coût adapté au mid market cherchant des ROI rapides.

Christophe Cousin (Mediapost Multicanal) :

« La connaissance client est désormais au coeur de toutes les stratégies. »

Annie LICHTNER

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