Howard Draft (DraftWorldwide) : « L'intégration est la clé de notre succès »
Quel est votre sentiment par rapport à l'évolution du marché des marketing services ?
Howard Draft : L'évolution de notre
métier va dans le sens de l'intégration du marketing direct, de la promotion,
du "digital marketing"... dans une seule société. Avec des perspectives de
croissance importantes parce qu'ainsi, l'on est capable d'offrir toutes les
différentes solutions au sein d'une agence unique. On se dirige en fait vers un
marché de la communication comprenant des agences de publicité "générales", de
marketing services, de relations publiques et des agences médias. C'est tout.
Si le marché de la publicité apparaît plat, celui du marketing relationnel, de
la fidélisation, est bon. Il progresse parce que les entreprises dépensent plus
d'argent pour garder leurs clients. Je suis confiant, cela va continuer.
On a souvent évoqué le digital marketing comme une révolution. Qu'en pensez-vous ?
H. D. : C'est juste une option média supplémentaire
pour acquérir des clients et développer des programmes de fidélité. C'est un
média très peu cher. C'est un changement, une évolution, mais pas une
révolution.
Certains groupes ont intégré des activités de centres d'appels. Pas vous. Pourquoi ?
H. D : Je ne suis jamais rentré sur
le marché des call centers, parce que c'est un métier coûteux. Les coûts
technologiques sont très élevés et il faut investir en permanence. Et puis, le
call center, c'est un "commodity business". N'importe qui peut être dans ce
métier. Je ne veux pas avoir des milliers de personnes répondant au téléphone.
Je préfère avoir des milliers de personnes dans des agences qui génèrent des
idées. Et qui participent ainsi au travail principal d'une agence, qui est de
vendre des produits, de construire des marques et de le faire de manière
rentable.
Selon vous, quels ont été les facteurs clés de succès de votre groupe au cours de ces 25 dernières années ?
H. D : La
chance, la chance et... la chance (rires). L'un des premiers facteurs, c'est
que, depuis très longtemps, nous sommes impliqués dans la "direct response TV".
Dès 1982, pour Home Box Office, qui fut l'un de nos premiers clients à New
York. Ce qui nous a donné beaucoup de visibilité et nous a énormément aidé.
Parmi les autres facteurs, il y a le fait d'avoir établi des relations à long
terme avec nos clients et le fait d'avoir gardé les gens en leur donnant des
responsabilités... Nous sommes une agence qui a l'esprit d'entreprendre. Mais
la principale raison de notre succès, c'est l'intégration des différentes
disciplines. Dès 1982, nous avons intégré dans notre agence de New York le
marketing direct et l'achat d'espace TV. Nous sommes maintenant très puissants
dans ce domaine : nous avons 150 acheteurs de télévision aux Etats-Unis, où
nous achetons au moins un tiers de la direct response TV. Nous avons intégré
l'activité bases de données en 1988, la promotion en 1995, le digital en
1999...
Et, quels seront les facteurs clés de succès pour les 25 prochaines années ?
H. D : Avant tout, le développement de notre
réseau en Asie et en Amérique du Sud. Nous sommes un "monstre" aux Etats-Unis,
un "monstre" au Canada. Nous sommes bien en Europe, même si nous devons être
encore plus importants. Nous sommes déjà présents sur les marchés asiatiques et
sud-américains, mais nous n'y avons pas encore atteint la taille critique. Nous
devons encore y construire notre succès, et spécialement en Chine, au Japon, en
Australie...
Quelle est l'importance de l'Europe dans votre stratégie de développement ?
H. D : J'avais un patron, lorsque
l'agence faisait partie du groupe Saatchi & Saachi, qui m'avait dit : « Pour
être grand en Europe, il faut aller au coeur de l'Europe ». Et le coeur, c'est
l'Angleterre, la France et l'Allemagne. Nous avons beaucoup travaillé sur ces
trois marchés. Nous sommes aussi ailleurs en Europe, mais ces trois-là
représentent à peu près la population des Etats-Unis. C'est donc un grand
marché, et nous devons nous concentrer sur les grands marchés parce qu'ils ont
de grands clients et génèrent des revenus importants.Il existe une vielle
expression : "Pourquoi vole-t-on les banques ? Parce que c'est là qu'est
l'argent". Et pourquoi sommes-nous en Angleterre, en France et en Allemagne ?
Parce que c'est là qu'est l'argent ! (rires) L'Europe représente entre 28 et 30
% de notre activité. Il nous reste encore beaucoup à faire pour être
meilleurs.
Quelle est la culture de votre groupe ?
H.
D : La culture du groupe, c'est avant tout l'esprit d'entreprendre. C'est aussi
être concentré sur les clients et, dans le même temps, donner en retour, du
temps, des moyens, de l'argent à des organisations caritatives. Nous le faisons
le plus possible pour des organisations qui s'occupent d'enfants. Nous essayons
de gagner beaucoup d'argent, c'est vrai, mais si l'on veut être une grande
entreprise, on doit aider les autres. Et je pense aussi que cela aide les gens
à se sentir bien dans l'entreprise où ils travaillent. Vous devez donner en
retour, parce que si vous le faites, on vous donnera aussi quelque chose.