Grande consommation Le pari de l'intégration des canaux relationnels, Cesoir joue la complicité 2/2
Comment reprendre contact avec le consommateur final en dépit de l'écran opaque de la grande distribution, titulaire d'un quasi-monopole relationnel ? En se dotant d'outils de collecte de l'information et en animant des programmes d'offres relationnelles et transactionnelles segmentées. Pratiques et nouvelles perspectives.
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GÉNÉRER LES COMPORTEMENTS QUI INTÉRESSENT LA MARQUE
«
Pour être efficace, il faut identifier les offres qui séduiront tel ou tel
profil de consommateurs et les faire alterner dans le temps », conseille Marc
Vautier. On estime qu'en moyenne un programme de fidélisation peut faire
grimper de 20 % le taux de nourriture d'un consommateur entretenu en base. Deux
grandes familles d'offres peuvent être utilisées : les transactionnelles
(exemple : bons de réductions, échantillons) et les relationnelles (magazine,
service consommateurs, concours, témoignages sur la marque, mailing
anniversaire...). « Le modèle de segmentation le plus couramment utilisé divise
la base en trois groupes : consommateurs réguliers, occasionnels et
exceptionnels », ajoute Jean-Claude Balès, dirigeant de Comtel. Les premiers,
"les ambassadeurs de la marque", génèrent un chiffre d'affaires qui permet de
financer rentablement des messages personnalisés et qualitatifs. Les seconds
font l'objet d'une communication par sous-groupes ("one-to-few") et le
comportement des derniers ne justifie que rarement une communication marketing
direct. Sauf si l'acte d'achat met en jeu une valeur importante. Une phase de
test est indispensable. « Compte tenu du faible coût unitaire des produits, il
est vital de tester chaque solution de communication envisagée, soit le mode de
recrutement, la qualification et le mix de communication lui-même, reprend
Dominique Damato, directeur général de Wunderman Cato Johnson Paris. Exemple :
si une marque dépense 50 francs par adresse et par an en marketing direct, quel
sera le taux de réactivité qui lui permettra de rentabiliser les actions, soit
quel montant de chiffre d'affaires additionnel par personne générera plus de 50
francs de marge ? »
PERSONNALISER AVEC DOIGTÉ
« Plus
on personnalise, plus on crée de l'attention et on suscite de l'interactivité
», explique Marc Vautier. « Un bon programme relationnel renvoie à ses
adhérents leur propre image et leur donne le sentiment qu'ils sont connus et
reconnus », estime Anne Zavan. Un signe qui ne trompe pas : quand le service
consommateurs reçoit des volumes croissants de lettres spontanées, de photos de
vacances et autres témoignages de proximit... Selon Brian Woolf, la
personnalisation de la relation est appelée à devenir un élément de
différenciation majeur sur le marché de la distribution. A ses yeux, il est
bien plus rentable d'appeler régulièrement ses meilleurs clients pour les
remercier de leur fidélité, leur demander comment s'est passée leur dernière
visite et quels nouveaux produits ils souhaiteraient voir dans leur magasin,
que d'investir dans des campagnes publicitaires. Il cite l'exemple d'un
distributeur qui envoie au directeur de chacun de ses supermarchés les numéros
de téléphone de leurs cinq meilleurs clients de la semaine précédente. Le
directeur ou un autre membre de la direction appelle chacun d'entre eux pour
discuter au moins un quart d'heure avec lui. Les noms des clients sont topés
dans la base pour éviter qu'ils soient rappelés avant 30 semaines. La
personnalisation peut aussi servir à faire de la fidélisation "défensive".
Plusieurs fois par mois, le responsable d'un point de vente identifie au sein
de son fichier, les quelques pour-cent de clients qui n'ont pas fait d'achat
depuis 6 à 8 semaines et les appelle pour en savoir plus. La prospérité d'un
hyper dépend donc de la capacité de son management à repérer des changements
dans le comportement de sa clientèle et à établir une communication
personnalisée avec eux à ce moment. Attention toutefois aux effets pervers
d'une connaissance approfondie du comportement individuel des consommateurs. Il
s'agit d'une arme efficac... à condition de l'utiliser avec doigté. Montrer à
un client que l'on connaît trop bien ses habitudes d'achat met la relation en
péril. Exemple : "mais pourquoi n'achetez-vous plus votre marque préférée de
café chez nous ?" Autre piège à éviter : communiquer trop souvent au point de
saturer sa cible.
GÉRER LA RELATION DANS LE TEMPS
Ce
qui suppose d'historiser tous les contacts et en particulier de mesurer les
retours de chaque action. Une démarche qui permet de mieux connaître sa cible
au fil des actions et d'améliorer la rentabilité du programme en ne
sélectionnant au fil du temps que les seuls profils actifs. « Dans une première
phase de montée en puissance des bases de données relationnelles, les marques
ont commencé par identifier leur coeur de cible, le périmètre de leur capital
client présent et futur. En gros, on sait sur qui investir avec quelle
espérance de profit », affirme Dominique Damato. Mais, pour caricaturer, les
programmes relationnels des années 90 étaient des systèmes de mass-média,
lourds, coûteux et peu fins, souvent en décalage avec les préoccupations des
consommateurs. Au point que les taux de remontées suscités par les
sollicitations des marques ont eu tendance à plonger dans la fin de la
décennie. « Les programmes offrent trop souvent des avantages indifférenciés »,
juge Jean-Claude Balès. « Faute d'études comportementales sérieuses, la
personnalisation est peu développée », reconnaît Dominique Damato. Au point,
qu'il n'existerait pas encore de vrais programmes relationnels qui utilisent
les différents leviers de segmentation du Customer Relation Management, soit la
palette des offres relationnelles et transactionnelles en fonction du potentiel
du client.
SOUS-EXPLOITATION DES DONNÉES
Dans la
plupart des entreprises, on dispose des informations mais leur utilisation est
encore partielle et sommaire. Observation validée par une étude d'Arthur
Andersen réalisée en décembre 1999 auprès de 80 services consommateurs de
grandes entreprises (voir p 12-13) : "L'historique du contact client est quasi
systématiquement enregistré de façon très complète, en inscrivant la date, le
produit, le motif, le média, etc. Il couvre même les actions générées et
l'issue du contact dans plus de 90 % des services." Toutefois les auteurs de
l'étude pointent une sous-exploitation des données collectées : puisque 53 %
des entreprises ne réaliseraient aucune opération marketing à partir des
informations recueillies. Jean-Louis Ferry avance une explication à cet
abstentionnisme : le coût d'une communication segmentée lorsque l'on utilise
l'outil principal du marketing direct, le mailing adressé (voir aussi encadré).
« On est confronté à une progression géométrique négative coûteuse en frais
fixes puisque, dès que l'on ajoute un nouveau critère, on divise les
populations par deux. Résultat, avec plus de quatre critères sur une base de
400 000 personnes, on se retrouve avec des segments de moins de 50 000
personnes. Et des frais de création, d'impression et d'affranchissement très
élevés », raisonne-t-il. D'où l'intérêt des nouveaux médias qui offrent de
nombreuses possibilités de personnalisation et d'interactivit... à bas coûts.
Un passage obligé selon Emmanuel des Moutis, président de WCJ Paris, partisan
d'affiner la segmentation « car elle seule crée de la valeur et permet
d'accroître la rentabilité ». Ces nouveaux médias, au premier rang desquels
figurent Internet et les centres d'appels, permettent de collecter à moindre
coût des informations sur les consommateurs et de mettre en oeuvre une
segmentation plus fine et moins coûteuse. Puis d'interagir de façon plus riche
(panier de services on-line plus large, y compris via un Web call center) et
personnalisée. Une simple visite sur les sites Vidal Sassoon et Pantène fait
toucher du doigt la finesse potentielle du média Web. Sous prétexte d'apporter
des conseils de stylistes maison pour améliorer son look capillaire, ces
marques de shampooing du groupe Procter hébergent des questionnaires très
pointus sur la nature des cheveux, la couleur, et même la coupe des
Internautes. Une démarche qui permet de valider ou d'affiner des typologies de
clientèle. « C'est aussi un moyen de stimuler des leviers personnalisés
d'achats en jouant la carte du conseil, en réassurant sur le produit, voire en
couplant des programmes promotionnels », commente Dominique Damato.
BÂTIR DES SYSTÈMES INTÉGRÉS
Conséquence de l'arrivée de
ces nouveaux médias : il va falloir réorganiser les systèmes d'information liés
à la base de données, qui étaient jusqu'à présent surtout alimentées par des
remontées promotionnelles. Objectif : se doter d'une historisation complète des
contacts et d'un pilotage intelligent à partir des critères qualifiants
identifiés. « C'est un double challenge intellectuel et opérationnel : il faut
d'une part sélectionner dans cette masse d'informations quelles sont celles qui
sont vraiment pertinentes pour définir un segment et d'autre part, apporter la
bonne offre, via le bon canal, au bon segment », énonce Emmanuel des Moutis,
qui prévoit une nouvelle structuration du marché des données consommateur.
Révolue l'époque des années 90 où mégabases et bases des marques de grande
consommation renfermaient grosso modo les mêmes critères. « Il y aura d'une
part les données socio-démographiques et de profil qui seront achetées à
l'extérieur chez des panélistes, auprès des mégabases ou des cartes de
paiement. Ce qui permettra au passage d'alléger les questionnaires envoyés par
les marques, qui, elles, se concentreront sur des questions relationnelles plus
fines notamment via l'analyse des cheminements sur leur site Web »,
explique-t-il. « Il y a un gros travail d'étude en amont pour caractériser sa
cible, notamment en termes de comportement et de fréquentation média », ajoute
Dominique Damato. De cette étape dépend la définition de mix intéressants
(contenu, canal...) à utiliser de façon fine et rentable sur les cibles
identifiées. D'un point de vue opérationnel, une base de données intégrant
différents canaux d'alimentation (dont les remontées des mailings, des apports
extérieurs, des contacts web, SVI et centres d'appels...) permettra de
pratiquer un marketing prédictif personnalisé. A condition, bien sûr, de se
doter d'outils de pilotages adéquats. Le principe ? « Développer grâce aux
informations issues des études, des schémas de réponse en anticipation des
besoins consommateurs », explique Dominique Damato. Ce pilotage intelligent
enverra des e-mails push (offre commerciale ciblée) quand un internaute aura,
par son cheminement, validé son profil et déclenché l'activation de ce message.
Autres applications possibles : des flashs d'informations sur un sujet proche
de ses préoccupations et des portails personnalisés. Mais, à en croire l'étude
d'Arthur Andersen sur les services consommateurs, l'intégration au sein d'un
système d'information commun de l'ensemble des canaux de contact entre une
entreprise et ses clients, n'est pas encore atteinte. Un indice qui ne trompe
pas : dans 90 % des entreprises interrogées, la base de données relationnelle
et la base du service consommateurs constituent deux entités séparées, sans
lien entre elles.
PARTENARIAT AVEC LES ENSEIGNES
Une
autre façon d'améliorer la rentabilité consiste à s'engager dans des opérations
en partenariat avec d'autres marques ou avec des distributeurs. Que
partagent-ils en fait ? « En mettant en commun des informations sur le
consommateur qui fréquente les points de vente, on réduit les coûts de revient
de collecte de l'information et on accroît l'efficacité, notamment par la mise
en commun des moyens promotionnels qui permettent d'accélérer la collecte des
points », poursuit Dominique Damato. Une association avec une enseigne améliore
le retour sur investissement du trade-marketing et lui confère une plus grande
cohérence stratégique. « Jusqu'à présent, le trade était un impôt forfaitaire
prélevé par le distributeur sur le fabricant », commente Emmanuel des Moutis,
qui prône des méthodes de travail plus constructives. Parmi les précurseurs de
cette nouvelle ère de collaboration, figure Carrefour et son initiative de
panier Jeune Maman, réalisé avec des marques de food et de produits ménagers et
des produits Carrefour. Certaines marques, comme ce fabricant de protections
périodiques féminines qui souhaite rester anonyme, couplent des objectifs de
trade-marketing et la mise en place d'un programme relationnel. Constituée de
plus de 100 000 noms, la base est alimentée par des retours d'opérations
promotionnelles diffusées dans la presse féminine et dans les points de vente
de façon non différenciée, d'une part. Et, d'autre part, via des campagnes
"personnalisées" par enseigne (Auchan, Carrefour, Continent, Leclerc,
Monoprix...). La mécanique comporte un jeu avec des questions sur le produit
(objectif : créer du trafic et faire prendre le produit en main) et une offre
de remboursement sur SVI. Le serveur vocal interactif capte les coordonnées de
l'appelante via un annuaire inversé et lui pose quelques questions (3 par
opération) qui varient au fil des actions. Parmi elles : "est-ce la première
fois que vous achetez ?" "Avez-vous une fille et quel âge a-t-elle ?"
"Etes-vous enceinte ou avez-vous un projet de maternité ?" "Combien d'enfants
avez-vous ?" « La question primordiale est de connaître la fréquence d'achat
pour qualifier l'appelante : est-elle une exclusive ? Une fidèle ? Une
occasionnelle ? », explique Jean-Claude Balès, dont l'agence est conseil de la
marque. Exemples de profils particulièrement intéressants : les exclusives qui
ont une fille âgée de 11 ans ou les femmes enceintes, jusque-là fidèles ou
occasionnelles. Dans le premier cas, la marque va utiliser le pouvoir de
prescription de la mère en lui envoyant des échantillons et des bons de
réductions. Dans le second, la grossesse est une période favorable pour
modifier les habitudes de consommation. Les occasionnelles, elles, sont la
cible d'envois de bons de réduction lors d'opérations de trade par enseigne.
Quand la marque décide de faire figurer ses produits dans le catalogue d'une
chaîne d'hypermarchés, elle renforcera l'effet de cet investissement en
envoyant des offres de réduction aux clientes de la base, dont les codes
postaux figurent dans les zones de chalandises concernées. A partir de
mars-avril 2000, la marque lancera un club constitué des exclusives et des
fidèles, mères d'une jeune fille. Fin 2000, une personnalisation plus fine sera
pratiquée via Internet. Exemple : un programme de conseil en achat d...
voiture. Après avoir rempli un questionnaire permettant de qualifier son
besoin, la cliente se verra proposer trois modèles. Au passage, la marque aura
grappillé des informations comportementales intéressantes parce qu'elles
émanent d'un achat à forte implication.