Demain quels services pour la télévision intéractive ?
CanalSatellite et TPS abordent l'an 2000 avec des objectifs communs : recruter toujours plus d'abonnés et les fidéliser en développant une myriade de services qui, pour la plupart, ont déjà rencontré le succès sur Internet. Claire Leproust et Alain Staron, en charge du développement des services interactifs de chacun des deux bouquets numériques, apportent un éclairage précieux sur leur vision de la télévision de demain.
Demain, quels services pour la télévision interactive ?
Claire Leproust - CanalSatellite
« CanalSatellite doit devenir
un portail communautaire »
Quels sont les premiers services interactifs développés par CanalSatellite ?
Intuitivement et spontanément, nous avons démarré
avec le guide des programmes, puis très rapidement ont succédé l'application
météo liée à la chaîne éponyme, et la banque de données de l'emploi avec la
chaîne Demain. Aujourd'hui, ils sont répartis en huit catégories.
Dans quelle logique de développement vous inscrivez-vous ?
Nous avons constitué un bouquet de chaînes thématiques qui, de
par leur exclusivité, leur positionnement, ou parce qu'elles sont la propriété
d'une marque, possèdent une forte valeur ajoutée. Cette richesse de contenu
nous a au départ évité de devoir combler du vide. Mais la situation a évolué et
aujourd'hui la concurrence nous oblige à axer notre réflexion sur les avantages
en service. L'enjeu est désormais moins de surenchérir sur le contenu que
d'aider les abonnés à maîtriser l'outil interactif.
Comment validez-vous les services auprès des abonnés ?
Nous n'interrogeons
pas de façon systématique nos abonnés sur leurs attentes, car c'est avant tout
l'offre qui crée la demande et ce sont les avancées technologiques qui
déterminent la création des services. Toute l'astuce réside néanmoins dans la
conception de services qui correspondent au comportement de l'abonné. Pour le
connaître, nous réalisons tous les trois mois un baromètre de satisfaction dont
nous tirons à la fois des indices généraux sur la qualité de la relation
qu'entretiennent nos abonnés avec CanalSatellite, et un taux de satisfaction
des chaînes et des services proposés. Nous avons également, grâce au décodeur,
un indice quantitatif qui, sans se comporter en mouchard, nous permet de suivre
l'abonné tout au long de sa fréquentation de CanalSatellite.
Quel est le profil de l'abonné CanalSatellite ?
Il est familial, très
représenté dans les CSP moyennes, âgé en moyenne de 45 ans, plutôt rurbain et
vivant dans un foyer installé. 50 % de nos abonnés sont équipés en PC et 20 %
ont un accès à Internet. Même si ce pourcentage augmente régulièrement de 3 à 4
points, cela nous laisse environ 80 % de gens à convaincre des bienfaits du
commerce électronique, puisqu'ils n'ont pas d'autres moyens que l'Audiotel pour
faire leurs achats on line.
Justement, comment appréhendez-vous l'émergence du commerce électronique ?
L'enjeu du commerce
électronique réside dans l'équilibre du partenariat tripartite que nous aurons
réussi à consolider entre le fournisseur du service, la chaîne qui ramène le
flux d'audience, et nous-même, en tant qu'opérateur, qui veillons à ce que
l'offre faite aux abonnés soit pertinente. Notre position consiste à dire que,
puisque nous sommes dans un environnement de télévision payante, nous sommes
redevables aux abonnés et devons donner la priorité à l'efficacité des
services. Derrière chaque spot de publicité interactif, une proposition
commerciale doit être immédiatement présentée, pour générer du clic qualifié.
C'est ce que j'appelle du couponning interactif.
Comment est organisée votre activité de commerce électronique ?
Les abonnés de
CanalSatellite peuvent acheter les produits en se rendant sur le Forum
Boutique, une hot line commune à l'ensemble des boutiques se chargeant de
rerouter les commandes. La hot line gère actuellement une trentaine d'appels
par jour. Mais ce qui est satisfaisant, c'est que les appels sont plus des
demandes d'informations que des prises de commande directe. Cela signifie que
nos abonnés maîtrisent le processus d'achat à partir de leur télécommande et du
terminal.
Comptez-vous développer un service de messagerie on line ?
Il existe déjà un service e-mail intégré dans le jeu Pikto Rezo,
grâce auquel les abonnés peuvent s'échanger des messages en utilisant leur
pseudonyme. Nous avons favorisé son développement par le jeu pour développer la
notion de compétition entre les joueurs, et créer ainsi une communauté. Et, à
l'heure actuelle, plus de la moitié de nos abonnés jouent à ce jeu. Désormais,
il nous faut améliorer la personnalisation de cette messagerie et favoriser le
dialogue entre les abonnés. CanalSatellite doit devenir un portail
communautaire, comme le sont les sites portail sur le modèle Internet.
Parlez-nous de la publicité interactiv... Nous avons déjà réalisé une vingtaine
de campagnes. Nous en distinguons deux sortes. Les premières s'inscrivent dans
le cadre de spots interactifs liés et synchronisés au spot publicitaire diffusé
dans le cadre de campagnes classiques sur les chaînes. Les secondes sont logées
dans les boutiques des chaînes où sont exposés 24 h/24 les messages de
marketing direct. C'est cette dernière solution qui génère le plus de clics,
pour une raison avant tout pratique : elle évite au consommateur de zapper dès
qu'il aperçoit un message interactif et lui offre la liberté de se rendre sur
la boutique de la chaîne quand il le souhaite, sans contrainte de temps.
L'enjeu consiste donc à fidéliser les annonceurs en leur offrant des packages
de publicités interactives clés en main, eux aussi personnalisés.
Quelles sont vos prochaines échéances ?
Après avoir
poursuivi une logique de programme, nous allons nous concentrer sur le commerce
électronique. La banque et la Bourse sont des thèmes qui devraient nous
permettre de développer des services en tiers écran, c'est-à-dire en mode
contextuel, ce qui permet de conserver l'image du programme diffusé à l'écran.
Des informations, des promotions, des services ou des commandes en ligne
pourront ainsi être accessibles. Le Crédit Mutuel de l'Est, la Société
Générale, la BNP et le Crédit Agricole nous ont d'ores et déjà rejoints. Ces
services seront appuyés par deux contenus : la chaîne financière Bloomberg et
un service d'informations boursières développés avec la Tribune, qui verra le
jour en février. Nous annoncerons d'autre part au cours du premier trimestre le
lancement d'un service de paris sur les courses de chevaux, créé en partenariat
avec le PMU. Enfin, un service de petites annonces, développé en partenariat
avec le magazine Bonjour, devrait voir le jour dans les semaines qui viennent.
Biographie
Claire Leproust, 35 ans, diplômée d'une licence en droit a effectué tout son parcours dans le secteur du câble et du satellite. Elle a débuté en 1988 chez Visicâble, filiale de Canal+, avant de rejoindre un an et demi plus tard la Caisse des Dépôts, pour prendre en charge le suivi de la filiale Com'Dev Image. Elle rejoint CanalSatellite en 1993 pour participer au développement du bouquet numérique, tout d'abord en tant que responsable marketing et des négociations avec les chaînes, puis à partir de 1997 en qualité de directeur adjoint des programmes interactifs.
L'entreprise
Lancé en 1997, CanalSatellite, détenu à 70 % par Canal+, à 20 % par Vivendi et à 10 % par Warner, compte 1,3 million d'abonnés et réalise un chiffre d'affaires de 3,2 milliards de francs. Le bouquet numérique diffuse plus de 100 chaînes et développe une cinquantaine de services.