Recherche

« Nous entrons dans l'ère du marketing en temps réel »

DEPUIS QU'IL A PRIS LA TETE DE LA DMA, LAWRENCE KIMMEL NE MENAGE PAS SES EFFORTS POUR VALORISER SA PROFESSION. CET HOMME DE COMMUNICATION DRESSE UN PANORAMA DE L'ACTIVITE AUX ETATS-UNIS, EN POINTE LES EVOLUTIONS ET EVOQUE LES CHALLENGES QU'ELLE DEVRA RELEVER.

Publié par le
Lecture
10 min
  • Imprimer

MARKETING DIRECT Comment définissez-vous le marketing direct aujourd'hui?

Pendant des années, les gens ont considéré que notre activité était centrée sur les canaux et non sur les consommateurs. C'était une erreur. Notre métier consiste, et a toujours consisté, à enrichir l'expérience client, ainsi qu'à optimiser le retour sur investissement.

LAWRENCE KIMMEL, PRESIDENT DE LA DMA

LAWRENCE KIMMEL, PRESIDENT DE LA DMA

MARKETING DIRECT Votre industrie est devenue très importante et très puissante...

- Cette année, les dépenses en marketing direct ont atteint 163 milliards de dollars aux Etats-Unis, un chiffre en hausse de 5,6 % par rapport à 2010. Et, malgré le ralentissement économique, les investissements vont encore progresser l'an prochain. Le mouvement se poursuivra jusqu'en 2016. Notre secteur compte 1,3 million de salariés et représente 7,9 millions d'emplois indirects. Les ventes qu'il génère ont augmenté de 7,1 % cette année pour atteindre près de deux mille milliards de dollars. 8,7 % du produit intérieur brut américain vient du marketing direct. A l'aune de ces chiffres, on peut dire que le marketing direct est aujourd'hui l'un des moteurs de la croissance de l'économie américaine.

Chaque année, la part du marketing direct dans les investissements publicitaires augmente, pourquoi?

- Cette année, il va représenter 52,1 % de l'ensemble des investissements publicitaires aux Etats-Unis ; il en totalisera 55,7 % l'an prochain et près de 55,5 % en 2016. Compte tenu de son retour sur investissement (ROI), c'est assez logique. Un dollar investi en marketing direct génère 12 dollars de ventes contre 5,24 pour un dollar investi en publicité.

Qu'est-ce que le consommateur américain attend des marques aujourd'hui?

- Ses attentes ont sensiblement évolué ces dernières années. Il veut de l'instantanéité, de la pertinence et de la transparence. Spotify, le service d'écoute de musique en ligne, fournit ses contenus en moins de 200 millisecondes ; c'est un avantage concurrentiel indéniable car aujourd'hui chaque nanoseconde compte. Pour ce qui est de la transparence, les entreprises savent qu'elle s'impose plus que jamais car les consommateurs peuvent, par exemple, comparer très rapidement et très facilement les prix. Ces nouvelles attentes impactent profondément notre écosystème: les marketeurs, les agences et les fournisseurs de data.

Que dire de l'impact des réseaux sociaux sur votre activité?

- La façon dont ils influencent directement l'acte d'achat va profondément transformer la façon dont les produits seront achetés et vendus. Leur impact sur les ventes est aujourd'hui estimé à un milliard de dollars aux Etats-Unis et passera à 30 milliards de dollars d'ici à cinq ans. Avec Facebook, Google +, etc., les informations concernant les consommateurs s'enrichissent et se développent considérablement. Jusqu'à présent, nous savions qui était le consommateur ; aujourd'hui, avec le mobile, nous savons où il est en temps réel.

La multiplication des canaux de communication rend-elle votre métier plus complexe?

- Oui et il continuera à se complexifier avec l'arrivée de technologies encore plus sophistiquées comme la télévision interactive. Le mobile et la géolocalisation vont jouer un rôle de plus en plus significatif pour entrer en contact avec les prospects et les consommateurs. L'impact de ces technologies sera encore plus important que celui du digital: médias sociaux, search et e-mail compris.

Dans ce contexte, il devient extrêmement compliqué de déterminer le canal qui fait vendre...

- C'est en effet beaucoup plus complexe. Imaginez: une marque envoie une carte postale avec une promotion à 3 000 personnes, puis cette promotion est signalée par un blogueur sur un site: comment savoir lequel de ces canaux est à l'origine du retour sur investissement? Il y a 15 ans, avec la télévision, on connaissait le ROI. Ensuite, avec l'e-mail, ce fut encore plus précis. Aujourd'hui, beaucoup de gens considèrent que le dernier clic, contact ou message est à l'origine du ROI, mais certains estiment que ce n'est pas approprié. Comment attribuer le ROI à un canal spécifique quand il y a autant de canaux? Répondre à cette question sera l'un de nos défis.

Est-il difficile de mesurer les revenus générés par les médias sociaux?

- Nous dépensons beaucoup d'énergie, de temps et d'argent pour les mesurer. Mais, la monétisation des médias sociaux est encore un point d'interrogation pour les marketeurs. La plupart sont en train d'apprendre. Les dépenses des marques dans les médias sociaux ont augmenté de 29% cette année. Ce chiffre montre que la plupart savent qu'elles peuvent en tirer un bénéfice. Il faut considérer la monétisation de ces nouveaux médias du point de vue du service rendu au client et non du point de vue des ventes. C'est très important car le service client est aujourd'hui une composante essentielle de l'essence même des marques. Une bonne interaction avec le consommateur est plus indispensable que jamais et les médias sociaux sont faits pour cela. Pourquoi Comcast et BestBuy ont-ils des équipes dédiées à Twitter? Parce que ces enseignes reconnaissent l'immense valeur de leur communauté.

Face à ces nouveaux canaux, que deviennent les médias traditionnels?

- Le courrier n'est pas prêt de mourir. Pas aux Etats-Unis en tous cas.

L'an prochain, les investissements dans ce média vont augmenter de deux milliards de dollars. Quand on sait que Facebook envoie plus d'un milliard d'e-mails par jour, comment peut-on décemment dire que ce canal va disparaître?

Comment voyez-vous le marketing direct à court terme?

- Le mobile va prendre une place de plus en plus importante et les investissements qui y seront consacrés vont croître. La télévision sera de plus en plus pertinente et customisée pour chaque téléspectateur. Le marketing direct devra, quant à lui, être plus pertinent, plus rapide, plus prédictif et plus anticipatif. Nous entrons dans l'ère du marketing en temps réel.

Quel sera le challenge des marques dans les années à venir?

- Elles doivent s'organiser pour avoir une connaissance globale de leurs clients. Elles ne peuvent plus mesurer les succès média par média ni fonctionner en silo. Une récente enquête du cabinet de conseil Monitor montre que les équipes marketing ressemblent à des équipes de football avec des joueurs pour le social, d'autres pour le mobile, d'autres encore pour le courrier publicitaire... Or, elles devraient fonctionner comme au hockey: les joueurs ont une position assignée, mais tout le monde peut jouer en défense ou en attaque quand c'est nécessaire. Cette modification des organisations est un challenge qu'il faudra relever...

Dominique Fèvre

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page