« Etre l'opérateur de référence du courrier sous toutes ses formes »
Pouvez-vous faire le point sur les prises de participation de La Poste en matière de marketing direct ?
Tout part de l'idée
stratégique que nous nous définissons comme le leader européen, français en
tous les cas, du courrier sous toutes ses formes. Evidemment, dans cette
perspective, le marketing direct est un axe majeur. Nous avons préparé des
rapprochements avec d'autres opérateurs du secteur, y compris dans le cadre de
la publicité non adressée. Naturellement, j'ai en tête le projet de
rapprochement que nous avons annoncé au printemps dernier avec Delta Diffusion.
Mais je ne m'étendrai pas sur ce sujet. Nous sommes entrés dans les
négociations finales avec Vivendi. Tant qu'elles n'ont pas abouti, je préfère
ne pas en parler. Mais, en tout état de cause, nous comptons être un des grands
groupes français et européens, capable de combiner à la fois une force de
frappe dans la diffusion - ce que nous possédons déjà, cependant notre position
serait encore plus forte si ce rapprochement a lieu -, mais également d'offrir
des techniques de ciblage. Un métier que nous avons développé depuis une
dizaine d'années avec Mediapost. Le but étant de permettre à nos clients
d'avoir un bon retour sur investissement en leur présentant une offre de
produits innovante, à forte valeur ajoutée. Le deuxième exemple, en matière de
croissance externe, c'est notre entrée dans le capital d'E-mail vision. Une
société européenne qui met à la disposition de ses clients des outils de
gestion d'e-mailing sur Internet et qui sait aussi gérer l'analyse de ces
campagnes.
Quelle stratégie visez-vous ?
Les
rapprochements avec Delta Diffusion et E-mail vision sont l'illustration d'une
stratégie qui vise à être un opérateur du courrier sous toutes ses formes mais
d'être en même temps capable d'offrir des services à valeur ajoutée dans les
domaines du courrier adressé, non adressé et de l'e-mail. Et ainsi, de nous
présenter face aux annonceurs comme un groupe capable de proposer une offre sur
tous les canaux. Le marketing direct est un axe stratégique, c'est pourquoi le
partenariat avec la VPC est important. Il nous permet de développer nos
activités traditionnelles. C'est un moteur de croissances nouvelles pour La
Poste mais également pour les acteurs de ce secteur. Nous voulons être un
accompagnateur de la croissance de ce secteur.
Peut-on envisager des synergies entre Mediapost et E-mail Vision ?
Certainement.
L'idée c'est que, autour du pôle Mediapost, nous puissions fédérer nos
compétences sur les outils de marketing direct traditionnel et, en même temps,
sur les nouvelles technologies. Constituer un pôle assez intégré et large de
compétences en marketing direct. Tout cela s'intègre dans notre stratégie
e-business au profit du client. Tous les investissements que nous avons faits
en matière de commerce électronique ou de transport et de logistique au plan
européen et français visent à faire de nous un des grands opérateurs du
commerce électronique. De ce point de vue, la constitution d'un grand pôle
intégré de MD au sein de La Poste, à forte valeur ajoutée, s'intègre
complètement dans cette stratégie de commerce électronique.
Avez-vous d'autres acquisitions en vue ?
En matière de
développement et de croissance du groupe, j'ai une conviction. Si, dans le
processus de concentration que l'on observe au niveau européen et mondial, nous
ne sommes pas un acteur majeur en Europe, alors nous prenons le risque de
devenir un simple sous-traitant des opérateurs internationaux et, évidemment,
de voir notre valeur ajoutée, nos marges, captées par ceux qui nous
sous-traitent. La question de la taille critique sur ces activités mail,
courrier sous toutes ses formes et colis et logistique est une condition
incontournable de pérennité et de développement. Pour les plus récentes de nos
acquisitions, j'ai annoncé la prise de contrôle définitive de DPD, un opérateur
de courrier rapide, le deuxième en Allemagne, qui est en même temps
propriétaire d'une franchise européenne qui est utilisée par beaucoup de
partenaires qu'ils soient ou non postaux. C'est la plus grosse acquisition que
l'on ait jamais faite au sein du groupe La Poste. A la fin de l'année 2000,
nous avons acquis la filiale britannique du groupe australien Mayne Nickless,
qui est devenu depuis Geopost UK. Nous sommes aussi dans une stratégie de
développement partenarial mixte. Nous avons à la fois des opérations de
croissance externe par acquisitions. En Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas, en
Tchéquie, en Angleterre. Et, en même temps, nous passons des accords de
partenariat stratégique avec des opérateurs. Je pense à la création de
structures communes avec la Poste italienne ou la Poste espagnole, au printemps
dernier, dans le domaine du colis. Et puis, nous annoncerons d'autres accords
avec des partenaires postaux avec lesquels nous entendons développer nos
activités de transport et de logistique en Europe au travers de la licence DPD
que nous contrôlons.
Existe-t-il d'autres accords ou partenariats ?
Nous avons également passé des accords opérationnels "purs".
C'est le cas avec Fedex, il y a un an. Il consiste, schématiquement, à
permettre à Federal Express d'accéder à notre réseau de distribution de
Chronopost International en France et en Europe, là où il est implanté et, à
l'inverse, d'accéder au réseau de Fedex au niveau mondial pour les flux des
clients de Chronopost de l'Europe vers le reste du monde. Un accord commercial
qui permet aux deux partenaires d'être gagnants.
Notre modèle de développement international se situe de façon originale par
rapport à des modèles purement coopératifs où l'on ne voit que des accords
opérationnels et commerciaux. Le handicap de cette stratégie, c'est qu'elle est
fragile car ces accords peuvent être remis en cause. A l'opposé, il y a des
mécanismes purement concentratifs, par acquisitions où les opérateurs se
contentent d'acheter, mais ne mettent pas en place des effets de levier avec
d'autres partenaires. C'est ce que fait la Poste allemande depuis quelques
années, sans pour autant que je porte de jugement. Simplement, nous avons la
conviction qu'un accord de développement partenarial mixte, tel que celui que
nous avons passé avec Federal Express, est porteur sur le long terme de
beaucoup plus d'effets de levier commercial, technique et financier. Parce que
souvent, ces opérateurs locaux connaissent mieux les marchés locaux que nous
lorsque nous arrivons sur un nouveau marché ou même que d'autres opérateurs
privés. C'est tout le sens de notre stratégie. Les partenariats que nous créons
sont concrétisés par des accords capitalistiques sous la forme de sociétés
communes. On essaye d'aller dans le sens d'accords dans la durée. Et le
meilleur moyen de mettre en oeuvre des moyens en commun, c'est de créer des
sociétés communes.
Quelles sont les réponses de La Poste vis-à-vis des Postes étrangères ?
Nous sommes présents, soit à travers des
sociétés acquises, soit à travers des sociétés communes, dans 14 pays en
Europe. La moitié du chiffre d'affaires de la branche colis et logistique est
réalisée à l'étranger. Nous avons évidemment des partenariats avec des Postes
étrangères, non seulement en Europe, mais aussi au Maghreb et en Afrique où
Chronopost a créé des structures communes avec des opérateurs locaux. Pour le
courrier international, nous avons développé une stratégie d'offre de produits
qui vise à mieux nous positionner face à nos concurrents. Notre objectif :
améliorer le rapport qualité/prix. Nous avons ajouté des prestations nouvelles.
Notamment pour les gros émetteurs. Des systèmes d'affranchissement, de
facturation détaillée. Et surtout le traitement des retours. Et nous faisons
bénéficier, quand nous avons passé des accords avec les opérateurs locaux, de
la technique de l'injection directe. Ce sont des accords bilatéraux que nous
avons notamment passés avec l'Allemagne et l'Angleterre. Mais il faut des
conditions de volumes suffisants, que le courrier soit suffisamment normalisé.
Nous avons également renforcé notre force de vente. Et avons mis au point de
systèmes de cotations sur mesure. Enfin, nous avons amélioré notre qualité de
service à l'international, à l'export et à l'import. Puisque nous figurons
parmi les premiers en Europe en matière de traitement des flux internationaux.
Cette qualité de service est mesurée par IPC (International Post Corporation).
Cet organisme gère en particulier les systèmes de mesure de la qualité de
service des courriers entre les Postes européennes, canadienne et américaine.
Cette distinction nous a permis de regagner des parts de marché. Le courrier
international représente 8 % du total du chiffre d'affaires de l'activité
courrier contre 5 % il y a quelques années.
Qu'en est-il des actions en faveur de la qualité de service de La Poste ?
C'est une
préoccupation qui se densifie chaque année. Nous mettons en oeuvre des moyens
nouveaux. Cette qualité de service s'apprécie à travers trois critères. La
qualité du service proprement dit, l'adaptabilité de ce service et la
contractualisation autour de la qualité. Il ne s'agit pas seulement d'être bon
mais de donner aussi au client des éléments de visibilité en termes de
performance. Nous sommes l'une des seules entreprises françaises à rendre
public nos performances de qualité d'acheminement et de distribution du
courrier. Celles-ci sont mesurées par un organisme de sondage extérieur.
C'était jusque-là la Sofres ; maintenant, c'est l'Ifop. Ce dispositif permet de
mesurer en permanence notre qualité de service, de bout en bout. Lorsque, dans
les années 90, nous avons créé les premiers éléments de mesure de la qualité de
service, celle-ci était mesurée sur une période de l'année. Nous avons
progressé depuis. Aujourd'hui, elle porte sur 100 campagnes dans l'année. Cette
mesure est pour nous le juge de paix, impartial. En effet, chacun de nos
clients a ses propres critères pour mesurer la qualité de service. Liés à leur
propre perception de la réalité. Ce qu'a fait la Sofres, c'est d'élaborer des
outils de mesure objectifs. Maintenant, les entreprises de VPC connaissent
notre qualité. Nous sommes de plus en plus transparents en la matière. La Poste
est également, aujourd'hui, très performante en matière de rapport
qualité/prix. Si on compare avec l'Allemagne, le prix public du timbre est de
3,70 F, en France, il est de 3 F. De même, en ce qui concerne la satisfaction
des consommateurs en Europe, les études d'opinion montrent que nous sommes la
deuxième Poste en Europe. La perception globale de La Poste est meilleure.
Comment comptez-vous améliorer vos performances ?
Ce
qui est important, c'est la rapidité, la fiabilité et le retour d'informations
pour le client. En particulier pour les grands émetteurs de courrier. Nous
avons mis en place des produits suivis capables de renseigner le client. Après
Distingo Suivi, nous avons lancé la Lettre Suivie, ce qui permet de mesurer la
qualité de service et d'offrir une visibilité individuelle pour chaque envoi.
Nous renforçons également notre service après vente. J'ai créé, il y a presque
trois ans, quand j'étais directeur général, une direction de la qualité. Elle a
pour vocation de pousser le groupe dans un processus de qualité totale. Une
tâche délicate, compte tenu du fait que nous transportons 25 milliards d'objets
par an. Ce que nous voulons, c'est traiter les défauts sans attendre les
réclamations. Nous mesurons systématiquement tous les dysfonctionnements dans
le cadre d'une démarche d'auto-assurance qualité, qui est mise en place
systématiquement dans tous les services. Lors d'un comité de direction, un des
directeurs régionaux dans l'Est m'a dit que cinq de nos établissements dans le
secteur du courrier, allaient être certifiés ISO de façon simultanée. Ce n'est
pas la certification qui est importante, mais tout le travail de gestion du
client qui en découle. Car nous sommes dans une démarche CRM pour améliorer nos
propres performances.
Et en matière d'adaptabilité aux attentes de vos clients ?
Là aussi nous entendons construire des gammes qui
répondent de mieux en mieux aux souhaits de nos clients. La nouvelle gamme Post
Réponse, par exemple, permet aux réémetteurs de courrier de mieux communiquer
avec leurs clients. Nous nous adaptons à une demande qui avait été clairement
exprimée.
Quels sont vos rapports avec les organismes professionnels ?
Avec la Fevad, nous avons signé un accord portant
sur une centaine de campagnes. Je ne veux pas m'exprimer en son nom, mais, de
notre côté, nous sommes très satisfaits de cet organisme. Nous prenons des
engagements pour nos clients, nous nous mettons encore plus sous pression. Mais
la contrepartie, c'est que nous fidélisons nos clients. Chacun y trouve son
intérêt. Nos clients, parce qu'ils trouvent une responsabilisation économique
de la part de La Poste, parce que c'est l'objet de cette contractualisation, de
la lisibilité dans le temps sur la fiabilité et la performance et, pour notre
part, cette visibilité nous permet d'avoir des clients fidèles sur le long
terme. L'accord a été signé dans le courant Noël 2000. Il portait sur l'année
2001. C'était un accord expérimental. Nous allons faire le bilan avec nos
partenaires, et l'on en tirera des conséquences pour la suite. Je souhaite un
nouvel accord pour 2002, peut-être plus ambitieux. On a franchi une étape, il
faut aller plus loin.
La Poste va-t-elle continuer son travail d'évangélisation en matière de marketing direct ?
La Poste va
continuer. Cette année, le Tour de France de La Poste aura eu 28 étapes. Dans
de grandes villes. Orléans, Nancy, Rennes etc. Nous avons aussi organisé les
Journées Franciliennes qui sont une formule un peu particulière de ce tour de
France. Nous comptons bien rééditer ces rendez-vous l'année prochaine. En 2002,
nous organiserons également les cinquièmes Rendez-vous européens de la Vente à
Distance et du Marketing Direct à Lille. Nous avons également deux projets de
forum. L'un à Lille et l'autre en Méditerranée. Enfin, nous envisageons de
rééditer les conférences Express VIP. Elles permettent d'installer un contact
de dirigeants à dirigeants, et ceux-ci apprécient cette formule. Tout ce que
l'on peut dire, c'est que ces Rencontres du Marketing Direct remportent un
succès considérable. Nous avons entre 20 000 et 25 000 participants chaque
année. Je confirme complètement notre volonté de poursuivre ces actions de
promotion du marketing direct.
Quelle est la position de La Poste face aux nouvelles technologies de l'information ?
Nous voulons
être l'opérateur de référence du courrier sous toutes ses formes. Les émetteurs
de courrier électroniques cherchent à avoir des adresses électroniques fiables.
De notre côté, nous avons mis au point une offre d'adresses électroniques
gratuites dans le but d'accompagner les Français dans leur apprentissage de
l'Internet. Les valeurs de proximité que nous incarnons, nous voulons les
utiliser. Fin août 2001, le site de La Poste pouvait se targuer de 100 millions
de pages vues. Quant au nombre d'adresses électroniques ouvertes sur ce même
site, il y en a eu 550 000 en moins d'un an. Le taux de développement du site
est de 12 millions de pages vues par mois, ce qui fait entre 1 à 2 millions de
pages vues supplémentaires par mois.
Avez-vous d'autres ambitions en la matière ?
Nous avons annoncé la création de la société
Aspheria, la fusion de Mikros et de Datapost, nous sommes également entrés dans
le capital de Postel, une filiale de la Poste italienne, des sociétés
spécialisées dans l'éditique et le courrier hybride. Les nouvelles technologies
sont, là encore, un axe majeur de notre développement. En matière
d'investissement, nous n'avons encore peu dépensé d'argent sur ce secteur. Nous
avons besoin, maintenant, d'une autre source de financement. Nous réfléchissons
à une structure de capital-risque pour développer de nouveaux services, vers le
grand public notamment. Cette stratégie peut nous pousser à devenir fournisseur
d'accès. Nous y réfléchissons. La rentabilité, en ce domaine, peut passer par
la fonction de fournisseur d'accès, mais, en ce moment précis, ce secteur ne
semble pas très enthousiasmant. Les fournisseurs d'accès perdent tous de
l'argent. Nous n'avons pas encore pris de décision stratégique. Je pense que
l'on a tout intérêt à attendre. Car le marché va se clarifier et il y aura des
opportunités.
Biographie
Martin Vial, 47 ans, est diplômé de l'Essec et de l'ENSPTT (Ecole Nationale Supérieure des Postes et Télécommunication). Nommé en 1988 conseiller technique au cabinet du Ministre des Postes et Télécommunications, il devient directeur adjoint en février 1991, chargé du secteur postal. En 1992, il prend la direction du cabinet du Ministre des PTT. En 1997, il devient directeur général du Groupe La Poste. Il en est nommé président le 19 décembre 2000. Chevalier dans l'ordre national de la Légion d'honneur, il est l'auteur de "La lettre et la toile" (Albin Michel), ouvrage consacré à l'analyse de la Net économie et du développement d'Internet.
L'entreprise
Date de création : 01-01-1991 (transformation en entreprise publique). Chiffre d'affaires 2000 : 16,02 milliards d'euros. 310 000 collaborateurs. 90 000 facteurs. 25 milliards d'objets collectés et distribués chaque année. Chiffre d'affaires courrier : 9,90 milliards d'euros en 2000, 800 millions d'euros à l'international. Chiffre d'affaires colis et logistique : 2,25 milliards d'euros en 2000. Numéro 3 européen du colis avec 10 % de part de marché.