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Je shazame, tu go pro, vous flunchez : quels enjeux lorsqu'une marque devient un verbe ?

Publié par JULIETTE ROBIN le | Mis à jour le

Quels sont les enjeux réels pour les marques qui sont ainsi travesties en expressions courantes ? Devenir un verbe ou un mot du langage courant, est-ce la rançon de la gloire ou le début de la fin ?

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On peut entendre actuellement une publicité radio et digitale pour la marque de Farine FRANCINE® qui propose à l’auditeur « un spot radio de 30 secondes à "shazamer" » pour obtenir la recette dont il est question sur son mobile ou sa tablette.

La marque GoPro® illustre également cette tendance du « brand verbing » en lançant son jeu concours "How will you GoPro ?" en proposant aux internautes de poster leurs propres films personnels réalisés avec leurs caméras. Pour la marque FLUNCH®, « il n'y a que chez Flunch qu'on peut fluncher ». L’enjeu de cette nouvelle tendance diffère selon la nature de la marque en question.

Au stade de la création de marque, il existe trois grandes tendances :

- choisir une marque très évocatrice du service proposé : VENTE-PRIVEE, SELOGER.COM, PARIS DAKAR, C DISCOUNT

- choisir une marque originale avec un nom crée de toutes pièces : OPODO, GOOGLE, SHAZAM,

- choisir un nom du langage courant non descriptif du service proposé : ORANGE (Telecom), PRINTEMPS (commerce détail), TOTAL (pétrole)

Pour les phases de protection et de défense, chaque type de marque va devoir relever de sérieux mais différents défis, en revanche, toutes vont devoir veiller à  conserver leur statut de marque le plus longtemps possible.

Or, contrairement à ce qu’on peut penser, être une marque n’est pas un statut irrévocable, et ce, quel que soit le type de marque que l’on choisit au départ.

Tout le monde a en tête des marques qui ont perdu leur statut, à force de notoriété : BIKINI, FRIGIDAIRE, TEXTO, PEDALO, FOODING…et ce statut a été perdu justement parce que ces noms sont entrés dans le langage courant.

Alors comment « brand verber » sans perdre sa marque et les revenus qui vont avec :  5 conseils d’expert à suivre

Conseil n°1 : Communiquer dans l’entreprise sur l’existence de ce risque de dégénérescence auprès du marketing ou de la communication  

La dégénérescence n’est pas une phobie de juriste ultra frileux, mais simplement une disposition du droit des marques, que l’on retrouve dans la plupart des pays. En France c’est l’article L.714-6 a) du CPI qui prévoit la déchéance des droits lorsque « la marque qui est devenue, du fait de son titulaire la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service »

Quelles conséquences pour le titulaire ? La marque est annulée et tout le monde peut l’exploiter, elle n’appartient plus à son titulaire!

Dès lors, le propriétaire initial de la marque n’a d’autre choix que de tolérer l’exploitation de sa marque par des tiers, sans pouvoir l’interdire et sans en percevoir les fruits!

Conseil n°2 : Mettre en place une Politique de marque avec une charte d’utilisation qui anticipe le dérapage vers la dégénérescence – lorsque le marketing souhaite « brand verber » la marque, prévoir par exemple, une exploitation avec le ®, limiter l’usage de la marque à des slogans qui auront été déposés au préalable, choisir une police et une couleur spécifique à la marque pour la distinguer des autres termes courants…

Conseil n°3 : Surveiller l’exploitation de votre marque par des tiers et lorsqu’elle est transformée en verbe, il faut certes se réjouir mais surtout réagir pour encadrer cette exploitation. La réaction peut par exemple consister à adresser au journal qui a exploité votre marque un « droit de réponse » pour rappeler que votre nom est une marque déposée. Cette démarche, pas forcément agressive, doit cependant être ferme et systématique car les enjeux sont majeurs.

Pour les durs d’oreille parfois, une action va s’imposer. C’est ainsi que MECCANO® a été contraint d’assigner un magazine qui utilisait sa marque de manière générique.

Conseil n°4 : Faire le tour des dictionnaires et autres encyclopédies en ligne pour vérifier comment votre marque est présentée et demander les rectifications nécessaires si besoin. Il doit être mentionné que votre nom est une marque déposée.

Conseil n°5 : Communiquer régulièrement sur le fait que votre marque, est bien une marque ! et donc que son usage est réservé à son titulaire. De nombreux propriétaires de marques, échaudés et avisés, communiquent sur le fait que leur marque est une marque ! C’est le cas de la marque PIERRADE®, qui a failli être annulée pour cause de dégénérescence (CA Lyon, 1ère ch. civ. A, 2 fév. 2012). Le propriétaire  communique depuis largement pour rappeler que PIERRADE® est une marque  http://www.pierrade.com/pierrade-marque.html.

En conclusion, s’il est indéniable que le « brand verbing » est un excellent indicateur de notoriété de la marque, il doit aussi être manié avec lucidité par le propriétaire de la marque pour que cette notoriété ne se transforme en une expropriation.

Certaines sociétés, qui ont bien compris l’intérêt d’avoir une marque incorporable dans le langage courant pour sa diffusion massive, optent pour une option maligne intermédiaire : créer un mot qui semble être du langage courant mais qui est, en fait, une création et reste une marque avec adjonction du ® et du logo de la société :   ®.

JULIETTE ROBIN

JULIETTE ROBIN

Conseil en propriété industrielle

Juliette est Conseil en Propriété Industrielle depuis 2001 et mandataire européen. Entrée chez INLEX en 1999, Juliette s'est entourée au fil [...]...

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