Facebook : le début de la fin ?
Il est devenu difficile pour les individus de s’affranchir de la technologie et de se « désintoxiquer » du digital, qu’en est-il des marques ? Serait-il envisageable aujourd’hui pour ces dernières de faire l’impasse sur Facebook ?
Une digital detox pour les marques ?
Si comme nous l’a montré récemment le journaliste Pierre-Olivier Labbé, il est devenu difficile pour les individus de s’affranchir de la technologie et de se « désintoxiquer » du digital, qu’en est-il des marques ? Serait-il envisageable aujourd’hui pour ces dernières de faire l’impasse sur Facebook ? C’est impensable, inconcevable, inimaginable diraient certains. Avec plus d’un milliard d’utilisateurs, dont 26 millions de français, il est le réseau social le plus utilisé dans le monde et offre une visibilité internationale incomparable et…gratuite ! Le développement des pages commerciales dédiées aux marques représente une formidable opportunité pour ces dernières de pouvoir entrer en contact direct avec leurs consommateurs, prospects et influenceurs sans passer par le traditionnel et coûteux achat d’espace publicitaire. Encore faut-il savoir tirer profit des subtilités de ce réseau social si particulier. S’il offre de nombreux avantages aux annonceurs – parmi eux, le micro-ciblage ou la transmission de données sont les plus notables – il ne permet pas toujours aux marques de tirer leur épingle du jeu. L’immense trafic généré par Facebook – 240 milliards de photos postées, 10 milliards de messages, 4,75 milliards de contenus partagés chaque jour dans le monde[1] – a pour conséquence une dispersion de l’attention des utilisateurs qui sont de plus en plus exigeants quant à la qualité et la pertinence des contenus auxquels ils ont accès.
Le combat contre le « reach zéro »
La notion de « reach organique » est désormais au centre de toutes les préoccupations. Plus pertinente que la traditionnelle métrique du « nombre de fans », elle correspond au nombre moyen de personnes (fans et non fans) qui voient une publication sans qu’il y ait eu d’achat d’espace au préalable. Alors que le reach organique moyen était de 17% en 2012, il aurait chuté à 6% en 2014 et descendrait même à 2% pour les pages de plus de 500 000 fans[2]. Cette évolution, inévitable selon Facebook, s’explique par l’accroissement du nombre moyen de pages dont les personnes sont fans. Alors qu’en 2009 un individu était en moyenne fan de 4 à 5 pages, en 2014 il serait fan d’une quarantaine de pages, ce qui l’exposerait à une moyenne de 1200 statuts par mois. Les utilisateurs étant submergés par le contenu, Facebook a annoncé récemment « qu’à partir de janvier 2015, les gens verront moins de publications de type promotionnel dans leur fil d’actualité. (…) Ceci signifie que les pages qui publient du contenu créatif promotionnel doivent s’attendre à voir leur distribution organique baisser de façon significative au fil du temps[3] ». Compte tenu de l’augmentation importante du nombre de pages, Facebook améliore la façon dont les publications sont affichées dans le fil d’actualités et fait en sorte que les utilisateurs ne voient que le contenu jugé le plus pertinent pour eux.
Comment adapter les stratégies de contenus digitaux pour faire face à cette baisse du reach ?
Afin d’émerger dans un contexte de surcharge informationnelle et communicationnelle, il est désormais indispensable de miser sur la qualité des publications. La marque doit surprendre, divertir, informer et enrichir la vie quotidienne des internautes. Elle doit repenser l’utilité qu’elle apporte dans le quotidien des consommateurs et justifier sa visibilité par une valeur ajoutée.
Élever le niveau d’exigence qualitative des contenus
Facebook, comme les autres réseaux sociaux, constitue un point de contact privilégié entre les marques et les consommateurs, qui n’est pourtant pas utilisé à son plein potentiel. De la même manière que le contenu média en radio, print ou tv, le contenu communicationnel posté sur les réseaux sociaux se doit d’être qualitatif et pertinent pour engager efficacement les consommateurs. Les réseaux sociaux ne sont pas, contrairement à ce qui a longtemps été dit, des médias « gratuits » mais doivent au même titre que les médias traditionnels, bénéficier d’investissements importants dans la création de contenu pour être impactant. Il est désormais primordial de développer une ligne éditoriale propre aux réseaux sociaux en général et à chaque plateforme en particulier. De la même manière que les contenus destinés aux médias traditionnels s’adaptent aux spécificités propres à chacun d’entre eux, le contenu digital doit être pensé et conçu pour s’adapter parfaitement aux différentes plateformes destinées à les recevoir. La marque Oreo est un excellent exemple de l’élaboration réussie d’une ligne éditoriale et d’une stratégie de contenus digitaux propres à Facebook. La marque a développé une stratégie internationale spécifique à cette plateforme et publie ainsi du contenu dont le format (visuels et vidéos Facebook) et le fond sont d’une très grande qualité et se fondent parfaitement dans le paysage digital de ce réseau social. L’univers et le ton adoptés par la marque y sont représentés sur des formats courts et engageants, appropriés au contexte et au format du fil d’actualité. L’heure est donc venue d’élever le niveau d’exigence qualitative et créative des contenus digitaux afin de tirer pleinement profit de cette opportunité qui est donnée aux marques de communiquer et d’établir une vraie relation avec ses consommateurs.
Favoriser la co-création de contenu avec le consommateur
Collaborer et co-créer des contenus avec le consommateur est un excellent moyen de l’impliquer et de favoriser la viralité et le partage des publications. Au-delà du message, il faut avant tout proposer une expérience originale et impliquante, à l’image de la campagne de Cornetto menée en Inde en 2014 qui, à l’occasion de la Saint Valentin, avait dédié sa page Facebook à la mise en place d’un Cupidity Call Centre permettant aux internautes de poster des paroles de chansons qui étaient ensuite chantées par des chanteurs professionnels. Cet exemple montre qu’il ne suffit plus d’envoyer un simple message, dans une logique « verticale » d’émetteur à récepteur, mais qu’il faut repenser la relation au consommateur dans une logique davantage horizontale en l’impliquant dans le processus créatif et en établissant un dialogue plus humain, d’égal à égal.
Miser sur la création de projets originaux qui ne sont pas directement publicitaires
Partons d’un constat actuel : les internautes s’intéressant moins au contenu promotionnel, ce dernier a de moins en moins de chance d’apparaître dans leur fil d’actualité. Collaborer avec des artistes, des talents digitaux (instagramers, blogueurs…) et des influenceurs permet aux marques de proposer un contenu très qualitatif et indirectement publicitaire. C’est la stratégie adoptée par Absolut ces dernières années, à l’instar de la récente collaboration de la marque avec l’illustrateur brésilien Rafael Grampa dans un projet collaboratif avec les internautes du monde entier pour la campagne globale « Transform today ». Les consommateurs était amenés à co-créer la future histoire de l’artiste en postant leurs suggestions sur les réseaux sociaux à l’aide du hashtag #Nextframe. Ainsi, le fond comme la forme doivent désormais revêtir une nouvelle apparence moins « publicitaire » et proposer un contenu de qualité qui apporte un bénéfice au consommateur. Cette « dépublicitarisation » de la publicité est aujourd’hui la règle pour capter l’attention des internautes.
Le début de la fin pour Facebook ? Certainement pas ! Nous sommes au contraire aux commencements de l’ère de l’exigence qualitative et de l’ingéniosité créative des marques qui trouvent en Facebook, une formidable opportunité de créer et d’éditer leur propre contenu, à l’instar d’un média.