R2D2, journaliste de demain ?
La robotique ou plus exactement l'intelligence programmée est aujourd'hui une réalité. Nous ne parlons pas des blockbusters américains qui nous présentent souvent le destin “rocambolesque” d’une humanité dominée par une IA* toute puissante, non. Nous parlons d’une réalité qui ne fait pas de bruit, celle par exemple du traitement automatisé de l’information. A l’origine uniquement utilisée pour trier de la donnée chiffrée, elle est aujourd’hui capable d’en donner un sens… Un peu comme un journaliste ?
C’est en 2010 que les premiers acteurs de contenus robotisés font leurs apparitions. Notamment avec Stats Monkey, l’algorithme élaboré par Narrative Science qui permet d’analyser la feuille de score d’un match de base-ball. Cet algorithme est capable d’extraire les données chiffrées, les principaux tournants de la partie, de sélectionner dans sa bibliothèque le squelette narratif adéquat et d’en écrire le compte-rendu.
Cette même année, Narrative Science explique que toutes les données chiffrées numériques peuvent d’ores et déjà être analysées et par la suite rédigées sous forme d’articles : résultats des élections, variations boursières, marché immobilier, etc.
Plus récemment encore, le robot du L.A. Times, pionnier dans l’utilisation d’un contenu robotisé, a retranscrit un article au sujet du tremblement de terre qui a frappé Los Angeles le 17 Mars dernier, 5 minutes seulement après l’événement. L’article était si bien rédigé qu’il en est devenu difficile de faire la différence entre une brève écrite par un humain et celle d’un ordinateur.
Labsence, dans un autre domaine, réalise du contenu entièrement robotisé. C’est d’ailleurs vers un contenu robotisé que tend le marché low-cost si l’on en croit les tendances révélées par les producteurs de contenu du salon e-marketing 2014 à Paris comme le souligne le site lecontenu.fr.
Rédaction, vidéo, audio sont aujourd’hui pris d’assaut par la robotique.
Narrative Science prévoit que ses robots gagneront le prix Pulitzer dans 5 ans et affirme qu'ils rédigeront 90% du contenu journalistique dans 15 ans.
Cohabitation ou prise de pouvoir ?
Excel n'a pas fait de nous des experts comptables, nous ne sommes pas non plus tous devenus des génies sous prétexte que nous utilisons des ordinateurs connectés au monde.
La robotique éditoriale est puissante, elle est effectivement surprenante par son apparente capacité à tirer des conclusions rapides et précises sur un sujet donné.
Mais aujourd’hui le plus puissant des ordinateurs n’est pas capable de sortir d’un schéma préétabli. La prise de conscience, le recul ou plus simplement l'intelligence du moment sont encore loin des capacités de nos chers et tendres outils.
En revanche, ne pas les considérer comme des plus serait une erreur, ce sont les outils de demain pour répondre aux besoins de réactivité, de précision, et de pertinence du monde de l’information d’aujourd’hui.
Demain, le traitement de masse (big data), l'extension de soi (drone et réalité augmentée), l'automatisation plurimédia (création de Rich Media en temps réel proposé par Wibbitz), seront aussi indispensables que de savoir envoyer un mail ou d’être connecté à son smartphone.
Le métier change, les outils aussi. Le professionnel de l’information est passé du carnet de note à Google en moins de 10 ans. Ce changement radical, que nous pensions être L'ÉVOLUTION du siècle, n’est, peut-être, en fin de compte que le début d’un changement plus profond. Changement qui a commencé par le quasi-monopole de l’information, détenu par notre actuel “meilleur ami” à tous, Google.
En ce sens, “R2D2”, le journaliste-robot de demain, n’est pas votre nouveau meilleur ami, il est l’ami de votre meilleur ami, c’est très différent.
Mais il reste l’essentiel au journaliste de demain et c’est sans doute là le réel enjeu du 21ème siècle : garder un rapport humain face à l’information et donner du sens au flot de données. Le journaliste-robot ne remplacera pas le journaliste de demain, il sera une source complémentaire d’informations.
Et à l’heure où Google prône -enfin- la diffusion d’un contenu de qualité, pertinent et à forte valeur ajoutée, il serait étonnant que la machine scie elle-même le câble auquel elle est branchée...
(*intelligence artificielle)
Crédit photo : Nathan W. Pyle