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Yann Gourvennec: «L'u-commerce va émerger»

AUX OUBLIETTES, L'E-COMMERCE ET LE F-COMMERCE? POUR LE PRESIDENT DE L'ASSOCIATION DES PROFESSIONNELS DES MEDIAS SOCIAUX EN ENTREPRISE, MEDIA ACES, NOUS SOMMES ENTRES DANS L'ERE DE L'«UBIQUITOUS COMMERCE» OU «COMMERCE OMNIPRESENT». EXPLICATIONS.

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LE DIGITAL SEMBLE ENCORE MAL APPRÉHENDÉ EN FRANCE.QUELS SONT SES ENJEUX POUR LES ENTREPRISES?

Les entreprises européennes, les françaises en particulier, vont devoir faire face à plusieurs défis. Le digital devient une composante de l'entreprise: la vision du Web réservé aux geeks a vécu. Le marketing et l'Internet ne s'opposent pas. Trop souvent, le digital n'est pas réellement intégré comme une composante stratégique. Or, il devrait l'être, tout comme les médias sociaux. Le défi est donc organisationnel. Les départements dédiés aux médias sociaux devraient se percevoir comme des facilitateurs de changement au service de l'entreprise, et non comme des services de publicité qui se contentent de briefer des agences en comptant leurs fans. Par ailleurs, les entreprises doivent rattraper leur retard en matière d'e-commerce - le chiffre d'affaires de l'e-commerce en France est deux fois moins important qu'au Royaume-Uni - et comprendre que le social commerce ne se résume pas à Facebook. Enfin, pour les entreprises qui ont déjà de l'avance dans le déploiement des plateformes communautaires, les enjeux seront liés à la montée en charge, notamment dans le domaine très critique et complexe de la relation client.

VOUS ÉVOQUEZ LES CHANGEMENTS ORGANISATIONNELS. QUELS SERONT LES MÉTIERS TRANSFORMÉS PAR LES RÉSEAUX SOCIAUX DANS LES ENTREPRISES?

Trois fonctions sont directement touchées: le marketing, la communication et, plus largement, l'innovation. Le «content marketing», appelé «brand content» en France, est un des piliers du nouveau marketing. La production de contenu périphérique à la marque est considérée comme un moteur du bouche-à-oreille et des nouvelles stratégies, qui font évoluer le marketing d'une mécanique de message vers une logique de contenu.

Les relations presse, comme l'événementiel, sont d'ores et déjà concernées par l'émergence d'un nouveau type d'acteurs, ni journalistes ni tout à fait blogueurs, qui occupent l'espace médiatique.

Les réseaux sociaux d'entreprise se sont énormément développés au cours des cinq dernières années apportant les logiques de collaboration à l'intérieur de l'entreprise. Certes, beaucoup d'efforts restent à faire pour transformer ces outils, qui se limitent trop souvent à des plateformes de discussion internes, en outils de travail et de cocréation. Le crowdsourcing et la R & D collaborative dépassent largement les frontières de l'organisation. Les plateformes de cocréation - soit propriétaires, soit ouvertes, comme Ninesigma ou Yet2com - permettent déjà de faire coopérer les clients et les fournisseurs, les entre prises et leur écosystème. Elles ne remplacent pas la R & D, mais le changement est profond et les méthodes de développement et de coopération sont considérablement bousculées par les nouvelles technologies.

ET DEMAIN, À VOTRE AVIS, COMMENT LES RÉSEAUX SOCIAUX VONT-ILS ÉVOLUER ?

Les médias sociaux arrivent à un point d'inflexion important. L'un des aspects est positif: c'est l'émergence d'un nouveau commerce via les médias sociaux, utilisés comme relais de l'information pour faciliter la rétention des clients, la fi délisation, le marketing du bouche-à-oreille, dans les magasins physiques et les magasins virtuels, en cessant d'opposer les deux et en créant une véritable synergie. L'autre aspect est moins positif: il s'agit de la fermeture des API (interfaces de programmation), représentant pourtant l'ossature du Net, et notamment du Web social. En cessant ces programmes d'échanges, qui permettent de croiser les données et de partager l'information, chaque plateforme est en passe de fermer son environnement et de recréer un mini Web étanche. Cette logique, poussée à l'extrême chez Facebook, sous la pression des investisseurs déçus de la récente introduction en Bourse, oblige à une monétisation de plus en plus intrusive sur des plateformes fermées. Au final, les réseaux sociaux sont en train de recréer l'ancien modèle des médias traditionnels. C'est pourquoi des plateformes alternatives se sont développées (App.net, Diaspora). Pour autant, les médias sociaux ne vont pas disparaître, mais ils doivent trouver un équilibre entre mercantilisme acharné et néomarketing.

IL SEMBLE QUE LE SOCIAL COMMERCE CHERCHE ENCORE SON MODÈLE. QUEL SERAIT, SELON VOUS, LE MODÈLE IDÉAL ?

Le déplacement de l'e-commerce vers les réseaux sociaux est erroné, les essais ne sont pas concluants. Ils témoignent d'une incompréhension du fonctionnement de ces plateformes. La logique de la publicité, qui consiste à attirer les internautes vers la page Facebook de la marque, ne fonctionne pas. Les clients ne partageront une information ou une promotion que si cela les valorise et s'ils en tirent un bénéfice réel. C'est ce que propose la start-up franco américaine Ifeelgoods, en attribuant à ses clients, en contrepartie de leur fi délité, des points valables dans une autre enseigne, comme iTunes, Amazon, etc. L«u-commerce» devrait s'imposer. Mais il faudra faire tomber une barrière supplémentaire entre la boutique physique et le magasin virtuel. Cette distinction va donc s'estomper: commerce en ligne, click and mortar, mobile commerce, social commerce... L'«u-commerce» va recouvrir à la fois le canal de vente et l'outil d'aide à la vente.

QUELLE SERA LA PLACE DU MOBILE, QUI VIT UNE PÉRIODE CHARNIÈRE, AVEC L'EXPLOSION DU NOMBRE DE MOBINAUTES ?

Le smartphone et la tablette répondent à une demande d'usage, qui n'est même pas une demande de mobilité. Ainsi, la grande majorité des tablettes est utilisée depuis la maison. Mais ces supports posent un certain nombre de contraintes aux concepteurs d'applications pour la compatibilité de leurs sites. Il faudra régler cela rapidement, car la demande est là. Une technique connue sous le nom de «responsive design» permet d'afficher des sites sur tous les mobiles sans concevoir d'application spécifique. Enfin, ces outils deviennent des instruments incontournables du commerce en ligne et du click and mortar.

QUELLES SERONT LES NOUVELLES TECHNOLOGIES AU SERVICE DU MARKETING DE DEMAIN ?

Je ne parlerai pas du cloud computing, qui entre désormais dans une phase de maturité. J'évoquerai le big data, ce nouveau terme inventé par les professionnels de l'informatique. Cependant, beaucoup trop de marketers ignorent encore les données présentes dans leurs bases actuelles pour passer à l'étape suivante. Nous avons vécu des périodes similaires dans les années quatre-vingt-dix avec le datamining, qui devait révolutionner la banque, ce qui n'est pas arrivé. Toutefois, les professionnels de la business intelligence, comme SAP, ont déjà mis en oeuvre ces logiques de manipulation de données en temps réel avec la grande distribution afin d'améliorer leur marketing et leur merchandising. Ce genre de démarche s'applique aux secteurs mûrs, qui traitent beaucoup de données et qui sont capables de réagir en quasi temps réel sur le lieu de travail.

Enfin, je citerai les technologies d'impression en 3D: les usages sont à inventer, mais imaginez quel impact aurait, en B to B, l'impression de maquettes en 3D et, en B to C, la possibilité de faire toucher des prototypes à des populations tests.

«Les entreprises françaises doivent rattraper leur retard en matière d'e-commerce et comprendre que le social commerce ne se résume pas à Facebook.»

Parcours

Yann Gourvennec a plus de 25 ans d'expérience internationale en marketing, marketing web, vente et systèmes d'information. Il est notamment coauteur de l'ouvrage Les Médias sociaux expliqués à mon boss. 1996: Il crée visionarymarketing.com, un site dédié aux nouvelles approches et aux systèmes d'information marketing.
Depuis 2007: Il intervient régulièrement à l'université Paris-Dauphine et au MBA e-business d'ESG Paris 2008: Yann Gourvennec devient membre de Socialmedia.org. 2009: Il fonde, avec Hervé Kablan, l'association Media Aces - l'association française pour le développement des médias sociaux en entreprise - qu'il préside depuis.

Véronique Méot

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