Vivons heureux, vivons cachés…
Certaines compagnies pétrolières auraient-elles honte de leur patronyme ? A cacher leurs marques au profit de nouveaux logotypes symboliques d'un environnement idyllique, celles qui souillent nos plages semblent se faire toutes petites lorsque nous passons à la pompe.
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La nouvelle identité visuelle du groupe BP a été dévoilée en juillet 2000.
Ce sont aujourd'hui 28 000 stations-service à travers le monde qui ont adopté
le sigle nommé Hélios : un vibrant éclat ensoleillé, vert, jaune et blanc.
Seul un chétif “bp”, en haut à droite de l'imposant mi-soleil, mi-fleur vous
rappelle que vous êtes encore chez BP (British Petroleum). Ce nouveau logotype
reflète les différents secteurs énergétiques dans lesquels la BP est présente :
à savoir le pétrole, le gaz, l'électricité, la pétrochimie et le solaire. Mais
avant tout, comme nous pouvons le lire sur leur site internet, il a pour
vocation de transmettre les valeurs fondamentales du groupe : performance,
innovation, progrès et respect de l'environnement. Ainsi, du jour au lendemain,
une marque reconnaissable entre toutes, qui existait depuis 1930, a été jetée
aux oubliettes ! Nul doute qu'une batterie d'études a été réalisée pour oser
une telle rupture. Mais une chose est certaine, en haut lieu on devait
souhaiter faire oublier le nom de la marque pour la faire figurer de façon si
discrète sur les enseignes des stations-service. Excusez-nous de nous appeler
BP…Selon une démarche un peu moins radicale, Total vient de se doter du même
genre de logotype. Une représentation graphique prend le dessus sur le nom de
la marque. Cette fois, il s'agit de signifier la planète en mouvement grâce à
toutes les formes d'énergies. Là encore, comme nous pouvons le lire dans le
dossier de lancement du logotype, la symbolique exprime le respect des hommes
et de l'environnement. On nous explique que ce nouveau logotype manifeste une
volonté de transparence et d'engagement en adoptant une identité commune pour
le groupe, ses produits et ses services. « En signant ceux-ci de son nom,
l'entreprise s'engage vis-à-vis de ses clients. » Alors pourquoi faire le choix
d'une telle perte d'impact et de lisibilité du nom Total par rapport à l'ancien
logotype ? Rassurez-moi, cela n'a pas été fait par hasard ?
Logotypes préventifs pour crises à venir
La démarche me
semble loin d'être innocente. Les experts en gestion de crise ne seraient-ils
pas passés par là ? Nous nous souvenons tous de l'Erika et de l'appel au
boycott des stations Total qui a accompagné la marée noire. Quelques mois plus
tard, la catastrophe de l'usine AZF a continué de dégrader l'image du nom
Total. Ces événements fâcheux ont bien évidemment eu des conséquences directes
sur sa nouvelle identité visuelle. La marque cherche désormais à s'amender via
les évocations multiples de son symbole graphique. Celui-ci majoritairement
installé au-dessus d'une typographie à moins fort impact vise à minimiser
sensiblement le nom de la marque. Il s'agit en fait d'une sorte de logotype
préventif pour les crises à venir. A terme, pour Total comme pour BP, il n'est
pas impossible de voir disparaître le nom de la marque. Ainsi, le lien sera
encore plus difficile à faire pour le conducteur au volant de sa voiture…
D'ailleurs aviez-vous remarqué que depuis 1999 le logotype de Shell n'utilise
plus la typographie de son nom sous la représentation graphique du coquillage
?Auparavant, Nike a été la seule marque à oser se dispenser d'écrire son nom
avec son fameux Swoosh. Dans les années 90, cette virgule a très souvent été
utilisée seule pour signer les produits et la communication. Force est de
constater que la marque est aujourd'hui revenue en arrière. Le nom Nike seul ou
associé au Swoosh est revenu en force sur tous les supports. Cette pratique
d'occultation de son nom ne semble pas aussi pérenne que la marque l'aurait
souhaitée. Une représentation iconique, si elle est puissante et déjà bien
installée, peut se passer du soutien de sa marque d'origine sur certains
supports. Cependant nous devons rester prudents. Le symbole appartient à la
marque, il doit la servir et la nourrir, mais pas la remplacer, ou pire la
cacher.