ViveLesFemmes.com
Le XXIe siècle sera féminin. C'est en tout cas le pari des portails féminins qui déferlent depuis un an. Le one-to-one semble trébucher, à l'heure où cette "niche" vise rien moins que la moitié de la population mondiale. Dominique Beaulieu, président fondateur d'Affiniteam, s'interroge sur les spécificités de cette communauté, et visite ces sites qui ont franchi la porte du gynécée pour mieux vendre aux femmes et les fidéliser.
C'est bien connu, Les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus avait
diagnostiqué le livre de John Gray. Mars, dieu de la Guerre, Vénus, déesse de
l'Amour : le raccourci, pour simpliste qu'il paraît, n'en témoigne pas moins
des différences comportementales entre ces deux communautés. Cette spécificité
se traduit-elle en matière d'Internet et de commerce électronique ? Le livre
Pourquoi les hommes n'écoutent jamais rien et les femmes ne savent pas lire une
carte routière d'Allan et Barbara Pease rappelle que « lorsque les hommes sont
stressés, ils boivent ou envahissent des pays. Les femmes mangent du chocolat
et font du shopping ». Voilà qui devrait intéresser les marchands. D'où la
floraison de sites pilotés par des femmes pour des femmes. Aujourd'hui, la
femme prend son destin en main, et s'affirme dans son identité, ses aspirations
et son pouvoir d'achat. Il est plus difficile de mettre des mots pour
caractériser les spécificités hommes-femmes que de mettre des chiffres sur ce
marché différencié et prometteur. Et ceux-ci sont éloquents. Les Etats-Unis
servent d'observatoire efficace pour anticiper les tendances françaises des
mois à venir. Si, en 94, les Américaines représentaient 5 % des internautes aux
Etats-Unis, elles sont désormais plus nombreuses que les hommes à utiliser
Internet (source IDC, 1999). 51 % d'entre elles utilisent Internet, contre 43 %
en 1997. En France, elles représentent 37 % des internautes selon NetValue. Et
la parité semble s'imposer : Novatris indique que 47 % des nouveaux internautes
(utilisateurs depuis moins de trois mois) sont des femmes.
De la femme objet aux objets des femmes
Les femmes du XXIe siècle ont
dépassé les profondes remises en question des années 60/70, abandonné les
étiquettes de mères, épouses, femmes d'affaires, superwomen ou wonderbra-woman
des années 80/90, pour la recherche d'un équilibre de vie, d'une autonomie
financière, d'une reconnaissance de statut. Des fondatrices visionnaires, de
la polytechnicienne Anne-Sophie Pastel pour auféminin.com à la journaliste
Chine Lanzmann pour newsfam.com, ont fait les yeux doux à des annonceurs
enthousiastes, avides de bannières publicitaires et d'événementiels
promotionnels ciblés : publi-reportages, sponsoring de rubriques, proposition
d'échantillons, jeux-concours. Emmanuel Clerc, responsable communication et
éditorial Internet aux 3 Suisses, chez qui plus de 90 % des clients sont des
clientes, indique un taux de clic de 5 % lors du lancement de 3 Suisses
Boulevard, à comparer à une moyenne de 1 %. Si, pour l'instant, nombre de
sites ne sont bien souvent qu'un pâle miroir des magazines féminins,
quelques-uns tirent parti des spécificités d'Internet. L'interactivité propre
au média permet, chaque jour, de découvrir les questions que se posent les
femmes, et ainsi d'orienter le rédactionnel et l'offre, voire de les inciter à
contribuer en soumettant leurs propres articles.
Les femmes nous mènent par le bout du Net
Bien sûr, les consommations diffèrent :
si trois vêtements sur quatre sont achetés par des femmes, trois ordinateurs
sur quatre le sont par des hommes. Elles semblent détenir les cordons de la
bourse pour les produits et services qui concernent le couple. Selon Ad Age, 80
% du budget familial est contrôlé par les femmes aux Etats-Unis. Et celles-ci
ont adopté le commerce en ligne en 1999. Mais qu'est-ce qui fait cliquer les
femmes ? Active et pressée, la femme s'intéresse plus aux voyages, au cinéma,
aux restaurants, à la cuisine, à la lecture et aux activités artistiques que
l'homme (source Novatris). La santé, le bien-être, la beauté, "s'occuper de
soi", "Qu'est-ce que je vais me mettre ?" incarnent des aspirations
essentiellement féminines. Selon Catherine Murcia, chef de produit chez MSN,
les femmes sont "moins disponibles, plus sélectives et plus fidèles". Elles
surfent un tiers de temps en moins que les hommes, plus souvent depuis leur
bureau, et sont plus fidèles aux sites qui répondent à leurs besoins : elles se
connectent à trois fois moins de noms de domaines. Quand elles font du chat,
elles tchatchent deux fois plus souvent que les hommes. Tout l'enjeu consiste à
s'adresser aux femmes sans renforcer les stéréotypes et projeter sur elles des
clichés dans lesquels elles ne se reconnaîtront pas. Brigitte Gancel lance
Womenagency, une agence de marketing relationnel spécialisée, convaincue
qu'après les seniors, les baby et les teenagers, l'heure est venue pour les
femmes. Selon elle, « tous les spécialistes attestent de l'évolution des
mentalités féminines vers la maturité et la différence ». La prêtresse
américaine du marketing prospectif, Faith Popcorn, consacre un chapitre entier
de son livre Clicking à la "féminosophie", illustrant, selon elle, une tendance
sociétale majeure du IIIe millénaire : « les femmes accorderont leur préférence
à des entreprises qui tiendront compte de leur spécificité ». Les études
récentes réalisées en France par des organismes, comme le Crédoc, soulignent
par la voix de son directeur, Robert Rochefort, que « la femme est une
consommatrice plus pragmatique, plus engagée que l'homme, qui s'investit dans
des valeurs plus sociales. Elle veut donner un sens à ses choix de
consommation, en insérant l'acte de consommer dans un contexte sociétal ». Elle
prend en considération plus de critères d'achat que les hommes, et se montre
plus réceptive à une consommation citoyenne. 58 % des femmes, contre 41 % des
hommes, se déclarent sensibles aux produits dont le fabricant soutient une
cause humanitaire, et 70 % d'entre elles sont très attachées aux garanties
écologiques, contre 57 % des hommes. Enfin, elles sont 61 % à souhaiter
dépenser davantage pour l'habillement, 42 % pour les soins médicaux et 29 % en
soins de beauté. Sur le plan de l'alimentation, la femme se montre plus
concernée par des menus équilibrés. Alors que les hommes se tournent davantage
vers une consommation de plaisir, les femmes renforcent leur comportement
d'achat réfléchi. "A l'opposé, les priorités budgétaires des hommes s'orientent
autour d'un axe ludique". 46 % des hommes sont tentés d'acheter des équipements
de loisirs, contre 37 % des femmes. Les divergences dans la façon de consommer
se retrouvent aussi pendant l'acte d'achat. "Les hommes privilégient la
négociation ou le marchandage, alors que les femmes ont plutôt tendance à
comparer les diverses offres pour profiter de prix avantageux." Selon Gauthier
Reymondier, responsable des partenariats chez VitaGO, site spécialisé dans les
produits de beauté et santé, « les femmes réclament une grande simplicité,
elles comparent plus les prix que les hommes, sont plus exigeantes sur les
informations liées au produit et la sécurité des paiements. » Le récent débat
parlementaire sur la parité a mis en lumière la profonde inégalité de
représentation politique entre les hommes et les femmes. Sur le Net, au
contraire, comme en matière de presse, les femmes ont pris de l'avance. Les
magazines masculins ont émergé il y a seulement deux ans en France, parodiant
la presse féminine avant de trouver leur identité, et prennent juste pied sur
le Net : on annonce simultanément unhomme.com, monsieurnews.com, et un espace
masculin chez MSN. A bonne entendeuse !
« S'adresser à l'intellect des femmes plutôt qu'à leurs ongles de pied » Laurent Ramis (P-dg, fondateur de vivrefemme.com)
Y a-t-il une communauté des femmes ? Qu'est-ce qui les différencie des hommes ?
Deux points principaux. Les femmes communiquent beaucoup plus entre elles sur leurs centres d'intérêt. En matière de grossesse et de maternité, les femmes parlent aux femmes, elles cherchent à accéder très vite à l'information. Elles souhaitent obtenir des choses pratiques en deux clics, sinon elles quittent le site.
Quel est votre positionnement : éditorial, communautaire, offres marchandes ?
Nous sommes très orientés vers l'éditorial et reconnus comme tels. Un forum est animé par des experts : un psychologue, un avocat, un médecin et un conseil en beauté qui n'est autre que Miss France 95.
Jusqu'où personnalisez-vous ?
Nous avons une newsletter ; nous constituons une base de données marketing sur des bases déclaratives.
Qu'est-ce qui vous différencie des autres sites ?
C'est la qualité, la richesse et le ton éditorial du site, qui s'adresse à l'intellect des femmes plutôt qu'à leurs ongles de pied. Les sujets, traités en profondeur, sont autosegmentants.
Quel est votre modèle de revenu ?
La publicité à l'heure actuelle, mais nous recherchons d'autres sources de revenus : l'organisation d'événementiels avec les marques (avec des dotations apportées par la marque ou les partenaires), suivis d'un retour qualitatif statistique (choix type, couleur du rouge à lèvres, perception). Nous cherchons aussi à vendre l'éditorial, par exemple à des opérateurs de télécommunications.
Avez-vous quelques chiffres ?
Les actrices de la Nénette économie « Nos internautes achètent par réflexe, par impulsion » Anne-Sophie Pastel (P-dg, fondatrice d'auféminin.com)
6 000 abonnés sont inscrits, et nous enregistrons 300 000 à 400 000 pages vues.
Absoluféminin.com : portail féminin du Nouvel Observateur. Alafolie.com : tout sur le mariage. Amabilia.com : portail spécialisé dans le domaine du bien-être féminin. Artdevivre.com : site québécois. AuFéminin.com : le magazine pratique au féminin en 8 rubriques : beauté, carrière, couple, cuisine, enfants, fitness-santé, maternité et shopping. Cecicela.com : un article hebdomadaire et un forum de discussion Paroles. Elle.fr Emaclic.com : répertoire de sites susceptibles d'intéresser les femmes. Fe-mail : a pour projet de former gratuitement les femmes au Net. Femiweb.com : un site "Trans-Parents". L'information santé rédigée par des praticiens (accouchement, stérilité, ménopause). Femme.fr : simple miroir du magazine Femme de Prisma Presse. Femmeonline.fr : portail détenu à 39 % par PPR Interactive. Peu de rédactionnel. Femmeweb.com : portail québécois. Heartless Bitches (Being in Total Control Honey). Holala.ch Internenettes.fr Ivillage.com : mégasite américain de référence. Ford y a invité les femmes à inventer la voiture de leurs rêves. Lyloo.com : e-zine des internettes de 16-25 ans. Marionnaud Parfumeries a acquis 290 boutiques, va consacrer 760 000 euros au lancement d'un portail féminin sur Internet, en parallèle d'une boutique de 600 m2 sur les Champs-Elysées. Netmadame.com Newsfam.com : après des tergiversations sur le nom (c'est l'ancien desfemmes.com), le site se veut branché et high-tech, au risque de rebuter certaines catégories. A beaucoup investi pour une efficacité relative. Oxygen.com : a woman's view of the world : site américain orienté rédactionnel. Parlonsfemme.com Plurielles.fr : les gros moyens de TF1 au profit du site d'Anne Saint-Clair. Planetfemmes.com Pour-elles.wanadoo.fr Penelopes.org : des billets d'humeur d'un militantisme féministe dénoncent le comportement barbare des hommes à la guerre, au boulot, dans la pub, à la maison ou au gouvernement. Qu'est-ce qui reste ? Quellesconnes.com : parodie de portail féminin résolument incorrect pour les connes et autres poufs. Touteslesfemmes.com Vivre Femme.com Webdesfemmes.com WOMBATS (Women's Mountain Bike and Tea Society) veut saboter les stéréotypes féminins. Womencentral.msn.com : site sage de Microsoft : famille, santé, beauté, carrière. Du trafic mais un contenu encore un peu limité.
«En juillet 99, nous étions le premier portail, hormis le relais Elle.fr du magazine. Nous sommes aujourd'hui n° 1, avec 12 millions de pages vues en France, 2 millions en Espagne, et nous venons d'ouvrir en Italie. Nous misons sur la fraîcheur des informations avec une mise à jour quotidienne, et sur l'interactivité propre au média : nous avons été surpris par les amitiés qui se créent via les forums, les nombreux échanges en ligne avec nos experts. Notre modèle de revenu s'appuie sur la publicité (15 MF prévus en 2000), et les études marketing en ligne. 2 500 internautes ont ainsi testé les produits de Procter & Gamble. Nos internautes achètent par réflexe, par impulsion. "On me parle d'un produit, ça me donne envie, c'est simple, je peux l'avoir tout de suite" illustre assez bien les différences culturelles et physiologiques qui militent en faveur d'une communauté des femmes à part entière, voire d'une communauté entièrement à part ! Par-delà les suspicions d'exploitation de la femme par l'homme, le militantisme MLF et les revendications égalitaristes, il présente de façon factuelle des comportements issus des âges farouches. »