Visual change tout sauf ses fondamentaux
Une marque, qu'elle soit enseigne ou produit, peut-elle aller à contre-courant du marché ? A la question, Visual répond par l'affirmative et hausse le ton tant dans son offre commerciale que dans sa communication.
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Avis aux amateurs de second degré. Le nouvel opus de la saga publicitaire
Visual risque de dérouter. Après avoir cultivé durant huit ans la confusion
visuelle sur fond d'humour décalé, Visual et Enjoy, son agence historique,
changent de registre d'expression. Et, si l'impertinence et la provocation sont
toujours au rendez-vous, elles servent aujourd'hui un discours de marque qui se
durcit. Finie la franche rigolade, le parti pris créatif interpelle le chaland
sur les pratiques commerciales d'un marché qui perd la raison. « L'argument des
"deux paires pour le prix d'une" est devenu la norme du marché de l'optique. Ce
qui ne devait être qu'une opération promotionnelle ponctuelle s'est transformée
en argument permanent et a fait naître le besoin de gratuité dans la tête des
consommateurs, qui ne se posent aucune question sur la qualité de cette seconde
paire. Il y a 5 ans, l'étude Inforco classait la compétitivité des prix au
cinquième rang des critères de choix des consommateurs. Aujourd'hui, elle
occupe le premier rang ex aequo avec la qualité des services », analyse Lionel
Céväer, directeur général adjoint de Visual. Or, depuis les déboires de la
nouvelle économie, impossible d'ignorer qu'un modèle économique ne peut reposer
sur la gratuité. Elle peut générer des flux, créer du trafic, mais
difficilement être profitable à moyen terme pour l'entreprise. Si, dans un
premier temps, les opticiens qui ont suivi cette voie ont pu dégager un chiffre
d'affaires additionnel, aujourd'hui, la source se tarit tant l'offre s'est
banalisée. La gratuité est pourtant devenue le cadeau Bonux attendu du
consommateur lambda. Qui n'est d'ailleurs pas à une contradiction près puisque
dans 25 % des cas, il ne vient pas chercher sa paire gratuite ! Dans un marché
atteint de panurgisme, Visual pouvait-il continuer seul à tourner le dos à
cette pratique commerciale sans mettre en danger son développement ? «
Viscéralement, les opticiens Visual se définissent d'abors comme des
professionnels de la santé publique. Ils ont accepté le marketing et ses outils
à la condition qu'ils servent leur métier, indique Lionel Cévaër. Mais ils ont
mûri dans leur réflexion face aux pratiques commerciales et la question de la
promotion s'est donc posée en interne. Ils ont accepté d'y avoir recours à la
condition qu'elle soit en phase avec leur code génétique et leur identité.
Notre principal enjeu reste, plus que jamais, de nous différencier tout en
proposant une nouvelle alternative en termes d'offres promotionnelles. » Pas
question donc d'entrer dans la course des primes chères à la grande
consommation. Le métier de Visual étant d'améliorer la vue, c'est cette piste
qui a été explorée pendant six mois. Focus groupes et benchmark ont ainsi
permis à l'enseigne de dégager plusieurs axes de réflexion, qui aboutissent
aujourd'hui à la construction d'une offre respectant ses fondamentaux. Une
offre qui privilégie le métier d'opticien à celui de commerçant.
La prime utile
A partir du 17 janvier, et pour une
période limitée, les clients entrant dans les magasins Visual se verront donc
proposer pour 1 euro de plus des verres anti-reflets. « Dans 95 % des cas, les
clients renoncent à l'anti-reflets, qui offre un réel confort de vue, parce
qu'il est trop cher. Cette offre correspond donc à une réelle attente. Mieux,
elle n'est pas anxiogène pour l'opticien. En la proposant, il exerce son rôle
de professionnel de la vue », commente Lionel Cévaër. Ce virage stratégique
fait naître une nouvelle signature plus agressive en termes de différenciation.
Le "Bienvenue dans les magasins de la vue" laisse place au "Vous allez voir la
différence". Une affirmation qui interpelle le consommateur, mais aussi, et
surtout, la concurrence. Et à laquelle la campagne de communication donne tout
son poids. « Alors qu'il y a quelques années, les 30 jours de Carrefour
donnaient le "la" en matière d'offres promotionnelles, aujourd'hui, c'est le
Ticket Leclerc qui fait office de référence. Autre exemple, la rationalisation
du suréquipement a permis, notamment grâce à Volkswagen, de freiner l'escalade
à la prime dans laquelle s'était lancée l'industrie automobile. L'anti-reflets
à 1 euro est au marché de l'optique, ce que la clim est à l'automobile »,
analyse Christophe Lafarge, directeur associé d'Enjoy. Et lorsque l'on a goûté
à la clim, difficile de s'en passer. Pour mettre en image cette nouvelle
stratégie, Enjoy a mis en compétition ses teams créatifs. Sébastien Chantrel
succède à Christophe Caubel pour réaliser un film tout simplement épatant.
Epatant dans la forme, les images sont belles, épatant dans le fond. Les verres
de la paire gratuite y sont symbolisés par des découpes réalisées dans le
pare-brise d'une berline pourrissant dans un cimetière de voitures, la vitre
d'une cabine de peep-show, un vivarium abritant des serpents ou encore le
battant d'une cuvette de WC... Décliné en 60'', 45'' et 20'', le film sera
diffusé sur FranceTélévisions et la campagne (2 ME net) sera relayée en presse,
affichage et localement en PQR et radio. « Des actions de guérilla vont être
déployées localement, la BDD va, bien sûr, être valorisée, les coaches sont sur
le terrain pour former les opticiens. Au total, un budget de plus de 6 ME sera
consacré aux différentes actions marketing », conclut Lionel Cévaër. Un chiffre
qui exprime l'engagement total du réseau dans cette nouvelle étape de son
histoire.