Virgin L'art... et la manière
Pour se démarquer d'une concurrence pour le moins pesante, le credo de Virgin est clair : mettre les produits en spectacle plutôt qu'en rayon. Lieux démesurés, voire décalés, volumes hypertrophiés qui se transforment au gré de l'actualité et des événement... Virgin affiche sa différence.
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Le 13 septembre dernier, un vendredi, Virgin ouvrait son 29e magasin, sur
une surface de vente de 1 500 m2, en plein coeur du quartier Barbès à Paris. Un
choix qui, selon les termes de l'enseigne, « étonne, mais ne surprend pas ». De
fait, l'idée semble excellente. Que Barbès soit le « berceau des futures
tendances artistiques et culturelles », cela reste à prouver. Mais le choix
d'un quartier hors normes, et un peu rebelle, colle parfaitement à l'image que
Virgin souhaite donner. Ouverture, cosmopolitisme, jeunesse dynamisme... sont
autant « d'analogies entre l'esprit original et décalé, qui a fait le succès de
la marque, et le quartier-village parisien en perpétuelle effervescence ». Et
les produits dans tout ça ? Premier métier de Virgin, la musique est
particulièrement choyée. 40 000 références disponibles en magasins, plus de 100
000 sur commande, une cohorte de nouveautés, de découvertes et autres
"imports", un remarquable rayon worldmusi... Virgin fait fort en la matière.
S'ils n'ont pas la même image de pointe, les autres univers ont également des
arguments pour convaincre : 40 000 références de livres, 10 000 titres pour la
vidéo (DVD ou VHS) avec un catalogue cinématographique largement ouvert aux
cultures du monde, 3 000 références en multimédia (jeux et logiciels) avec
démonstrations régulières, billetterie, papeteri...
Le magasin média
Un mot également sur les services. Ils relèvent désormais
des exercices imposés à toute enseigne qui affiche quelques ambitions. Evoquons
pêle-mêle, chez Virgin, l'écoute de la majorité des disques présents en rayon
grâce à de nombreuses bornes, la très large amplitude horaire (de 10 heures à
22 heures pour le magasin de Barbès) ou encore un programme de fidélisation
assez élaboré. VIP, comprenez Virgin Important Person, est matérialisé par une
carte donnant droit à des chèques-cadeaux Virgin (ou à des offres de
partenaires) en fonction du montant du panier et de l'achat de produits
spécifiques. 10 % de réduction sont en outre proposés pendant une journée dans
les 30 jours suivant l'adhésion. Il y a l'offre, et puis il y a la façon de la
faire vivre. Disons-le tout net : c'est surtout dans ce registre que Virgin
espère faire la différence. « L'univers Virgin Megastore, c'est avant tout un
lieu d'exception, une architecture originale, des couleurs, des matières, des
espaces, des lumières, des images et un so... spectaculaires », martèle
l'enseigne. Il est vrai que Virgin a cherché à créer une ambiance particulière
dans laquelle l'architecture joue un rôle important. L'enseigne tente de
préserver le caractère des sites d'implantation, avec une prédilection pour les
grands immeubles bourgeois XIXe type Haussmann. Y compris à Barbès. L'objectif
est de construire des magasins "espaces de vie", des lieux de rencontre entre
les artistes et leur public, des lieux d'événements. Certes, le discours n'est
plus tout à fait neuf.
D'autres
enseignes ont fait des événements et des animations leurs premiers vecteurs
d'attractivité, à l'image d'un Made in Sport dans l'univers du sport. Et,
aujourd'hui, nombreuses sont les enseignes qui se présentent comme des "lieux
de vie", y compris parmi les plus généralistes. Mais reconnaissons à Virgin une
antériorité sur ce créneau adopté dès le début des années 90. Virgin a su
parfaitement exploiter l'extraordinaire attrait des produits culturels au sens
large, des disques aux livres en passant par le dernier jeu vidéo à la mode. 40
% des clients viennent régulièrement, et 3 clients sur 10 une fois par semaine
! Tout cela sur fond de Virgin Channel, le canal interne, qui diffuse chaque
semaine 100 heures de programme musical. Quant aux événements et à "l'animation
permanente", des rencontres sont régulièrement programmées avec des artistes,
des chanteurs, des acteurs, des auteurs, des metteurs en scène... Il y a plus
de 300 animations dans les Megastores chaque année.
Donner naissance à un vrai challenger
En août de l'année dernière, le
groupe Lagardère, à travers sa filiale HDS (Hachette Distribution Service),
rachetait à Richard Branson les 16 magasins Virgin français. Ainsi que la
licence de la marque Virgin dans plusieurs pays d'Europe. Un rachat qui faisait
suite à celui d'Extrapole en 1998. Ainsi, le groupe HDS, leader mondial de la
distribution de presse, est-il devenu le deuxième groupe de distribution de
loisirs culturels en France. Bien souvent, sur un marché, lorsqu'un numéro 2
(Virgin) et un numéro 3 (Extrapole) joignent leurs forces, le leader vacille.
En matière de biens culturels, ce n'est pas le cas ! Avec ses 3,35 milliards
d'euros de chiffre d'affaires, ses quelque 13 500 collaborateurs, ses 60
magasins en France, ses 27 magasins à l'étranger (chiffres 2001) et son
objectif de 80 magasins en France à l'horizon 2005, la Fnac a largement de quoi
voir venir. Au moins l'opération a-t-elle permis de créer un challenger
réellement significatif, et de faire de Virgin, qui est au passage l'une des
plus belles marques au monde, la locomotive commerciale de ce nouvel ensemble.
Ensemble dans lequel il ne faut pas oublier la très dynamique enseigne
régionale Le Furet du Nord (11 magasins), conservée pour des raisons évidentes
de notoriété et de prestige. On peut aussi penser que, sous la houlette de HDS,
Virgin connaîtra un développement plus vigoureux que par le passé, ce qui ne
devrait pas être trop difficile. Les premiers signes sont encourageants. Après
le bon spectaculaire, mais normal, enregistré en 2001 (9 magasins Extrapole
passés sous enseigne Virgin), l'année 2002 se veut également très dynamique,
avec des investissements supérieurs à 20 millions d'euros et quatre ouvertures
de magasins : Toulouse, Melun-Sénart, Nantes et, bien sûr, Paris-Barbès.
L'année 2003 devrait être un peu plus calme, "digestion" oblige. Trois
ouvertures sont programmées, l'objectif avoué de l'enseigne étant de détenir un
réseau de 50 magasins à terme, soit à l'horizon 2005-2006. Reste que changer
d'enseigne, c'est souvent ne faire qu'une partie du chemin. Si le plan de
marche a été respecté en termes de timing pour le transfert Extrapole/Virgin,
si les aspects sociaux et matériels (informatiques notamment) de cette mutation
se sont déroulés dans de bonnes conditions, il reste encore à inventer "Le"
concept qui saura reprendre le meilleur de l'une et de l'autre enseigne. A
savoir, la librairie et la papeterie chez Extrapole, et la musique chez Virgin.
Sans compter qu'il ne sera pas facile d'injecter un peu de la "démesure" des
principaux Megastores à d'autres magasins qui ne bénéficient pas des mêmes
atouts architecturaux. Un beau challenge.
Historique
Années 60 : Richard Branson crée une petite marque d'édition musicale. Il lui
donne le nom de Virgin. 1971 : Ouverture du premier Virgin Megastore, à
Londres. 1988 : Lancement initial des magasins Virgin en France, avec
l'ouverture du Virgin Megastore des Champs-Elysées. 2001 : Virgin Stores France
passe sous le contrôle de Hachette Distribution Services (HDS), filiale de
distribution du Groupe Lagardère Média.
Chiffre d'affaires
400 millions d'euros (+ 15 à 20 % de progression
annuelle).
Collaborateurs
2 000
Parc de magasins
nEnseigne Virgin 29, dont : - 11 à Paris (7) et en
région parisienne (4) - 18 en province Groupe Virgin Stores France 42 magasins,
dont : - Virgin : 29 - Extrapole : 2 (magasins n'ayant pas encore pu passer
sous enseigne Virgin pour des raisons administratives de demande
d'agrandissement) - Furet du Nord : 11
Parts de marché
10 % du marché de la musique en France 5 % du marché de la vidéo 5 % du marché
du livre 3,5 % du marché du multimédia
VIRGINMEGA.FR
Le 24 avril 2002, Virgin lançait son site de téléchargement musical payant : www.virginmega.fr. Un événement pour l'enseigne. L'offre devrait à terme s'élargir à toute la gamme de produits culturels des Megastore : jeux, vidéo, livres... Les ambitions de Meg@music, c'est le nom du service proposé par Virgin, sont toutefois mesurées. De nombreux exemples montrent qu'il n'est pas vraiment raisonnable d'être trop ambitieux en matière d'Internet. Surtout quand le produit commercialisé peut s'acquérir à peu près de la même façon gratuitement... Moins spectaculaire, le reste de l'offre internet de Virgin s'appuie notamment sur un webzine dédié à l'univers Virgin : "Only Virgin". Il permet de suivre toute l'actualité musicale et artistique à travers des interviews, des reportages, des actualités et des jeux.