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Vers une distribution intelligente ou comment Séphora se repositionne au Japon

Trop longtemps aveuglée par une innovation-produit toujours plus dynamique et originale, l'Europe en a presque oublié que le Japon pouvait aussi constituer une source d'inspiration fabuleuse pour la distribution de demain. Une distribution dite "intelligente", caractérisée par des services à réelle valeur ajoutée et, par conséquent, témoignant d'une meilleure compréhension des attentes individuelles du consommateur. C'est dans ce contexte que Séphora se voit contraint de modifier sa stratégie de conquête de l'archipel nippon.

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Les limites d'une conception classique de la distribution semblent avoir été atteintes. Un consommateur livré à lui-même dans des lieux souvent peu accueillants, un linéaire encombré et donc illisible, une organisation de l'espace ne répondant plus aux nouveaux styles de vie ont conduit certains retailers à reconsidérer leur segmentation traditionnelle et leurs missions auprès du consommateur. Se croyant à l'abri des défis auxquels sont confrontés les acteurs de la GMS, le sélectif connaît, à son tour, la même problématique. Séphora, enseigne emblématique d'une conception démocratisée de ce circuit, qui consistait à créer des supermarchés de la beauté, est actuellement en train de réagir, notamment au Japon. Le maître mot semble bien redevenir LE service. Au Pays du Soleil Levant, l'enseigne teste actuellement un nouveau concept, fondé sur une approche personnalisée du conseil et un agencement de rupture. Une réaction commandée par une relative inadaptation de la déclinaison à l'identique du concept de Séphora auprès d'une population appréciant tout particulièrement d'être guidée dans ses actes d'achat (une bonne illustration du célèbre "Think global, act local"). Ainsi, le 27 janvier dernier, Séphora Harajuku a été inauguré à Tokyo ; c'est le septième magasin de l'enseigne à ouvrir ses portes au Japon. Cette boutique sur trois étages, ouverte plus d'un an après l'arrivée de l'enseigne sur l'archipel, a été conçue pour s'adapter au plus près aux attentes de la clientèle japonaise. Séphora Harajuku constitue ainsi le nouveau prototype selon lequel seront désormais conçues les boutiques au Japon. La clientèle japonaise souhaite un service personnalisé plutôt qu'une ambiance de supermarché. Même si les clients font leurs courses avec un petit panier Séphora, en libre-service, ils apprécient d'être conseillés et guidés dans leur choix. De fait, les vendeurs sont extrêmement nombreux et facilement abordables.

Le "Salon de Séphora" : du service one-to-one


En outre, Séphora ne signale pas ses produits que par leur nom et leur prix : chaque produit est répertorié en fonction de son effet particulier, de ses caractéristiques, avec des accroches spécifiques ("Pour obtenir un effet de volume naturel", "séchage rapide"). Par ailleurs, les Japonais étant sensibles aux nouveautés, l'enseigne a instauré des rayonnages "Nouveaux produits", alors que cette catégorie n'existe nulle part ailleurs dans le monde. Les Japonais n'ayant pas coutume d'utiliser des sels de bains (au Japon, on se lave en dehors de la baignoire et on n'y entre que pour se réchauffer et se relaxer. La même eau de bain, toujours propre, sert ainsi à toute la famille), Séphora Harajuku a donc installé deux bacs/lavabos au rayon sels de bains afin de pouvoir "tester", "faire la démonstration" des produits proposés à la vente. Les Japonais étant également sensibles aux classements des meilleures ventes, ont été installées des signalétiques en ce sens et pour chaque catégorie (parfums, maquillage...). Pour susciter la confiance face à des marques pas toujours connues au Japon, des féminins sont disponibles sur les présentoirs-produits. Mais la véritable nouveauté de Séphora Harajuku, au niveau mondial, c'est bien le "Salon de Séphora" qui occupe tout le troisième niveau de la nouvelle boutique. Accueillis par deux "Concierges", installées derrière leur comptoir-réception, les visiteurs (le salon est mixte et une attention toute particulière est portée à la clientèle masculine) sont guidés dans leurs choix de soins. Ils remplissent une carte d'identité clientèle qui permet de mieux connaître leur historique beauté (problèmes de peau, allergies, types et marques des produits utilisés jusqu'à présent, etc.). En règle générale, les soins sont donnés sur rendez-vous, mais un accès libre est possible aux heures creuses. Un coin Lounge, au coeur de la pièce, permet d'attendre son tour en buvant un thé ou de l'eau minérale (offerts), tout en feuilletant des magazines de mode. La musique "New Age-Healing" donne au salon une atmosphère à la fois relaxante et quasi religieuse... De chaque côté du Salon se trouvent les Coins soins. Une grande table garnie de produits de beauté sert de support au coin "Counseling". L'expérience asiatique de Séphora n'annoncerait-elle pas une remise en cause générale du circuit sélectif en Europe (comme c'est actuellement le cas en GMS) ? Et tout particulièrement en France où les approches libre-service/zéro conseil semblent connaître une désaffection croissante du consommateur.

Marie-Alix Le Roy, Dimitri Gourdin

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