Une seconde vie pour l'automobile
Faisons un constat: la voiture ayant peu évolué depuis les années cinquante, elle est aujourd'hui incapable de répondre de façon satisfaisante aux nouvelles contraintes environnementales, aux nouvelles attentes des consommateurs et encore moins aux nouveaux imaginaires de la mobilité urbaine.
Dans les pays riches, la voiture ne fait plus autant rêver qu'avant, et les jeunes ne se reconnaissent plus dans les modèles proposés. Au Japon, une récente enquête montre que seuls 13% des 20 à 40 ans habitant la région de Tokyo possèdent une voiture. Ils étaient 23,6% en 2000. Autre constat encore plus significatif: cette enquête, financée par les constructeurs automobiles, montre que l'envie de posséder une voiture a pratiquement diminué de moitié en sept ans. La proportion est aujourd'hui de 25,3%, contre 48,2% lors du même sondage réalisé en 2000! Yoshinobu Shigenaga, porte-parole de l'Association japonaise des concessionnaires automobiles, expliquait récemment que «les jeunes n'aiment pas les voitures. Ils préfèrent consacrer leur argent aux services sur téléphones portables et aux jeux vidéo.» On ne peut mieux résumer la mutation des imaginaires de la mobilité urbaine!
Dans ces conditions, comment expliquer que les modèles prévus dans les cinq à dix ans soient aussi peu en rupture avec les modèles actuels? Comment expliquer que, face aux bouleversements économiques, écologiques, culturels qui s'annoncent, les constructeurs ne remettent pas totalement en cause leur façon de penser l'objet voiture? Les explications sont nombreuses. De nouveaux axes de réflexion, en matière automobile, redessinent notre vision de la voiture de demain, totalement opposés aux schémas dominant des cinquante dernières années.
Sortir des schémas dominants
Qui aurait cru que le fauteuil roulant pour handicapés ou vieillards impotents deviendrait un modèle? Et pourtant... Aux Etats-Unis, il suffit de se promener à Las Vegas, dans les centres commerciaux ou à Disneyland, pour voir que le fauteuil roulant électrique est devenu un moyen de transport à part entière, notamment pour les obèses. Et les pionniers sont, une nouvelle fois, les constructeurs japonais qui démultiplient les petits concept cars une place. Cette production est motivée par deux influences. D'abord celle du vieillissement de la population nippone et la nécessité de proposer des engins adaptés aux déplacements de proximité. Le fauteuil roulant apparaît alors comme une réponse naturelle. Restait à le caréner différemment. Chose faite par la plupart des constructeurs (Honda, Suzuki...). Le succès est tel que certains quartiers de Kyoto à Takayama bénéficient d'équipements spéciaux pour circuler et garer ces nouveaux engins.
L'autre influence est celle des mangas qui ont banalisé, avec notamment Mazinger et Goldorak, le robot comme véhicule à part entière. Dans cette lignée, on ne peut que remarquer la très grande cohérence des propositions de Toyota qui, en 2005, présentait ses «scienfictionesques» i-Foot et i-Unit qui aboutissent aujourd'hui à l'i-Real. La force de ce constructeur est d'avoir réussi à «démédicaliser» le fauteuil roulant pour en faire un moyen de transport branché.
Les Japonais inventent un segment auto qui va trouver dans les prochaines années, sa pleine ampleur, à travers les voitures en libre-service. Si, aujourd'hui, certaines municipalités imaginent développer ce type de service, à l'image des Vélib' parisiens, aucun constructeur traditionnel n'est capable de proposer un tout petit véhicule électrique adapté à ce type de demande avec des véhicules qui circulent librement sur la voirie.
De façon encore plus prospective, Suzuki imagine avec son concept PiXY un véhicule pouvant transporter sur une longue distance deux «fauteuils roulants», ceux-ci pouvant ensuite retrouver leur autonomie dans les zones urbaines centrales interdites aux voitures.
Deux questions sensibles pour finir: où en sont les constructeurs français? Attendront-ils, comme pour le moteur hybride, que les Japonais aient pris dix ans d'avance, pour penser autrement, et enfin réagir?
FRANCOIS VELLANGER,
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