Une rentrée TV sous pression
Philippe Nouchi, directeur des études audiovisuelles de Reload/Vivaki (Croupe Publicis)
La rentrée TV 2009 est arrivée dans un contexte très particulier: une diminution de la part d'audience des chaînes historiques au profit de celles de la TNT, et un contexte économique très morose qui s'est traduit par une baisse attendue des investissements publicitaires TV de 11% en 2009 (source: Advertising AdSpends Forecasts de ZenithOptimedia). De plus, de nouveaux comportements d'écoute du média («catch up» TV, écoute différée via les magnétoscopes numériques, écoute en mobilité) obligent les chaînes à repenser leur modèle économique et à se positionner de plus en plus en média global.
La rentrée était donc sous tension, puisque les chaînes hertziennes devaient faire face à un paradoxe: innover et se renouveler afin de résister à la TNT tout en faisant face à des restrictions budgétaires et des coûts de grille en baisse. Au final, on retrouve nombre de nouveaux programmes, mais peu de véritables innovations. Une prise de risques limitée, qui se traduit de plusieurs façons, à commencer par très peu de transferts d'animateurs, voire aucun qui soit vraiment emblématique. En effet, les chaînes s'appuient plus que jamais sur leurs animateurs «maison». En outre, elles se concentrent de plus en plus sur les valeurs sûres, dont la rentabilité est assurée, avec, en tête, les séries américaines. Celles-ci reviennent avec leur lot de nouveautés et trustent quatre soirées sur M6 et deux sur TF1. De même, quasiment toutes les émissions de téléréalité (à l'exception notable de Star Academy) sont de retour. Enfin, les «nouvelles» émissions sont soit tout bonnement des reprises, soit des adaptations d'émissions étrangères, ou des déclinaisons de concepts qui ont déjà fait leurs preuves.
Innover ou se reposer sur ses fondamentaux?
Si on regarde ce qui se passe chaîne par chaîne, on voit que TF1 a été durement touchée par la crise et que son audience s'est érodée plus vite que celle de ses concurrentes. Elle se devait donc de réagir, ce qu'elle a fait en mettant en place un nombre important de nouvelles émissions et en lançant une politique de fictions françaises ambitieuse mais qui doit faire ses preuves. En attendant, elle continue à se reposer sur ses fondamentaux: les séries américaines, les films grand public, le football, la téléréalité et le divertissement. Les projets en matière de magazines et de divertissement témoignent d'une recherche de proximité qui devrait porter ses fruits. On peut donc penser que TF1 devrait voir son audience s'éroder plus lentement à l'avenir, grâce à une grille plus solide.
De son côté, M6 se porte plutôt bien, avec une audience quasi stable malgré la TNT et une grille bien installée. Elle en profite pour lancer son JT du soir, dernière brique pour se positionner en vraie généraliste, et continue à innover avec le lancement de plusieurs magazines, qui restent tous dans l'esprit de la chaîne, donc sans prise de risques particulière.
Le groupe France Télévisions, service public oblige, ne joue manifestement pas dans la même cour. Il est de moins en moins dans la course à l'audience et davantage dans le culturel, comme en témoignent la généralisation des soirées théâtre et les nouveaux magazines culturels.
Quant à Canal+, la chaîne, ayant fait une bonne année au niveau des audiences, affiche une excellente santé financière. Cela se traduit par un coût de grille qui, contrairement aux autres chaînes, ne baisse pas, et par une reconduction de ses fondamentaux, à quelques petits aménagements près: on ne change pas une équipe qui gagne!
Les chaînes de la TNT, quant à elles, veulent profiter de leur modèle vertueux (initialisation en hausse, progression de l'audience, boom des investissements) pour mettre en place des grilles offensives et essayer de passer dans la «cour des grandes». Conséquences: quelques nouveautés impactantes sur les principales chaînes, comme XFactor sur W9, Moundir, l'aventurier de l'amour sur TMC ou encore Mission Sauvage sur NT1. Enfin, les autres chaînes, moins puissantes, continuent à creuser leur sillon sur leur thématique propre.
@ Gilles Parnalland/Fotolia
Philippe Nouchi
(Reload/Vivaki): «De nouveaux comportements d'écoute du média obligent les chaînes à repenser leur modèle économique.»