Un parfum qui est comme la rose, sans "reason why"
Andrée Putman n'a pas imaginé une grande représentation marketing. Pour sa Préparation Parfumée, elle a élaboré une subtile "contremarque". Comme la fraîcheur d'un entracte dans un monde remarquablement capiteux.
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«Vous n'aimez donc pas le marketing ! » « Vous n'appréciez donc pas les
produits qui ont du succès ! », m'a-t-on reproché lorsque j'expliquais la
démarche que j'ai choisie pour proposer ma Préparation Parfumée, s'amuse Andrée
Putman. C'est justement parce qu'il y a du marketing pour certains produits, et
notamment les parfums, que je me permets de ne pas en faire pour le mien. J'ai
voulu juste un parfum de peau. Pas de grandiose architecture olfactive. Je me
suis inspirée de la sensualité tactile de ces bois flottés qu'on trouve sur les
plages. De ces sculptures douces modelées par les vagues. J'ai pensé à l'odeur
des feuilles et des herbes sous la pluie. Et j'ai voulu un simple flacon de
laboratoire. » Ainsi, ni emphase, ni surcharge, ni argumentaire
commercialo-évocateur. On peut juste lire dans le document d'accompagnement :
"Préparation parfumée Andrée Putman, signée Andrée Putman, parfumeur Olivia
Giacobetti, formule bois flotté, poivre gris, nénuphar, couleurs brun nuit,
bleu saphir, 250 ml, pour les hommes, pour les femmes." La prédominance du
marketing dans de nombreux marchés permet ainsi aux créateurs d'explorer des
pistes singulières destinées à ne pas rencontrer l'unanimité. La modernité
réside dans le plaisir de l'agencement de sa propre consommation. On peut y
apprécier aussi bien des produits grand public que des objets singuliers.
Un déplacement d'usage
Savoir échapper aux méthodes du
marketing est un jeu salutaire qui permet d'éviter la tentation totalitaire.
Et, l'exercice d'un processus créatif se moque des fiches-recettes. « Pour moi,
la réalisation d'un projet est une mise en émotions et en ondes d'une quantité
de petites choses remarquées sans s'en apercevoir et qui resurgissent à un
moment donné, commente Andrée Putman. En ce moment, pour un appartement à
Tokyo, j'ai une quête pour la rabane à la frange pauvre et modeste. En
recouvrir une petite porte et elle devient ravissante. Je me suis rappelée les
petites boutiques de plagistes de jadis qui vendaient des roudoudous, des
bikinis et des rouleaux de rabane. Je m'intéresse aussi aux grillages
industriels à petites mailles qui servent à tout sauf à embellir une maison.
J'ai de la tendresse pour ces matériaux qui ont une vérité et ne traînent pas
partout. J'ai envie de les accompagner ailleurs. Mais je n'aime pas le
détournement brutal comme on pousserait quelqu'un hors de son chemin. Ce qui
risque vite de donner l'équivalent du prie-dieu transformé en bar ou de la
lampe-bouteille de chianti. Je pourrais donner des exemples d'actualité...
(rires). Bref, ce sont mes jeux à moi. J'aime travailler avec la vérité des
matériaux juste en déplaçant légèrement leur usage. Comme je l'ai fait pour mon
flacon de parfum en utilisant un contenant de laboratoire. » Certes. Mais ne
s'agit-il pas de la plus conventionnelle stratégie de marque, que de mettre un
produit signé Andrée Putman en vente juste chez Nickel et surtout chez Colette,
"incontournable" principauté des nouveaux "Incrôyables" et "Merveilleux" de la
mode, du design, etc. ? Le "léger déplacement" n'aurait-il pas pu être envisagé
pour la diffusion ?