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Tabac: nouvelle législation, nouvelles opportunités

Avec l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sur le tabac, c'est tout un marché qui se crée ou se réorganise. Zoom sur ses implications marketing.

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Plus le marché est réglementé, meilleurs sont les bénéfices des industries du tabac.

Paradoxale équation qui ne se résout que grâce à un marketing particulièrement agressif de la part des Altadis, Philip Morris et autres British American Tobacco. Interdites de publicité, sous toutes ses formes, dans bon nombre de pays occidentaux, elles multiplient les parades et sont toujours présentes dans les films, le sport (de manière détournée), ou même en tant que mécènes d'associations d'aide à la population. «Les industries du tabac adoptent une stratégie typique des industries en crise», soutient Karine Gallopel, maître de conférence à l'université de Rennes I et spécialiste du marketing des cigarettiers. Une crise qu'elles tentent de juguler en s'attachant les services de commerciaux ou marketeurs de haut vol recrutés dans les meilleures écoles et en s'attaquant à de nouvelles cibles: les pays en développement mais aussi les jeunes.

Des produits inédits, plus «funs» ou plus «classes» font donc leur apparition, comme les cigarettes au nom de grands couturiers (Yves Saint Laurent), les «snus» (tabac à sucer), le «skoal» (tabac à chiquer) qui rencontrent un grand succès au Canada et surtout les cigarettes aromatisées au design accrocheur comme les «Black Devil» ou les «Pink Eléphant».

L'émergence d'un nouveau marché

- Mégots jetés sur la voie publique, regain de mauvaises odeurs dans les discothèques... Autant de nouveaux problèmes qui appellent de nouvelles solutions et donc la création d'un marché. Entrepreneurs perspicaces, Stéphane Schecroun et Alexandre Pedrotti ont flairé le bon filon de cette nouvelle interdiction. Le premier a créé la boule «Amego» (à mégots) qui se fixe sur les poteaux des villes. Le second a repris la licence de la Smoz, cigarette sans fumée qui se veut, en plus, support publicitaire efficace pour les discothèques, casinos mais aussi marques d'alcool ou de compagnies aériennes.

D'autres, comme la PME Olfact'air, ont décidé de parfumer les discothèques où flottent des odeurs de sueur masquées auparavant par le tabac ou, comme Plymovent, Expair System ou Aéra Clean Distribution, d'équiper les bars, en cabines fumeurs...

Des campagnes de prévention plus matures

- Après la campagne très corrosive de l'INPES en direction des jeunes («Toxic Corp»), c'est au tour du CNCT (Comité national de lutte contre le tabagisme) de faire appel aux compétences de marketeurs professionnels avec un spot aussi choquant que percutant réalisé par Euro RSCG et Yvan Attal.Une nouvelle orientation, plus mature qui permet peut-être de mieux lutter face aux industriels du tabac qui lancent leurs propres - mais ambiguës - campagnes de prévention («Think. Don't smoke» de Philip Morris ou «Be cool, be yourself» de BAT et Japan Tobacco International). Le CNCT mise aussi sur les procès. Dernière victoire en date: un jugement qui réduit la marge de manoeuvre des cigarettiers dans l'utilisation de paquets «funs».

Une aubaine pour les marques

- Vous ne pouvez plus fumer en public? Sucez ou mâchez! Confortées par des sondages montrant que les fumeurs trouvent dans les sucettes ou les chewing-gums une aide pour arrêter de fumer ou patienter jusqu'à la prochaine cigarette, les marques comme Freedent ou Chupa Chup sont détourné les codes du tabac à leur profit. Chupa Chupsa lancé, avec une campagne marketing drôlement provocante, la Rel@x, une mini-sucette vendue par six dans des paquets inspirés de ceux du tabac et enrichie en ingrédients relaxants. En guise de concurrent, Freedent s'est, lui, invité dans 1 500 bars-tabac pour remplacer les espaces fumeurs par des espaces mâcheurs. Pour accentuer l'effet de ces ersatz, les éditions Fejtaine conseillent 100 chansons pour arrêter de fumer, un petit livre vendu au prix d'un paquet de cigarettes... Et si cela ne marche pas, vous pouvez toujours vous en griller une dehors avec le nouveau café à emporter Lavazza Go...

Le boom des substituts

- Autres bénéficiaires de cette nouvelle législation: les laboratoires pharmaceutiques. En 2007, les produits d'aide à l'arrêt du tabac ont fait un bond de 30% selon l'Office français de prévention du tabagisme. D'ailleurs, 345 000 Français ont bénéficié du remboursement de 50 euros de substituts nicotiniques, indique la même source. En janvier, les labos ont donc marqué le coup avec de nouvelles campagnes: Domptez le manque pour Niquitin de GsK, ou «Le dernier mégot» pour Pfizer qui s'est fendu d'un mini site humoristique et pédagogique réalisé par l'agence Vanksen/Culture buzz. Pour multiplier les chances de succès, la Mutuelle générale a, elle, décidé de proposer à ses clients un programme de coaching anti-tabac gratuit «Tabac: j'arrête, j'y gagne».

Béatrice Héraud

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