Stella Artois fait jouer l'exception culturelle française
En 1999, le groupe Interbrew entame une réflexion stratégique sur la
gestion de son portefeuille de marques et fait de Stella Artois son
porte-drapeau international. Positionnée aux Etats-Unis, en Australie et en
Nouvelle-Zélande sur le segment des bières premiums, voire en Angleterre sur
celui des bières d'élite, elle demeure en France, poids de l'histoire oblige,
une bière standard à l'image de la 33, de Kanterbräu ou encore de Kronenbourg.
Un décalage que la filiale française et son agence de communication, McCann
Paris, tente de gommer depuis cette date. Seulement voilà, si hors de nos
frontières, les créatifs peuvent laisser libre cours à leur imagination
fertile, en France, loi Evin oblige, la communication sur les alcools est
strictement encadrée. Résultat, les créations internationales adaptées au
marché français perdaient de leur aspérité pour se fondre dans un paysage dont
l'originalité demeure discutable. En juin 2001, le marketing français, avec à
sa tête Ile Mioc, décidait de tourner le dos au dogme de la coordination et
demandait à McCann Paris de bâtir une campagne destinée à l'Hexagone. « Nous
avons donc commencé à travailler sur une communication locale tout en
respectant peu ou prou le positionnement international de la marque », commente
Hervé de Vaublanc, directeur d'unité de l'agence. Sur un marché très
concurrentiel, il s'agissait donc de faire évoluer la marque pour attirer vers
elle une clientèle plus jeune tout en respectant les fondamentaux, à savoir
l'authenticité, la tradition et le savoir faire ancestral de plusieurs
générations de brasseurs.
Histoires d'O
« Nous avons
commencé par chercher un territoire de communication valorisant pour la marque
», poursuit Hervé de Vaublanc. En la triturant, en jouant avec les lettres,
l'agence s'est alors aperçue qu'en enlevant le O du logo, Stella Artois
devenait "Stella Art is". Bingo ! Le territoire de l'art devenait un élément
réellement différentiant. Mais encore fallait-il le justifier, notamment
vis-à-vis des dispositions de la loi Evin. Or, qui parle de brassage, parle
d'art de brasser. Dans le même ordre d'esprit, on évoque à son sujet l'art de
la servir. Issue de ce jeu de lettres, la signature de la marque affirme ce
savoir faire : "Stella is art" ou "L'art de brasser Stella Artois depuis 1
366". Une signature toujours accompagnée des deux icônes de la marque : la rose
et la dague. Quant au O, en dévissant du logo, il devient un élément actif de
chacune des créations. Il sert ainsi à soulever une capsule, à équilibrer un
verre lors du versement ou encore à signifier le mariage de l'orge et du
houblon. Ces trois visuels fondateurs, baptisés tout naturellement "La
capsule", "Le versement" et "Le mariage", seront rejoints en fonction de
l'actualité par trois visuels plus tactiques, sur le cinéma, la musique et...
les élections présidentielles. « Nous avons voulu réaffirmer qu'une bière
pouvait avoir de l'esprit », ajoute Hervé de Vaublanc. Un esprit qui, de prime
abord, peut dérouter les consommateurs. « La campagne demande effectivement un
temps d'apprentissage qui sous-entend de la répétition et de l'exposition. Cela
étant, les tests sont positifs. Si, dans un premier temps, les consommateurs
sont surpris, très vite ils entrent dans ce jeu autour de la lette O »,
remarque José Lafuente, brand manager chez Interbrew France. Déclinée en presse
et en affichage ( 4 x 3, mobilier urbain et affichage transport) à partir du 22
avril, la campagne (budget de 5 à 6 millions d'euros en brut Sécodip), est
également présente dans sa totalité dans un tiré à part du mensuel Studio,
édité le 27 mars à l'occasion de la ressortie en salle du film E.T. Ce numéro a
fait l'objet d'une opération de marketing direct à destination de 10 000
clients professionnels de la marque. Et annonce en filigramme, le partenariat
conclu avec le festival international du film de Cannes. « En nouant ce
partenariat, Stella Artois s'approprie le territoire du cinéma qui va permettre
de nourrir son positionnement aussi bien en France qu'à l'international »,
indique José Lafuente. Et d'ajouter que le Festival de Cannes a d'ailleurs été
la thématique commune d'une opération de promotion internationale de la marque
qui accueillera sur la Croisette les heureux gagnants. Partie la plus visible
du repositionnement, la campagne s'inscrit dans un programme de revalorisation
de la marque qui a touché l'ensemble des éléments du mix. En janvier 2001,
Stella Artois délaissait ainsi la bouteille ronde et trapue pour adopter une
bouteille "long neck". Plus récemment, le basket pack, qui laisse apparaître le
col de la bouteille, a remplacé le pack standard et, en juin prochain, une
nouvelle évolution packaging est attendue avec l'introduction de boîtes en
relief, un première sur le marché de la bière. « Aujourd'hui, Stella Artois est
encore dans, ce que nous appelons, le ventre mou du marché. Le travail que nous
effectuons depuis 1999 doit lui permettre de se hausser au niveau de
Kronenbourg qui représente le haut de ce segment », poursuit José Lafuente. Un
segment qui représente toujours 55 % du marché global en volume mais qui perd
du terrain, - 3 % en 2001, face au haut de gamme et autres bières spéciales.