Sports : les enseignes décuplent leurs efforts
C'est une course d'endurance. Face à Décathlon qui surclasse ses concurrents, et alors que le marché des articles de sport et de loisirs marque le pas, les challengers affinent leur stratégie. Pour ne pas décrocher, tous mettent en avant leur partenariat avec les marques.
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Allongement du temps libre, discours des pouvoirs publics et des
scientifiques préconisant l'exercice physique, nouvelles pratiques… Le XXIe
siècle s'annonce comme celui du bien-être et de la forme physique. La
distribution spécialisée l'a bien compris. Chaque année, son poids progresse
sur le marché des articles de sport et de loisirs. Les grandes enseignes -
Décathlon, Intersport, Sport 2000, Twinner, Go Sport ou encore le pôle sport du
groupe PPR -, en représentent aujourd'hui 70 % (+ 2 % par rapport à 2003.
Source : FPS, Fédération professionnelle des entreprises du sport et des
loisirs). Et les choses ne devraient pas en rester là puisque Leclerc annonçait
en avril l'ouverture de son premier point de vente entièrement dédié au sport
(encadré p. 50). Reste qu'au terme d'une année 2004 en demi-teinte - le chiffre
d'affaires du secteur a progressé de 2,5 % à 8,7 milliards d'euros -, chacun
cherche à se repositionner. D'autant que c'est encore le mastodonte Décathlon
qui, en 2004, a porté le marché. L'enseigne nordiste a enregistré une
croissance de 10,3 % et une progression à magasins comparables de 8,9 % (7,5 %
en 2003). Derrière, les enseignes se livrent une lutte acharnée pour ne pas
décrocher du leader dont les magasins sont devenus quasi incontournables pour
qui veut s'équiper en matériel, en chaussures ou en vêtements de sport. Grâce à
son concept marque-enseigne, le groupe, qui réalise plus de 50 % de son chiffre
d'affaires avec ses créations, est omniprésent : de la randonnée à la natation
en passant par le tennis, le football ou encore l'équitation, le surf… Des
vélos aux sacs à dos, des chaussures de randonnée aux vêtements de loisirs, il
a acquis un vrai savoir-faire en distribution mais aussi en création de
produits. Il est ainsi devenu le premier fabricant de vélos (la marque
Décathlon Cycle va d'ailleurs changer de nom et rejoindra les autres marques
totalement autonomes en 2006) et va créer en Bretagne un immense village de la
forme, sur 70 hectares, qui lui servira de vitrine. Pour en arriver là,
Décathlon s'est donné pour mission de proposer des produits innovants avec une
caution, le partenariat technique. Ainsi, le groupe s'est, par exemple, associé
à Karine Ruby (snow board) pour Quechua, à Loïc Leferme (plongée) pour Tribord,
à Thomas Levetou pour Inesis Golf, ou au rugbyman Fabien Pelous pour Kipsa. «
Les marques Passion représentent plus de la moitié du chiffre d'affaires de
l'enseigne. Les investissements déployés en matière de design et de R&D
semblent donc durablement porter leurs fruits », annonce avec satisfaction
Frédéric Croccel, le directeur de communication de l'enseigne. En 2005, deux
nouvelles marques font leur apparition dans les linéaires : “Kalenji”, dédiée
au running (dont les premiers produits sont en rayon depuis mars 2005) et
“Fouganza”, la marque équitation qui sortira à l'automne prochain. Outre le
dynamisme des dix marques Passion, les bons résultats de Décathlon s'expliquent
également par la stratégie de baisse des prix largement déployée en 2004.
Résultat : une croissance de 13 % du nombre de clients. Ces bons résultats et
une visibilité de plus en plus forte ne pouvaient laisser indifférents les
autres grands noms du commerce intégré et spécialisé. Pour qui, le salut passe
désormais par la mise en place d'une réflexion marketing de plus en plus
poussée qui démarre par la valorisation de l'offre.
Go Sport effectue sa mue
Go Sport (commerce intégré également), qui a
accusé une perte nette de 9,9 millions d'euros au titre de l'exercice 2004,
monte ainsi au créneau et effectue sa mue. Inauguré en mars dernier, avec le
magasin situé dans la galerie commerciale SQY West de
Saint-Quentin-en-Yvelines, un nouveau concept sera étendu aux 120 points de
vente. Ce dernier repose sur trois axes, se voulant représentatifs de
l'enseigne, que sont la performance, la mode et le spectacle. D'importants
moyens sont mis en œuvre puisque les « investissements ont été multipliés par
deux », rappelle Philippe Wargnier, le directeur général de l'enseigne qui
ajoute: « Tous les magasins vont avoir un kit minimum qui se retrouvera dans
les autres points de vente. Nous voulons une synergie de tous nos magasins. »
D'ici un an, l'ensemble du parc sera donc mis en conformité avec ce nouveau
concept. Même dynamisme pour l'enseigne Courir (filiale de Go Sport), qui
inaugure ce mois-ci, elle aussi, un nouveau concept et une nouvelle
communication orientée sur les jeunes (15-25 ans) et les marques. « Nous
voulons faire de Courir l'enseigne accélératrice de la mode basket », note
Philippe Wargnier. Les performances de Décathlon et son insolente santé
sont-elles à l'origine de ces initiatives ? Philippe Wargnier s'en défend. « Il
y a surtout eu une perte de chiffre d'affaires qui nous a poussés à nous
pencher sur de gros chantiers en cours tel que les concepts ou le travail sur
notre positionnement : être une enseigne multispécialiste partenaire privilégié
des marques. » Si son concurrent historique réalise plus de la moitié de son
chiffre avec ses marques propres, Go Sport se démarque clairement en réalisant
70 % de son chiffre d'affaires avec les marques nationales et internationales
et seulement 25 % avec ses marques propres. Un choix qui positionne l'enseigne
de manière frontale face à un autre grand du marché, Intersport.
Intersport tient la cadence
Le numéro deux du marché
hexagonal demeure le fer de lance du commerce associé qui, avec une part de
marché de 27,2 %, constitue la deuxième famille de la distribution
spécialisée. « Ce secteur connaît des taux de croissance importants. En 2003,
son chiffre d'affaires avait progressé de 8,3 % et en 2004, la croissance
s'établit à 7,4 %, pour un chiffre d'affaires de 1,9 milliard d'euros »,
souligne André-Pierre Doucet, directeur de la communication et des études de la
FPS Après avoir lancé, il y a deux ans, un nouveau concept, Intersport a
définitivement choisi d'aller un peu plus loin dans sa réflexion stratégique. «
Nous ne pouvons pas affronter Décathlon sur le prix. Qu'à cela ne tienne, nous
devons nous positionner sur la marque, c'est elle qui crée la différence »,
martèle Franz Julien, directeur général de l'enseigne. Dans cette optique,
Intersport renforce l'entreprenariat et engage une réelle politique de
concertation avec les marques. « Nous souhaitons que 80 % des assortiments
soient établis par les centrales », ajoute-t-il. Si sa rivale Décathlon se
concentre sur ses créations propres, Intersport affiche clairement vouloir
enrichir son offre de marques nationales à travers quatre univers : la pratique
du sport, le loisir, la mode et les prix, alors qu'elle ne propose
volontairement que 25 % de marques propres. « Nous serons toujours un
distributeur. Si nous développons des marques propres, c'est pour couvrir des
gammes qui ne le sont pas par les marques nationales. Reste que notre priorité
est de laisser s'exprimer nos partenaires », assure le directeur général de
l'enseigne. Une stratégie qui paie puisque, en 2004, son chiffre d'affaires
s'élevait à 971 millions d'euros, en croissance de 9,3 %. Dans un marché soumis
à la pression des prix bas, le groupe coopératif tient donc la cadence. Et
l'enseigne a entamé des partenariats avec de grands noms tels qu'Adidas, Nike,
Puma et consorts. Et leur propose un outil destiné à mesurer leurs performances
dans son réseau : le “Visiomarque”. La conception de cet outil s'intègre
clairement dans cette démarche de collaboration sur le long terme. « Grâce aux
résultats obtenus, nous pouvons mesurer la représentativité d'une marque dans
le réseau, sa performance par rapport à ses concurrentes mais également repérer
les marques émergentes», souligne Franz Julien. Les informations obtenues grâce
au Visiomarque permettent à Intersport, en partenariat avec les fournisseurs,
d'optimiser l'offre proposée dans les linéaires des magasins pour la rendre la
plus attractive possible et en adéquation avec les attentes des consommateurs.
Des consommateurs qui, justement, plébiscitent de plus en plus les marques.
D'où l'ascension d'une autre forme de commerce plus confidentiel, les magasins
monomarques, les fameux flagship. Littéralement “magasin porte-drapeau”, ces
lieux de vente se veulent la vitrine de la marque à laquelle ils sont dédiés.
Adidas, Reebok, Nike ou encore Puma y exposent leur valeur, leur mission et
leur image. Si le déploiement de ce réseau se poursuit (+ 7,5 % à 215 millions
d'euros, contre + 4,7 % et 200 millions d'euros en 2003), son rythme de
croissance s'aligne toutefois progressivement sur celui du secteur après avoir
connu des progressions à deux chiffres entre 1998 et 2002.
Le sport version mode
Face à ces poids lourds, le Pôle Sport de France
Printemps, filiale du groupe PPR, apparaît comme le petit poucet du marché. Un
petit poucet qui aura vu, en 2004, son chiffre d'affaires progresser de 8,2 %
pour s'établir à 68 millions d'euros HT (source interne). « Deux ans après le
rapprochement de Made in Sport et de Citadium et après la création d'une
centrale d'achat commune aujourd'hui effective, le pôle a atteint son équilibre
d'exploitation », indique Didier Lalande, son directeur général. Un résultat dû
essentiellement au dynamisme de l'enseigne multicanal Made in Sport (voir
encadré), dont l'offre construite sur l'actualité sportive a bénéficié, en
2004, d'une actualité riche : Euro 2004 et Jeux Olympiques d'Athènes. Après
avoir inauguré trois nouveaux points de vente en 2004, à Bordeaux, Rennes et
Grenoble, l'enseigne poursuit en 2005 sa stratégie d'ouverture selon un rythme
régulier de deux à quatre magasins. En avril dernier, c'est Nancy qui
accueillait un point de vente de 250 m2. Quant à Citadium, son repositionnement
se poursuit. Après une croissance de 21,5% sur les deux derniers exercices,
l'enseigne parisienne a connu en 2004 les aléas d'une conjoncture moins
favorable avec un léger recul de 1,2 %. « Citadium a la chance d'être implantée
dans une zone de chalandise très féminine (le quartier des grands magasins,
NDLR). Or les femmes sont la cible sur laquelle travaillent en priorité les
grandes marques leaders du sport. Nous allons donc accentuer notre ancrage sur
la mixité mode et marques de sport », note Didier Lalande. Depuis la fin mars,
des univers clairement identifiés, dont la signalétique a été améliorée,
permettent de mieux mettre en valeur l'offre par cible et par étage. Le
rez-de-chaussée du magasin est ainsi dédié à une clientèle jeune et urbaine via
l'accent mis sur les univers du “street” et du “skate”, tandis que le premier
étage est entièrement dévolu à l'homme, qu'il soit tendance hip-hop, surfwear
ou encore vintage. Les 1 500 m2 du deuxième étage sont totalement consacrés aux
femmes et accueille, outre un Nike Women Store, un espace de 100 m2 baptisé
“Shoes room” qui, comme son nom l'indique, se veut la quintessence de la
chaussure. Enfin, le troisième étage regroupe la totalité des activités
sportives urbaines. Football, running, tennis, golf ou encore fitness, le choix
sera complété en saison par le ski et le snow. « Nous avons également lancé
en mars notre site, citadium.com. Pour l'heure caisse de résonance du grand
magasin, il doit dans quelques mois devenir un site marchand qui proposera aux
internautes une sélection des marques emblématiques de l'enseigne », indique
Didier Lalande. Qui attend du site la création d'un véritable buzz autour de
l'enseigne, qui demeure discrète en termes de communication. Il est vrai
qu'hormis Décathlon, qui prend régulièrement la parole pour communiquer sur
l'enseigne et ses marques - à l'instar des récentes campagnes “tente 2Seconds
Quechua” et “ Top profilter Tribord” (agence Young & Rubicam) -, les enseignes
de sport ne brillent pas par leurs investissements grands médias. A l'exception
d'une présence radio, et cette année d'un partenariat avec le Semi-Marathon et
le Marathon de Paris, Go Sport reste prudente en la matière. L'enseigne
privilégiant le publipromotionnel qui demeure le poste clé, en hausse de 30 %
(vs. 2003), et compte sur le “bouche-à-oreille” pour communiquer sur son
nouveau positionnement. Quant au groupe Intersport, il met en œuvre en 2005 un
plan de communication destiné à doper la notoriété de l'enseigne au travers de
sponsoring et de parrainage. Le groupe a, par exemple, parrainé une nouvelle
émission événementielle et interactive, “Va y avoir du sport”, un programme
court de 1'30, diffusé chaque samedi et dimanche en access prime time sur TF1
depuis janvier 2005. Alors que le marché du sport est en pleine recomposition
- en mars dernier Quicksilver, propriétaire de l'enseigne Andaska, rachetait
Rossignol et, en mai, Lafuma se portait acquéreur d'Oxbow -, le commerce
spécialisé s'est lancé dans un sprint final où les marques assurent le
relais.
Monomarques : les industriels - distributeurs
Voilà dix ans que les réseaux de magasins monomarques ont débarqué dans l'Hexagone. Sur un marché du sport estimé à 8,7 milliards d'euros en 2004 (source FPS), 2,5 % reviennent à ce réseau de distribution qui compte environ 350 magasins. Parmi les leaders, notons Lacoste (68 magasins), Quicksilver (70) et Aigle (67), qui concentrent à eux trois 80 % du chiffre d'affaires. Si les deux magasins Nike implantés à Paris, sur les Champs-Elysées et à l'Odéon, ont tiré leurs rideaux de fer en février 2004, il semble pour autant que l'équipementier n'ait pas dit son dernier mot. Il devrait faire son retour sur les Champs-Elysées, sur une surface de 1 500 m2, dans les semaines qui viennent.
Leclerc se lance dans la course
Après s'être attaqué à la parapharmacie, à la culture, aux bijoux, au bricolage… Leclerc a inauguré en 2005 son tout nouveau concept de magasin Sport & Loisirs dont le premier point de vente a ouvert ses portes à Chambly (60) en début d'année. L'enseigne se donne pour objectif d'atteindre 5 % de parts de marché dans un secteur déjà très encombré dominé par Décathlon. Sans casser les prix des grandes marques, elle propose un système de remises jusqu'à 15 % grâce au fameux Ticket Leclerc. Les enseignes sont sceptiques, les marques aussi. A suivre…
Made in Sport, un concept multicanal
Alors que Décathlon et Go Sport ont l'une et l'autre mis un terme à leur activité e-commerce, respectivement en 2003 et 2001, c'est via le multicanal que Made in Sport ancre son concept. Alors que le réseau physique enregistrait en 2004 une croissance de 17,6 %, la vente à distance, VPC et Web, connaissait la même année une progression de 34 %. « Ce concept singulier démontre que le modèle est gagnant », note avec satisfaction Didier Lalande, directeur général du Pôle Sport de France Printemps (groupe PPR). Premier site de e-commerce spécialisé dans le secteur du sport en France, la plate-forme bilingue (anglais-français) accueille entre 400 000 et un million de visiteurs uniques par mois. Forte de son savoir-faire, Made in Sport a conclu des accords commerciaux avec des organisateurs de grands événements sportifs internationaux et quelques grands clubs de football français. Après Roland Garros, le Tour de France ou encore le PSG, l'Olympique de Marseille ou l'AS Saint-Etienne, c'est le Vendée Globe, le Dakar et le Stade Rennais qui lui ont confié la commercialisation de leurs produits dérivés sur le Web, à travers des catalogues de VPC ou encore à travers des magasins.