Salaires 2002 : le marketing dopé par la crise
Les mauvais scores économiques de l'année 2001 n'ont pas entamé la bonne santé des rémunérations des secteurs marketing et vente. L'étude MÆsina International Search démontre, au contraire, que, si la part variable des salaires a subi une érosion, la part fixe a, quant à elle, significativement augmenté grâce aux efforts de fidélisation déployés par les entreprises.
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Les spécialistes redoutaient un fléchissement des salaires du marketing et
de la vente en 2002. Il n'en a rien été. Le secteur du marketing a vu sa
rémunération moyenne augmenter de 4,9 %, pour 3,1 % au monde de la vente. Mais,
contrairement à l'an dernier où l'évolution salariale était en grande partie
due à la flambée de la part variable des salaires consécutive à l'euphorie
économique de l'année 2000, la relative bonne tenue de la tendance en 2002 est
avant tout due à la croissance de leur part fixe. Respectivement + 4,4 % pour
le marketing et + 3,7 % pour la vente. Autrement dit, ce n'est pas le marché
qui a tiré les salaires mais bel et bien les entreprises elles-mêmes en voulant
fidéliser leurs salariés. Et, tandis que l'an dernier il fallait changer
d'entreprise pour être fortement augmenté, cette année, il valait mieux rester
en poste. Le phénomène est particulièrement significatif pour le marketing qui,
comme l'indique Jean-Michel Azzi, P-dg de Maesina International Search, « est
de plus en plus considéré comme un rempart à l'avancée des marques de
distributeurs et un défenseur efficace des marques dans un contexte économique
hautement concurrentiel ».
Mais c'est aussi un secteur qui doit faire face à une relative pénurie de
spécialistes expérimentés. Pénurie qui ne devrait pas s'arranger aux dires des
spécialistes qui annoncent dans un futur proche le départ de 40 000 cadres du
marché de l'emploi en France.
Cher marketing
Les
entreprises ne veulent plus avoir à gérer l'hémorragie de cadres marketing
qu'elles ont subie, volontairement, il y a dix ans en dégraissant leurs équipes
au profit du commercial ou involontairement pendant les heures glorieuses des
start-up. « Cela les a rendues prudentes », commente Jean- Michel Azzi. Cette
volonté des entreprises est particulièrement marquée pour les managers du
marketing (middle management) et plus particulièrement pour les chefs de groupe
et chefs de produits seniors qui voient leur rémunération augmenter de 3,4 % en
fixe, contre 2,5 % l'an dernier et de 4 % au total contre 3 % en 2001. « Ils
sont expérimentés et, de ce fait, très recherchés, même sur un marché peu actif
», explique Jean- Michel Azzi. Les garder et les faire progresser est donc
beaucoup plus rentable, s'ils sont performants, que de les remplacer et de
former les nouveaux. C'est également vrai pour les équipes marketing qui
bénéficient en moyenne d'une augmentation de 4,7 % de leur salaire fixe,
équivalente à l'an dernier pour une augmentation salariale totale de 5,1 %
contre 5,3 %, en 2001. Quant aux dirigeants marketing, s'ils n'échappent pas à
la règle, ils essuient, en revanche, plus fortement que les autres la non
réalisation des objectifs en 2001. La hausse de 4,2 % de leur salaire fixe est
certes supérieure d'un point à celle de l'an dernier.
Mais leur
salaire total n'augmente que de 2,9 % contre 3,5 % de 2001. Plus du tiers
d'entre eux (34 %) ont même vu leur salaire global baisser. Contre 17 % l'an
dernier. « C'est une conséquence typique d'un niveau d'objectifs trop élevé à
la fin de l'année 2000 et que l'année 2001 difficile, particulièrement sur le
deuxième semestre, n'a pas permis de réaliser », explique Jean-Michel Azzi.
Mais l'effet boomerang de l'euphorie 2000 a surtout marqué les fonctions
commerciales. Dirigeants commerciaux en tête qui voient non seulement fléchir
leur augmentation de salaire fixe à 4,1 %, en 2001, contre 2,7 %, en 2002, mais
surtout leur salaire global passer d'une augmentation de 6,2 %, en 2001, à même
pas 3 %, en 2002 (2,6 %) ! Un tiers d'entre eux ont vu leur salaire baisser
contre 6 % seulement l'an dernier. Les équipes sur le terrain ne font pas
exception à la règle. Elles voient l'augmentation de leur fixe passer de 3,5 %,
en 2001, à 3,1 %, en 2002, et leur salaire total ne plus évoluer que de 2,5 %
contre 4,7 % l'an dernier. Les managers arrivent à esquiver le coup en
maintenant un bon rythme de progression pour leur salaire fixe qui augmente de
4,1 % contre 2,6 % l'an dernier ce qui atténue d'autant la baisse de régime de
leur salaire total qui réussit à augmenter de 3,9 % contre 4,2 % en 2001.
Seule la
fonction de responsable grands comptes (comptes-clés) arrive à tirer son
épingle du jeu avec une progression de salaire total de 4,7 % contre 3,5 % en
2001. Cette fonction bénéficie, depuis deux ans déjà, de sa composante
relationnelle qui lui permet d'échapper au dictat du critère quantitatif des
autres fonctions opérationnelles. Comme le souligne Jean-Michel Azzi, « cette
fonction bénéficie de la part grandissante du poids des clients qui tendent à
travailler de manière plus centralisée ». Dans une moindre mesure le directeur
national des ventes tire également parti de sa forte dominante "client" dans un
registre plus terrain. Car il se positionne de plus en plus comme le garant de
l'harmonie entre la politique nationale de chaque client et les nouvelles
missions des hommes sur le terrain.
Temps variable et incertain
L'année 2001, malgré son
caractère décevant, n'a toutefois pas enrayé l'accroissement de la part
variable dans la rémunération totale. Et, même si la France fait figure de
mauvais élève européen en la matière, elle rattrape régulièrement son retard
depuis dix ans. « C'est vrai qu'en n'atteignant pas les objectifs quantitatifs,
particulièrement élevés, fixés pour 2001, la part relative du variable a baissé
en 2002. Mais son niveau n'en reste pas moins élevé », rappelle Jean-Michel
Azzi. Ils sont plus de 61 % des dirigeants et managers marketing à en
bénéficier et jusqu'à 77 % des directeurs du marketing. Le phénomène touche
également plus de quatre jeunes marketers sur dix (43 %) dans les équipes.
Quant à la fonction commerciale, 70 % des dirigeants et 92 % des cadres en
bénéficient. Les fonctions de support étant, de ce point de vue là, traitées
comme celles du marketing. Il est surtout intéressant de constater que les
types d'objectifs utilisés deviennent de plus en plus complets. Et, si les
traditionnels critères quantitatifs snt encore légion, ils sont de plus en plus
complétés par des paramètres qualitatifs comme la rigueur et l'organisation,
l'esprit d'équipe, l'écoute... Des critères qui ne sont pas sans poser quelques
problèmes d'évaluation. « Ce système peut très bien se transformer en "fait du
prince", si les ressources humaines n'ont pas le niveau de compétence adéquat
», avertit Jean- Michel Azzi. L'évaluation de la part du salaire variable prend
donc de plus en plus d'importance dans un contexte où l'entreprise doit
remotiver et fidéliser ses troupes. « Nous avons constaté que le salaire
n'arrive qu'en troisième position des attentes des salariés derrière le contenu
du poste, le contexte dans lequel évolue l'entreprise et sa bonne santé.
Mais
aussi les conditions de travail et l'avenir de la société », observe
Jean-Michel Azzi. Un contexte dans lequel la participation légale a toute sa
place. Cette année, elle atteint un niveau moyen de 7 % du salaire total par
an, soit l'équivalent d'environ un mois de salaire. Un quart des sociétés de
l'échantillon ont payé un mois et demi de salaire cette année. Des taux jugés
raisonnables par Jean-Michel Azzi, et à peu près cohérents qui leur permettent
de fidéliser les cadres et de contribuer à les attirer. Les stock options, en
revanche, très prisées lors du boum des start-up, si elles restent un bon outil
de fidélisation quand tout va bien, décrochent quand le cours des actions
baisse comme c'est le cas général en ce moment. L'outil devient alors
contre-performant avec des salariés qui veulent compenser le montant non gagné.
« Ce type d'outil demande donc à être proposé à des cadres avertis. Et suppose
un minimum de formation », remarque Jean-Michel Azzi.
Des services financiers plus relationnels que jamais
Analysée sous l'angle sectoriel, l'année 2002 ne bouscule pas les
fondamentaux du marché. Seul le secteur de la Banque et des Assurances crée une
petite surprise en consacrant le marketing direct et relationnel. Ce qui
favorise les salaires des responsables du marketing direct et du directeur du
service clientèle. Sinon, l'Agro-alimentaire continue de s'imposer comme le
royaume privilégié du marketing, qu'il s'adresse aux consommateurs ou aux
distributeurs. Les salaires y sont au-dessus de la moyenne (+ 8 à + 11 %), y
compris chez les category managers ou les comptes-clés et responsables des
grandes enseignes.
Ces derniers se structurant de plus en plus en véritable équipe. Mais ce sont
encore les grands groupes des secteurs de l'Hygiène, de la Cosmétique et de la
Pharmacie qui paient le mieux. Et ce, toutes catégories confondues, hormis
l'export puisque ces sociétés disposent de filiales. Les biens semi-durables
constituent toujours un secteur dont la rentabilité est moyenne, ce qui se
traduit dans le niveau des salaires, excepté celui des postes de négociation
commerciale. En ce qui concerne les secteurs business to business,
l'Electrique, l'Electronique, la Bureautique et l'Informatique perdent
définitivement leur superbe. Après avoir flambé pendant deux ans, ils
reviennent à des niveaux de salaires plus raisonnables. Seuls les responsables
des grands comptes continuent de se situer à des salaires 25 % supérieurs à la
moyenne. Les groupes de Chimie, Parachimie et Plastiques continuent, quant à
eux, de valoriser, au-dessus de la moyenne, l'ensemble des fonctions hormis
celle de terrain et d'export. En revanche, les secteurs techniques comme la
Métallurgie, la Mécanique et l'Automobile continuent de mieux payer leurs
ingénieurs que leurs marketers ou commerciaux. Le bilan de l'année 2001
surprend donc par son bon comportement. Mais il pose la question de
l'évaluation des parts variables et, plus largement, celles de la fidélisation
et de la motivation des salariés. Un problème d'autant plus épineux dans un
contexte où les spécialistes ne sont pas légion et où le caractère très
incertain de l'économie semble parti pour durer. Les résultats de la précédente
étude Salaires Maesina-Hewitt sont parus dans le numéro 63 de Marketing
Magazine (octobre 2001)
Méthodologie
Cette vingt-troisième étude "Salaires Marketing Vente" de Maesina International Search, en partenariat avec Hewitt Associates, a été réalisée à partir des déclarations effectuées par les responsables des ressources humaines de 126 entreprises de toutes tailles et de tous secteurs. Les rémunérations individuelles de 4 414 dirigeants et managers ont été prises en compte. La "rémunération globale" correspond au brut annuel 2002 pour le salaire fixe auquel s'ajoutent les rémunérations variables effectivement touchées au titre de l'année 2001 par les titulaires, à l'exception de la participation légale et de l'intéressement collectif. 27 fonctions différentes sont représentées - 23 dans l'univers marketing (10), vente (11) et communication (3), 3 dans celui des achats. 7 grands secteurs ont été étudiés. Marketing Magazine propose ici une sélection de fonctions et de secteurs ; l'ensemble de l'étude étant, bien sûr, disponible auprès de MÆsina International Search.