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Roulez perso !

Le Mondial de l'Automobile a consacré un hall entier à l'informatique embarquée : le Cyber H@ll. Pour échapper à la standardisation de l'offre, le combat au sommet entre constructeurs vise désormais l'automobiliste, voire le passager, et non plus l'automobile. Dominique Beaulieu, président d'Affiniteam, nous conduit en voyage à la carte.

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A quoi ressembleront les véhicules de demain ? Difficile de perdre nos habitudes : même Luc Besson, dans Le Cinquième élément, fait crisser au freinage les pneus de ses taxis aériens ! Seule certitude : truffée d'électronique, notre voiture sera "communicante". Elle nous connaîtra et s'adaptera à nos préférences. Elle veillera à notre sécurité et à la sienne, captera et exploitera des données issues de son environnement, du constructeur, du conducteur ou des fournisseurs de contenu, et émettra à son tour des demandes selon le contexte où nous nous trouvons. Par définition, cette voiture du futur ne se trouve pas chez votre concessionnaire. Mais le foisonnement d'initiatives actuelles en esquisse les contours. Conjuguant Internet, UMTS et Wap, le GPS (localisation par satellite) et la synthèse vocale, elle devient un outil de marketing relationnel qui allie trois domaines : - des portails d'information sur Internet, - le confort et la sécurité de conduite, - l'aide contextuelle du conducteur. La relation commence dès votre domicile, où des portails personnalisés vous aident à préparer votre voyage. Avant de partir en vacances, indiquez votre destination, vos centres d'intérêt culturels, touristiques ou festifs ; votre véhicule vous guidera vocalement, et signalera au fil de votre déplacement la proximité d'un château, d'un vignoble ou une possibilité de dégustation. Décrivez sur Carpoint.com à la rubrique "All about My Car", votre type de véhicule, son kilométrage actuel et votre rythme de consommation. Le site vous alertera lorsqu'il aura besoin d'être révisé. Autobytel.com, à la rubrique "mygarage", renseigne lui aussi un agenda personnalisé : date de renouvellement de votre police d'assurance, seuils d'alerte d'entretien, plan de route de votre voyage, etc. En entretenant la relation au-delà de la vente, ou en amont de l'achat, ces sites représentent une menace pour les distributeurs automobiles qui, bien souvent, ne voient leurs clients que tous les sept ans. C'est pourquoi ils prennent leur destin en mains. Pour Jean de Chambure, auteur de l'étude "La voiture communicante" pour l'Atelier BNP-Paribas, « les constructeurs deviennent des opérateurs de service ». Ils vont vous garder "branché" tout au long de la vie du véhicule, prenant en charge les mille et un détails pratiques qui en jalonnent l'utilisation quotidienne. Aux Etats-Unis, le précurseur Onstar (consortium General Motors, Bell Atlantic et GTE) équipe près de 300 000 automobiles. Au rythme de 1 000 nouveaux abonnés par jour, il compte atteindre 4 millions de clients en 2003, et offre plus de 250 services : des services de télé-sécurité assistent en cas de panne, permettent d'ouvrir son véhicule grâce à un mot de passe communiqué à distance, etc.

Du "coupé" au "câblé"


Grâce au GPS (Global Positioning System), le conducteur pourra identifier le médecin, la station-service ou le restaurant le plus proche. En Europe, le système d'appel au secours sera obligatoire dès 2003. Les constructeurs se transforment tour à tour en assureurs, banquiers, mécaniciens ou syndicats d'initiatives. Peugeot a pris de l'avance en lançant avec sa 607 un centre d'appels, véritable système d'écoute convertissant les réclamations ou observations en précieuses données marketing. PSA Peugeot Citroën et Vivendi se sont associés pour proposer avec "Egery", l'accès à de nouvelles facilités : réservation d'hôtel, optimisation d'itinéraire... Le multimédia gagne chaque parcelle. Une musique vous intéresse ? Cliquez ! Le module "Egery" retient l'heure et la fréquence du morceau, et vous communiquera ses références dès votre retour sur votre espace personnel. Sur votre trajet quotidien, votre voiture vous parle et optimise votre itinéraire en fonction du trafic, lit vos e-mails et déniche une place de parking. Lors de trajets occasionnels, le parcours suggéré est matérialisé à l'écran et dicté par synthèse vocale. Vous êtes maintenant à bord de la Xsara Windows CE, lancée conjointement par Citroën et Microsoft. En disant à voix forte "AutoPC", le système s'enclenche et attend vos ordres. Mais la reconnaissance vocale n'est pas totalement au point : s'il faut s'égosiller pour allumer la radio en stationnement, on peut s'interroger sur la façon dont on éteint son poste à 130 km/h sur autoroute ! La Mercedes Classe S se transforme en véritable bureau nomade : GSM, écran internet, télécopieur, tablette PC rétractable, 2 DVD à l'arrière sur des écrans qui se déploient du plafonnier... Elle retient vos préférences et ajuste automatiquement l'inclinaison des sièges, les paramètres de climatisation, le réglage des rétroviseurs... L'idéal pour fidéliser un client : changer de marque obligerait à tout reprogrammer. Mais ce n'est pas encore la voiture de Monsieur Tout le Monde. Le tableau de bord du futur pourrait bien ressembler au cockpit présenté par Siemens : le "Spirit", accessible les mains sur le volant, en toute sécurité. Un "touch pad" inséré au centre du volant reconnaît des formes comme les lettres, permettant de naviguer dans des répertoires téléphoniques. Une mini-caméra intégrée dans le cockpit permet de réaliser des visioconférences, mais aussi la vidéo-surveillance de l'habitacle. Pour l'accès à bord, pas besoin de clé de contact ! Une carte privative Siemens dans la poche suffit à déverrouiller les portes en s'approchant de la Mercedes Classe S. Mais une carte se vole, Siemens introduit donc la biométrie et vous identifie grâce à un capteur d'empreintes digitales. Un accident ? La touche SOS liée au capteur de choc déclenche une webcam, située dans l'angle entre la portière et le pare-brise, qui prend en temps réel une image du cockpit, donnant des indications sur l'état du véhicule et des passagers. Un module d'ambiance règle le faisceau des lumières. Des entreprises comme CAA préparent l'ergonomie des futurs tableaux de bord : - des éléments de confort : climatisation, ventilation, position du siège ou aide au stationnement (lorsque vous vous garez, un détecteur de proximité avant-arrière signale la distance par rapport à un obstacle) ; - l'accès à un répertoire téléphonique relié au téléphone ; - la navigation : itinéraire, carte routière, informations sur le voyage ; - "on line" : vous accédez à vos e-mails, vos adresses préférées, le Wap, Internet... Pour Yann Bouler, responsable du véhicule communicant chez Renault, « les idées et la technologie ne manquent pas, mais pas au détriment de la sécurité ». Il examine avec méfiance les gadgets qui pourraient détourner l'attention du conducteur, tels ces "skins", ces tableaux de bord dont on peut varier le décor à l'infini, qu'ils s'agisse des couleurs ou des cadrans. La crédibilité d'un constructeur opérateur de service lui impose de se centrer sur son métier : sécurité-ergonomie, collecte d'infos (fermer sa voiture à distance avec code). Si la Laguna offre en option des DVD munis d'écrans dans les appuis-tête, il est convaincu que « les objets nomades seront apportés par le passager » et préfère se concentrer sur le poste de conduite. « Renault a lancé Odysline, il y a un an et demi, mais ce n'est encore qu'un galop d'essai : cette option n'est montée que par le réseau de concessionnaires. Un SOS automatique en cas d'accident, d'apparence simple, reste complexe dans son traitement : les données du véhicule doivent être collectées, envoyées sur un serveur, transformées en données utilisables, puis affectées au personnel de secours : pompiers, SAMU, gendarmerie, les trois ensemble, voire les services civils. » Renault étudie trois approches : la sécurité, en intégrant de nouveaux objets, le marketing relationnel ou l'opportunité d'enrichir la relation client, et des sources directes de revenu. Mais ces dernières imposent des alliances, ne serait-ce que pour accompagner par radio guidage un client qui descendrait de voiture pour poursuivre à pied. La technologie Bluetooth permet d'échanger des informations "sans fil" entre les différents appareils. Vous pourrez, par exemple, entamer une conversation dans la rue sur votre mobile et la poursuivre à bord de votre véhicule sur les haut-parleurs et le micro internes.

Même le bitume deviendra intelligent


Cofiroute passe de gestionnaire de bitume à animateur de voyage : la fréquence radio 107,7 donnait déjà des informations sur le trafic. Le projet Aida ambitionne d'alimenter des émetteurs de courte portée, mais l'infrastructure au sol est très chère et nécessiterait des récepteurs radio standardisés. Le client définira ses préférences de chez lui. Grâce à des émetteurs installés le long des autoroutes, il sera alimenté en informations. "Le restaurant que vous atteindrez vers 12 h 30 est un McDo qui offre aujourd'hui un CD". Ce modèle de m-commerce n'affecterait pas la concentration du conducteur, et concilierait des émetteurs à courte portée, la personnalisation et le commerce dynamique de proximité. Au Japon, des webcam estiment le trafic aux principaux carrefours. "Monet" (Mobile Network) de Toyota diffuse ces images vers des centaines de milliers d'utilisateurs. Lors d'une expérience conduite au Royaume-Uni, Trafficmaster a déployé 100 000 véhicules munis de boîtiers télématiques, qui remontaient des informations sur la circulation destinées à être revendues à des portails internet (comme Vauxhall) ou des stations radio. En France, le SIER collecte de telles informations sur la région parisienne. Media Mobile, détenue à 23 % par Renault, renforce cette information avec des taxis, des capteurs privés et des capteurs régionaux. En Suède, le concept de wireless car, de la joint venture Volvo-Telia-Ericsson, se concentre sur les flottes automobiles en personnalisant le suivi du parc de véhicules : télé-collecte du kilométrage, de la consommation, des informations relatives aux révisions. Autre piste : une puce de quelques dollars pourrait détecter la proximité de véhicule à véhicule, mais cela suppose une entente entre tous les acteurs qui n'est pas d'actualité. Les constructeurs investissent lourdement sur Internet pour refondre les relations avec leurs fournisseurs, leurs concessionnaires, leurs collaborateurs et leurs clients. La voiture communicante va sans doute s'imposer, comme l'ABS ou les airbags se sont généralisés. Mais le frein n'est pas seulement économique. La vision de nuit ou les capteurs de pluie ont peut-être plus d'avenir qu'un James Bond embarqué. Au-delà, peut-être apprendrons-nous l'italien dans les embouteillages... L'arbitre final étant de toute façon le client.

Dominique Beaulieu dbeaulieu@affiniteam.com

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