Retour à l'origine?
Le discours sur «l'origine» des marques réapparaît. Ipsos Marketing s'est interrogé pour Marketing Magazine sur ce qu'évoque ce concept chez les consommateurs.
Je m'abonneREMY OUDGHIRI, DIRECTEUR DU DEPARTEMENT TENDANCES ET PROSPECTIVE, IPSOS MARKETING
L'idée d'un «retour à l'origine» est dans l'air du temps. Le récent succès du film de Sean Penn Into the Wild, qui se prolonge aujourd'hui dans les librairies avec l'ouvrage de Jon Krakauer en sont des symptômes révélateurs. C'est justement une des questions qu'Ipsos Marketing a posée en septembre dernier, pour Marketing Magazine, à un échantillon de 500 personnes représentatif de la population française. Sous la triple pression de la crise du pouvoir d'achat, de la sensibilité croissante au développement durable et de la place grandissante de la santé dans nos préoccupations, l'idée d'en revenir à des produits plus «proches» de l'origine, plus naturels, plus authentiques, moins pollués, fait son chemin. On valorise ainsi les produits fabriqués avec des matières brutes, originelles, sans ajouts artificiels. On commence à réactiver les discours sur l'origine de la marque, concept dont la déclinaison et le potentiel paraissent importants.
Le produit plutôt que la marque
La notion d'origine évoque avant tout la fabrication des produits. C'est ainsi la provenance des ingrédients ou des matériaux de fabrication qui est mise en avant par 60% des personnes interrogées quand on leur parle d'origine. Le pays où le produit a été fabriqué est aussi très présent à l'esprit puisqu'il est cité par 50% de l'échantillon. Le «pays» plutôt que la «marque» qui est évoquée par un quart des consommateurs. C'est bien la notion de «made in» et non l'imaginaire national qui est évoqué ici. Quant à l'histoire de la marque, elle est évoquée par seulement 6% des personnes interrogées. Cette tendance intéressante est à noter, car le chiffre n'est pas négligeable: les «conditions sociales et écologiques dans lesquelles a été fabriqué le produit» sont en effet citées par 14% de l'échantillon. Une preuve de plus que la problématique de la responsabilité sociale émerge comme un axe d'innovation important pour le futur.
Quand on y regarde de plus près, on s'aperçoit que l'attention portée à l'origine diffère en intensité selon les catégories. Sans surprise, les produits frais sont scrutés par les consommateurs, qui se soucient énormément de leur origine. C'est en particulier le cas des viandes et des charcuteries ainsi que du poisson et des fruits de mer. Respectivement 60% et 55% des personnes interrogées y font «tout le temps» attention. Viennent ensuite trois catégories emblématiques: les fruits et légumes, l'automobile et les alcools et vins. Entre 40 et 45% des Français déclarent y faire «tout le temps» attention. De plus, l'attention portée à l'origine de certains secteurs ou catégories - comme les produits gourmets, les jouets, les produits surgelés et les technologies - est significative sans être prépondérante.
Comment le rapport à l'origine a-t-il évolué dans la période récente? Globalement, les personnes interrogées affirment être plus vigilantes qu'avant. Les produits dont ils vérifiaient déjà l'origine, comme les produits alimentaires frais, sont encore plus surveillés. L'origine des fruits et des légumes fait l'objet d'une attention croissante. Est-ce un effet de la prise de conscience écologique et du désir croissant de respecter le cycle des saisons?
Un impératif sécuritaire
Trois catégories font l'objet d'une vigilance accrue: les jouets, les produits gourmets et les surgelés. L'impact médiatique d'affaires relatives à certains jouets défectueux ou encore à la rupture de la chaîne du froid explique en partie cette tendance à la hausse. Derrière cette surveillance accrue, on assiste à une réelle anxiété.
L'origine, avant d'être un mythe ou un mode de vie, est une sécurité. Dans l'esprit des consommateurs, faire attention à l'origine des produits, c'est se protéger contre d'éventuels risques sanitaires ou des vices de fabrication. Avant de faire rêver donc, l'origine rassure. Les stratégies de mise en avant de ce concept ne peuvent pas se contenter de souligner un mythe ou une histoire. En ces temps de consommation sous haute surveillance, il faut apporter des preuves de fiabilité et de sécurité.