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Réfléchissons à une autre forme de croissance

La marque U se décline désormais sur Télémarket et confirme les engagements de l'enseigne en faveur d'une agriculture raisonnée. Serge Papin, p-dg de Système U, explique le positionnement de la marque enseigne préférée des consommateurs depuis 11 ans.

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A la tête de la quatrième enseigne de distribution, vous disposez d'un poste d'observation incomparable sur la consommation... Faut-il s'attendre à une stagnation de la consommation en 2012?

Serge Papin: Ce que nous vivons actuellement avec la crise de la dette s'inscrit dans la continuité d'un marasme général qui dure depuis des années. Nous sommes entrés dans l'ère du «consommer moins, consommer mieux» (NDLR: titre du livre écrit en 2009 avec Jean-Marie Pelt). En 2008, le baril de pétrole au-dessus des 100 dollars et le litre d'essence à plus de 1,50 euro ont créé un choc, une rupture. Ajoutez à cela le Grenelle de l'environnement, qui a donné lieu à une prise de conscience générale.

Résultat, les consommateurs ont décidé de joindre l'acte à la parole. Ce qu'ils disent désormais est simple: on veut prendre plaisir à manger, respecter la planète, prendre soin de notre santé et surtout ménager notre portefeuille! Le salut de l'économie ne passe plus par la recherche d'une croissance à tout prix. Réfléchissons plutôt à une autre forme de croissance. Les clients n'achètent pas plus et dépensent plutôt moins. La progression de notre chiffre d'affaires se fait en gagnant de nouveaux clients, pas en augmentant le panier moyen, qui reste stable. Les consommateurs utilisent tous les leviers pour garder leur pouvoir d'achat en révisant leur façon d'acheter. Sur le segment de l'alimentaire, on arrive à un point d'inflexion. Depuis plus de 30 ans, les Français font de la nourriture la variable d'ajustement de leur budget. Ils y consacraient 30 % de leurs revenus dans les années soixante. Ce chiffre n'est plus que de 12%, selon l'Insee.

Parallèlement, les ménages consacrent une part croissante de leur budget au transport (14 %) et au logement (25,5 %)! Aujourd'hui, les consommateurs se rendent compte que leur bien-être passe par la façon dont ils se nourrissent. Leur bien-être physique, mais aussi psychologique et économique (via des productions locales... ).

Dans la distribution française, Système U faisait figure d'outsider, il y a cinq ans. Vous êtes-vous affranchi de cette image de «régional de l'étape»?

En 2011, pour la cinquième année consécutive, nous gagnons des parts de marché (+3 % sur l'année). Il est même possible que nous passions pour la première fois la barre des 10 % durant le mois d'août 2011 (contre 6,4 % en 2000). Avec 1 424 magasins, soit 17 de plus qu'à la fin 2010, notre chiffre d'affaires devrait progresser de 5,5 à 6 %, pour atteindre 16,6 milliards d'euros (hors carburant). Et nous bénéficierons, à partir du mois de janvier prochain, du ralliement de Coop Atlantique (qui réalise 700 millions d'euros de chiffre d'affaires).

Notre stratégie, qui consiste à tenter d'acquérir une stature nationale, porte ses fruits. Notre groupement d'indépendants n'a jamais été aussi compétitif en termes de prix. Nous talonnons Leclerc en la matière, d'après IRI-Secodip, et nous voyons encore augmenter le nombre de nos nouveaux clients. Fin 2011, nous en aurons conquis plus de 800 000. Il faut encore attendre les résultats des fêtes de fin d'année.

L'an prochain, nous pourrons rejoindre définitivement le club des enseignes à plus de 10 % de part de marché. Et nous sommes toujours l'enseigne préférée des Français - c'est le cas depuis onze ans -, selon Distrivision, TNS Sofres. La constance de notre stratégie nous réussit.

Sommes-nous entrés dans l'ère de la «déconsommation», du troc, de la récupération?

Les consommateurs vont moins vers le discount (dont les parts de marché baissent) et plébiscitent le rapport qualité-prix. Les formes de marketing trop artificielles, les fausses innovations... nos clients s'en détournent. Les marques font d'ailleurs preuve d'une certaine prudence depuis trois ou quatre ans.

Dans nos magasins, des tendances très nettes se dégagent. En faveur du bio, par exemple, ou des produits U. Avec ceux-ci, nous montrons notre engagement en faveur d'une production et d'une transformation raisonnées, qui cherchent à concilier production intensive et écologie. Une troisième voie existe, entre le productivisme et «l'élitisme» du bio et les clients y sont sensibles. D'ailleurs, c'est cette idée que défend Nicolas Sarkozy. Selon le président de la République, l'agriculture française doit prendre le leadership sur la qualité et non pas seulement sur les prix, où la concurrence mondiale est forte.

Les consommateurs veulent gagner du temps... Quels sont les formats qui ont le plus d'avenir, selon vous?

Avec l'évolution des modes de vie, l'éclatement de la famille, la réduction des surfaces d'habitation qui rend difficile l'entreposage des marchandises... le grand hypermarchéLa définition historique de l'hypermarché (magasin de plus de 2 500 m2) ne correspond plus aux repères utilisés par les professionnels. La plupart des groupes distinguent généralement les supermarchés (de 1 500 à 4 000 m2), les petits hypermarchés (entre 4 000 et 6 000 m2), les moyens (entre 6 000 et 10 000m2) et les grands hypermarchés (plus de 10 000 m2)., celui de plus de 10000 m2, est incontestablement à la peine. Les consommateurs se sont lassés des offres exceptionnelles, de ces promos par lots qui vous obligent à stocker vos achats en trop grande quantité. L'hypermarché est pris en sandwich entre les enseignes spécialisées de textile, de bricolage, les Zara, Boulanger, Fnac, et les spécialistes de l'alimentaire, comme nous.

L'acquisition de Télémarket enjuin dernier et les 420 Drive accolés à nos magasins, renforcent notre dispositif multicanal et multiformat. Avec nos deux pôles, l'un discount (les Super U et Hyper U) et l'autre de proximité (Utile et U Express), nous sommes clairement en phase avec les attentes des consommateurs. Nous leur proposons des formules complémentaires. CoursesU.com offre, par exemple, autant de choix qu'en magasin (10000 références). Et les marchandises peuvent être livrées directement ou commandées et enlevées dans nos points Drive.

Quels sont vos projets de développement pour le drive et l'e-commerce?

Concernant le drive, que nous avons développé petit à petit, discrètement, nous devions être rentables à partir de 400 sites. C'est aujourd'hui le cas et nous sommes même en tête des opérateurs de ce format en termes de chiffre d'affaires. Même si notre formule est différente du drive pur et dur, avec des points de vente déportés. Notre ambition est d'atteindre 600 points de vente d'ici cinq ans. Pour éviter la confusion avec notre site, CoursesU.com, nous réfléchissons à prendre prochainement le nom d'U-Drive. Quant à Télémarket, nous voulons en faire un tremplin pour conquérir la capitale. Nous ne disposons que d'une cinquantaine de magasins à Paris et dans la moyenne couronne. Cette acquisition constitue donc une double aubaine. Financière, d'abord: Télémarket n'a en effet jamais fait de bénéfices depuis 1986. Opérationnelle ensuite: notre réseau y trouve l'occasion d'acquérir les méthodes et les technologies issues d'Internet. Nos meilleurs magasins, comme celui de Pertuis (Vaucluse) - 700 commandes par jour - ne réalisent encore que 5 % de leur chiffre d'affaires via l'e-commerce. Mais l'offensive est lancée. Depuis la rentrée, U-Télémarket propose des produits de marque U. 9 000 références, contre 6 000 auparavant, et baisse des prix de 10 %. D'ici trois ans, notre objectif est de doubler le chiffre d'affaires, pour atteindre 100 millions d'euros.

La marque U, dites-vous, est une marque enseigne. A-t-elle vocation à être une marque globale?

Bien sûr. Pourquoi globale? Parce qu'en général, une marque se définit d'abord grâce aux produits. Avec la marque U, c'est différent. Nous sommes impliqués dans la production et la transformation, via nos MDD et dans la société au travers de nos engagements «Pour l'emploi, la santé et l'environnement». C'est ce qu'exprime notre base line, «le commerce qui profite à tous». Notre modèle économique n'est pas prédateur. Les bénéfices de nos magasins, par exemple, sont réinvestis localement. Le seul centre de profit, c'est le magasin qui réinvestit localement ses profits. Ils ne servent pas à alimenter des fonds d'investissement. Pour nous, qui sommes des commerçants indépendants, la personne qui pousse le chariot est plus importante que le chariot qu'elle pousse.

Quel est le positionnement des produits de marque U? Quelle est leur part dans votre activité?

La marque U s'intéresse aux trois facettes d'un individu: le consommateur (qui recherche un produit), le client (qui est habitué à un magasin) et le citoyen (qui est attaché au pays dans lequel il vit). Nous jouons sur les trois registres. Depuis quatre à cinq ans, j'ai beaucoup oeuvré pour que nous développions nos marques propres. U se veut une marque responsable. Nous visons à remplacer, par exemple, certaines substances qui font polémique. C'est le cas du paraben ou des sels d'aluminium dans les cosmétiques. Nos équipes, qui travaillent sur les MDD (plus d'une quarantaine de personnes), ont identifié 80 substances qui font débat. Nous cherchons des solutions pour proposer des produits moins sujets à interrogation. Nous avons aussi pris le parti d'un certain patriotisme agricole. Nous n'achetons, pour nos produits U, que du lait et du porc qui viennent de France, y compris pour nos produits U transformés. Par exemple, notre centrale a un accord avec Biolait, principal producteur de lait bio en France. 85 % des PME qui fabriquent nos produits sont françaises.

Système U a été la première enseigne à franchir le pas de la pub TV. Allez-vous accentuer votre pression publicitaire sur les grands médias nationaux?

Le groupe U veut augmenter sa part de voix. En principe, notre budget médias devrait suivre l'évolution de notre chiffre d'affaires. Mais il se pourrait que l'an prochain, il progresse plus vite, soit une hausse supérieure à 5 %. Nous voulons être cohérents, avec notre stratégie d'image et continuer d'investir sur le corporate, en utilisant des exemples concrets de nos engagements comme avec les producteurs de Biolait ou la coopérative Triskalia, pour la fourniture de légumes surgelés, produits en respectant les règles d'une agriculture raisonnée «Agri-Confiance».

De la même manière, nous avons renforcé nos équipes communication et marketing depuis deux ans. Guillaume Dumarché est désormais à la tête de tous nos services marketing. Ceux-ci regroupent une cinquantaine de personnes: le marketing point de vente (pour les concepts et les magasins), le marketing client (qui s'occupe des programmes de fidélité) et le marketing produit. Quant au service études, il a vocation à être transverse.

Parcours

1955: Naissance à Saint-Gilles-Croix-de-Vie (Vendée).
1975: Formation à la CCI de Nantes.
1975: Promoteur de vente à Unico.
1983: Serge Papin reprend le magasin U de Chantonnay.
1998: Il rejoint Fleury-Michon.
1999: Il revient au sein de Système U.
2003: Vice-président de Système U.
2005: P-dg de Système U.

Chiffres clés

Chiffre d'affaires 2010 19,4 MdEuros avec carburant
Part de marché 9%
Magasins 1424
Enseignes:
Discount: Hyper U, Super U
Proximité: Marché U, U Express et Utile
Nombre de références en magasin 10000
Marques propres: 9000 références U Saveurs, U bio, U écologique, By U, Bien Vu.

Régine Eveno, Amelle Nebia

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