Reebok se réinvente grâce à l'innovation
Très présente aux Etats-Unis, la marque Reebok revient sur le devant de la scène en 2010, grâce à un nouveau positionnement et au lancement de produits hautement techniques. Racheté par Adidas en 2005, l'inventeur du step entend ainsi prendre des parts de marché.
Je m'abonneReebok constitue la référence fitness des années quatre-vingt. Comment a-t-elle évolué depuis?
Guillaume de Montplanet:
Reebok, dont le nom rappelle celui d'une variété d'antilopes sud-africaines, les rheboks, est une vieille marque anglaise née en 1895. Elle a été rachetée en 1979 par son distributeur américain, Paul Fireman, devenu entre-temps plus important que la maison mère. La marque a des racines anglaises et une culture américaine. La première innovation de Reebok date de 1982, année durant laquelle a été lancée la première basket exclusivement féminine, baptisée Reebok Freestyle. Elle s'adresse aux femmes pratiquant une gymnastique qui sera bientôt à la mode: l'aérobic. Encore aujourd'hui, dans notre collection, c'est un grand classique. On a vendu plus de 30 millions de paires dans le monde. Les années quatre-vingtdix représentent l'âge d'or pour Reebok, dans le tennis et le basket, avec une grande avancée technologique: la Pump. Une paire de chaussures qui s'adapte parfaitement à la forme du pied.
En 1994, nous étions numéro un mondial des marques de sport.
Mais nous avons été très fortement concurrencés par Nike et Adidas, notamment dans le domaine du football. Un sport qui n'était pas prioritaire pour nous.
De plus, nous avons raté le marché des baskets de rue. A partir de 2002, Reebok a connu un déclin mondial. Le nom avait tout simplement vieilli avec ses consommateurs. Nous avons donc cherché à le rajeunir, en créant RBK, un mix sport et musique. Est alors née la campagne «I am what I am», en 2005. Elle ciblait les 17-24 ans. L'erreur a été de changer notre nom, un préjudice pour une marque centenaire!
A la fin de l'année 2005, Reebok a été racheté par Adidas. C'est là le début d'un repositionnement sur nos fondamentaux. Aujourd'hui, le travail commence à porter ses fruits.
Quel est le slogan de la marque aujourd'hui?
«Reethink, Reesport, Reejoy Reebok». C'est une nouvelle signature que nous avons mise en place cette année, en partenariat avec l'agence DDB. Elle traduit la notion de renouveau et de révolution. Une base line qui nous permet d'être plus cohérents dans notre communication.
Comment existez-vous dans l'ombre d'Adidas (numéro deux mondial), médiatiquement très exposé?
C'est le numéro deux qui a racheté le numéro trois, donc deux acteurs de taille importante.
Reebok est une des quatre grandes marques de sport mondiales, même si Adidas est six fois plus important que nous.
Nous avons conservé une structure internationale spécifique, dans chaque pays. Et il est hors de question que le nom disparaisse.
Concernant la nature de l'échange, Adidas a mis de gros moyens pour relancer Reebok. Le groupe allemand est une machine à gagner, en termes de process et d'organisation. Une aubaine pour nous. De notre côté, nous avons apporté la liberté, l'impertinence, la flexibilité et la réactivité à Adidas, qui demeurait culturellement très normée. C'est la marque des fédérations et de l'olympisme.
Le rachat a été douloureux et émotionnellement fort, mais aujourd'hui, nous reconnaissons que cela a permis d'accélérer la reprise de Reebok.
Quel est le pays de référence de Reebok?
Les Etats-Unis restent le marché le plus important. Reebok est l'équipementier des ligues de football américain, du hockey et du base-ball. Ainsi, nous sommes très visibles sur ces terrains, qui pèsent environ 30 % du chiffre d'affaires mondial. C'est le marché maison. Dans d'autres pays, l'histoire peut rejoindre le sport. C'est le cas en Inde, où Reebok détient 51 % de PDM grâce au cricket, d'origine anglaise.
Dans le classement LH2, est-ce que Reebok est redevenue une marque populaire et appréciée de ses consommateurs?
Adidas est la marque préférée des Français, tous secteurs confondus. Mais devant Puma et Lacoste, Reebok parvient à faire sa place et progresse même (13e marque cette année, contre 24e en 2008, la plus forte progression du panel) , validant ainsi son positionnement.
Quelle est votre cible?
Les consommateurs qui pratiquent le sport pour se maintenir en forme et avoir une vie active.
Reebok est une marque populaire, qui certes s'adresse également aux hommes, mais prioritairement aux femmes qui ne pratiquent pas le sport dans un esprit de compétition
Vous attaquez fort, en 2010, avec le lancement de baskets plus techniques. De quoi s'agit-il exactement?
Le nom de notre nouvelle gamme de chaussures est EasyTone. La technologie employée? L'insertion de coussinets d'équilibre dans la semelle, qui créent une instabilité à chaque pas, augmentant ainsi l'activation des muscles du bas du corps, ce qui favorise leur raffermissement. Testée en laboratoire, cette technique sera déclinée sur les modèles running et fitness. Avec ce lancement, notre objectif est de créer une nouvelle catégorie dans le monde du sport: le «toning», le raffermissement au quotidien, comme nous avons inventé le fitness dans les années quatre-vingt. L'idée est d'aménager des rayons «toning» dans les magasins de sport, comme cela existe pour d'autres disciplines comme le football, le cyclisme, ou encore la randonnée. Cela a déjà commencé aux Etats-Unis.
Reebok est une marque libre, frondeuse et flexible.
Quelles sont les actions marketing que vous développez pour accompagner ce lancement?
Dans le milieu du sport, 70 % des décisions d'achat s'opèrent en magasin. Nous devons également rendre visible et expliquer ce nouveau concept, notamment grâce à la PLV (vitrines et présentoirs). De plus, un gros dispositif, le «training tour», va nous permettre de partir à la rencontre des consommatrices dans 50 villes françaises. Elles pourront ainsi essayer les nouvelles chaussures EasyTone et créer du trafic en boutique. En outre, Reebok est partenaire d'Odysséa, structure qui organise des courses pour la lutte contre le cancer du sein. Ces rendez-vous nous donnent la possibilité de toucher 35 000 femmes. Bien entendu, nous nous appuyons sur nos égéries, notamment Amélie Mauresmo. Nous avons également mis en place un plan «jeunes mamans», grâce à un partenariat avec La Boîte Rose, distribuée en maternité.
Le concept plaît-il?
Le modèle explose. Il a débarqué aux Etats-Unis, en mars 2009, et en Europe, en septembre 2009. 850 000 paires ont déjà été achetées dans le monde. Depuis début 2010, dix millions de paires ont été vendues à nos magasins partenaires. Les estimations sont excellentes. En France, depuis octobre, Reebok a vendu plus de 1 20 000 paires de chaussures (dans 1 000 magasins). Notre réseau le plus actif est Go Sport, c'est avec lui que nous avons lancé le concept. Mais nous comptons aussi sur les vendeurs internet tels que Sarenza. Nous espérons vendre 400 000 paires en 2011 sur l'Hexagone.
Quelle campagne de communication préparez-vous pour cette fin d'année 2010?
Nous lançons pour la marque la plus grosse campagne TV que l'on ait réalisée depuis 2004. Le spot est mondial et coûte plus de 100 millions d'euros. En France, il est diffusé sous forme de séquences de 30 secondes pendant quatre semaines, suivies d'une vague de cinq semaines en fin d'année.
Disposez-vous d'un département R & D au niveau mondial pour lancer de tels produits?
La R&D de Reebok est faite aux Etats-Unis. Le directeur du département chaussures est un ancien ingénieur de la Nasa, Bill McInnis, icône dans le milieu sportif. Il travaille beaucoup sur les formes et est à l'origine de nombreuses innovations concernant les chaussures Reebok.
Quelle est votre stratégie digitale?
Nous avons intégré le Web très tôt dans notre stratégie de communication. «I am what I am» se trouvait déjà, dès 2003, en partie sur la Toile. Nous avons été une des premières marques de sport à jouer avec les réseaux sociaux, à travers le viral et l'échange de vidéos (nos pubs) entre blogueurs. Notre site est très interactif, avec des outils de customisation, via YouReebok, et une boutique en ligne (encore peu développée) . Nous n'élargissons pas l'e-commerce pour ne pas concurrencer nos clients internet, type Spartoo et Sarenza.
En 2010, nous lançons la plus grosse campgne TV Reebok depuis 2004.
En quoi consiste www.women365.fr?
C'est une plateforme du sport au féminin, créée avec Sportever, sur laquelle on retrouve un esprit magazine, des cours de fitness en ligne, du contenu dédié et des portraits d'athlètes. Tous les journalistes qui y travaillent sont des femmes.
On assiste à une prise de conscience écologique des consommateurs. Y êtes-vous sensible?
Reebok était déjà partenaire, dans les années quatre-vingt-dix, d'un prix qui récompensait les entreprises les plus engagées pour le respect des droits humains, notamment dans les pays du Tiers Monde. Nous avons des chartes très strictes pour tous nos fournisseurs. Nous fabriquons en Chine, au Vietnam et au Bangladesh, mais toujours dans le respect des normes.
Parallèlement, nous mettons en place une opération «chaussures à un euro» qui permet aux populations des pays en développement d'avoir accès à nos produits.
Mais concernant l'écologie, je ne pense pas que ce soit, en termes de communication, un sujet porteur pour une marque de sport. Notre créneau, c'est le fun et le bien-être, ce qui ne nous empêche pas d'utiliser des matériaux écologiques.
Reebok existe à travers des corners stratégiques. A quand un point de vente dédié à Paris?
Il existe des magasins Reebok en Angleterre, en Allemagne, mais pas en France. Nous pensons qu'il est un peu tôt. Il est difficile d'ouvrir des boutiques monomarques: Puma, Nike et Adidas se sont cassé les dents. La création de trafic est très difficile. En revanche, nous avons ouvert un corner mode au Citadium à Paris (groupe Printemps), qui fonctionne très bien. Et nous développons un concept de shop in the shop dans des magasins Go Sport, il s'agit d'un espace dédié aux femmes.
Quels sont les lancements prévus pour 2010?
Nous sortons un modèle «Zyg», dont la forme de la semelle est en zigzag. C'est une technologie très performante, liée à «l'amorti» et adaptée au running. Pour une pratique occasionnelle, la promesse est d'offrir une course plus confortable. Une campagne média accompagne cette nouveauté, et des partenariats ciblés (presse, on line), suivent courant octobre.
Nous travaillons avec La Redoute et Go Sport sur le déploiement du produit. Débarquée en avril 2010 aux Etats-Unis, cette chaussure s'est déjà vendue à plus de deux millions d'exemplaires. Le concept plaît. En 2010, Reebok se réinvente, à travers ses nouveautés technologiques, axées sur l'innovation.