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Qui veut gagner des connaissances ?

L'anti-intellectualisme qui traverse nos sociétés a subi un camouflet tout aussi réel que symbolique. Chaque jour, tout au long de l'année 2000, une foule s'est pressée pour assister au Cnam (Centre national des arts et métiers) aux conférences portant sur les sciences, les mathématiques, la chimie, l'électronique... ou de questions philosophiques, éthiques, sociales, juridiques. Cette Université de tous les savoirs était une initiative d'Yves Michaud, professeur de philosophie à l'université de Paris I.

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L'Université de tous les savoirs (Utls) est un projet de la Mission 2000. On peut s'en étonner tant l'entrée dans le 3e millénaire a plutôt été le prétexte à des événements le plus souvent inspirés de la Foire du Trône !


Dès l'origine de la Mission, il a été question d'associer une réflexion à l'aspect purement récréatif. L'Utls a justement été conçue pour offrir une contrepartie intellectuelle aux fêtes et aux liesses qui célébraient l'arrivée de l'an 2000. Le passage d'un siècle à l'autre et d'un millénaire à l'autre était l'occasion de faire un bilan des connaissances actuelles tout en essayant d'éclairer l'avenir. Nous avons donc organisé tout au long de l'année 2000, trois cent soixante six conférences sur les grands aspects de la connaissance humaine. Elles ont été données par les spécialistes majeurs du monde francophone. Les différents domaines ont été abordés soit dans le cadre des disciplines traditionnelles soit à partir des objets du savoir, la vie, la biodiversité, l'écologie, le cerveau, la génétique, la démographie et l'économie mondiale, le langage, le droit, l'urbanisme, le travail, la violence. la communication, le rôle de l'Etat... Ces conférences ont fait l'objet de publications. Qu'est-ce que la vie ? * regroupe l'intégralité des 40 premières conférences, Qu'est-ce que l'humain ? * rassemble celles de la quarante-et-unième leçon à la quatre-vingt-dixième et Qu'est-ce que la société ? * les 73 suivantes. La sortie de Qu'est-ce que l'univers ? est prévue pour janvier. Deux autres volumes suivront.

Si l'on considère l'anti-intellectualisme ambiant, l'Utls était vouée à l'échec ou n'aurait dû concerner qu'une élite. Quel est le public qui a suivi les conférences ?


Nous avons reçu des habitués, des gens modestes, des autodidactes, des professionnels dotés d'un bon métier et d'une bonne formation qui viennent mettre à jour leurs connaissances, des jeunes très motivés... Bref, une diversité d'individus qui reflète bien la société française. Cet été, nos conférences sur les sciences ont plus particulièrement attiré les jeunes. Mais l'ensemble des catégories socio-professionnelles est toujours représentée. Les auditeurs viennent en majorité non pas pour le conférencier mais pour son sujet. Par exemple, la conférence de Pierre Cartier, Mathématiques et réalité a regroupé plus de neuf cents personnes. Je dois souligner l'engagement et l'enthousiasme du monde intellectuel et scientifique. Il marque à la fois le besoin et le désir de la part des scientifiques surtout de diffuser leurs connaissances et leurs travaux directement au public. Songez que sur les trois cent dix sept premiers conférenciers, nous n'avons enregistré aucune défection. L'Utls a acquis une grande renommée dans les milieux universitaires, intellectuels et politiques, mais surtout dans le monde des entreprises. Certains de nos conférenciers issus du milieu de l'entreprise ont déclaré unanimement que l'Utls était l'événement le plus marquant de cette célébration de l'an 2000.

Que pensez-vous de l'attitude des médias vis-à-vis de l'Utls et notamment de la bien nommée chaîne du Savoir, la 5, qui diffuse généralement les conférences à 5 heures du matin ?


Nous avons été bien relayés par la presse écrite. C'est une vraie culture. Je n'en dirais pas de même de la télévision. Ce monde fermé sur lui-même fixe les règles d'un jeu arbitraire. Il se fait une idée fausse des attentes du public. C'est une union sacrée de la médiocrité et de la complaisance entre personnes en place, dirigeants et journalistes qui dînent en ville, entre eux. Il est scandaleux de faire payer une redevance pour des chaînes poubelles ou inexistantes par leur contenu. De plus, les quelques intellectuels médiatiques qui sévissent à la télévision ne sont pas nécessairement les plus brillants. Ils n'ont plus beaucoup de temps pour travailler... (rires)

L'expérience Utls sera-t-elle pérennisée ?


Nous réfléchissons aux modalités de reconduction avec le ministère de l'Éducation nationale et de la Recherche. Nous pensons à des forums qui pourraient être décentralisés dans les régions et dans les universités. Car l'une des plus importantes demandes qui nous ont été faites tenait à la décentralisation. Mais nous avions déjà proposé trois capitales régionales : Lille, Rennes et Lyon où se sont tenues des séries de conférences.

Le marketing est prédominant dans de nombreux domaines. Quel est votre avis ?


Pour ma part, je retiens du marketing la notion de service au client. En tant qu'intellectuel, je me situe du côté du service. Mais il ne faut pas céder à la dictature de l'opinion ou au fantasme face aux demandes de connaissance. Je considère que les questions essentielles que se pose tout individu doivent recevoir des réponses de qualité. Au jour d'aujourd'hui, les gens sont en quête de repères. Mais leurs interrogations sont imprécises. Et c'est naturel, car c'est justement notre métier de proposer des réponses et des outils de réflexion. Car si j'ose dire, nous nous y connaissons en connaissances. Les individus sont de plus en plus conscients d'être en charge d'eux-mêmes. Ils sont prêts à devenir quelqu'un mais ne savent pas bien comment y parvenir. C'est le rôle de la connaissance de les y aider. Alors, plutôt que d'avoir recours aux drogues et aux médicaments, aux conditionnements physiques ou encore psychiques, agissons donc sur nous-même grâce à la connaissance ! Volumes 1, 2 et 3. Editions Odile Jacob.

Stirésius

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