Quelle expérience de marque pour le secteur du bio?
La multiplication des communautés d'intérêts, la prolifération des canaux de connaissance, la rotation plus rapide des modèles... sont les conditions de la multipolarité grandissante des individus, mais aussi de la propagation de perspectives alarmantes, qui se manifestent notamment dans le rapport à la santé et à l'alimentation.
Le consommateur est multiple: il est à la fois à la recherche de repères fiables et universels, de discours transparents et crédibles (sécurisation), mais aussi de refuges divertissants et de «ré-enchantement» du monde face à un avenir angoissant (consolation), d'engagements responsables pour l'humanité, dans une logique de réconciliation avec la nature (communion), mais aussi d'informations, de services et de produits «sur mesure» (individualisation) . Ces quatre tendances distinctes se traduisent par l'intérêt que l'on porte désormais aux produits à l'efficacité et à l'authenticité garanties, mais aussi à ceux qui exaltent et subliment par l'artifice; aux produits respectueux de l'être et de son environnement, mais également à ceux qui se déclinent en offres atypiques, statutaires et singularisantes. Le secteur du bio n'échappe pas à ces mouvements de société. Son incroyable développement résulte d'ailleurs directement des logiques de communion et de sécurisation en répondant à la demande de produits engagés et responsables, mais également à celle de produits de qualité, meilleurs pour la santé. Plus généralement, c'est un secteur en pleine expansion, au coeur d'un univers économique de pointe. Car la question du bio et, plus généralement celle du développement durable, est le propre de notre millénaire; une industrie à part entière, largement sur la voie de la démocratisation, et qui se distingue peu à peu du seul artisanat, pour se tourner vers des valeurs d'innovation technologique et sociale.
Du devoir au désir: une logique d'immanence
Ce sont les créneaux de l'individualisation et de la consolation qui offrent le plus d'opportunités de développement. Le bio semble vouloir se défaire de son fondement catastrophiste et culpabilisant au profit d'aspects plus libérés (démarche de plaisir, plus émotionnelle que raisonnable). On peut s'attendre à ce que ses représentations se défassent de leur austérité pédagogique pour se teinter de variété, de singularité et d'hédonisme, et que se déploient de véritables «expériences de marque» qui communiqueront davantage sur une philosophie et des mythologies attachées au «naturel». Le bio doit pouvoir susciter le désir plutôt qu'exprimer le devoir, grâce à une image nouvelle dont la qualité principale sera d'être organique, lumineuse, évidente... et de combler ainsi le fossé qui sépare encore en Occident la nature de la culture.
Stéphane Ricou président de RIDesign Experts