Quand le champagne fait mousser les artistes
Nicolas Feuillatte, la plus jeune des grandes marques de champagne, joue les mécènes de l'art contemporain et cultive son image de modernité pour se différencier sur un marché hautement traditionnel. Quand le merchandising artistique côtoie le marketing par l'objet.
Créée il y a seulement vingt- cinq ans, Nicolas Feuillatte, la marque du
centre Vinicole de Champagne, occupe la huitième place à l'international et
peut s'enorgueillir d'être passée de 500 000 bouteilles à 6 millions en quinze
ans. Le tout sans coups de pub et avec un modeste budget publicitaire de 6
millions de francs par an. « En France, nous avons à peine 5 % de notoriété
assistée, avoue, amusée, Andréa Buchin, directrice du marketing et de la
communication. Mais nous assumons parfaitement le fait d'être une marque jeune
sur un marché traditionnel. Cela nous permet de nous inscrire totalement dans
les valeurs de notre époque. Et de travailler notamment sur l'imaginaire du
champagne. » Pour y parvenir Nicolas Feuillatte a fait appel à des créateurs et
des photographes qui participent à la communication tant interne qu'externe.
Depuis trois ans, la marque choisit un artiste qui travaille toute l'année sur
une thématique et intervient sur l'ensemble des outils de communication et
d'image. En 1999, Marie Thurman fait ses gammes autour du thème du terroir. Guy
Ferrer prend le relais en 2000 et travaille sur la notion de temps. Et c'est
Tony Soulié qui attaque le troisième millénaire en s'inspirant du temps. Les
oeuvres ainsi produites participent aux actions de relations publiques dans
différentes expositions ou sont exposées dans sa vitrine parisienne du Faubourg
Saint-Antoine et son point de vente à Epernay. La marque développe également un
merchandising artistique allant des cartes de voeux, aux menus ou aux
emballages des bouteilles jusqu'aux objets liés au champagne. « Ce serait
magnifique si un jour nos clients associaient certaines de nos créations comme
les seaux à champagne à notre marque », avoue Andréa Buchin. Et de préciser, «
il y a un vrai potentiel d'innovation dans le packaging ». La marque a ainsi
confié à Robert le Héros, équipe de stylistes, le soin de créer deux gammes de
packagings promotionnels sur le thème du temps. Et la marque souhaite se
renouveler chaque année.
Une force de vente pour l'export
En revanche, pas touche aux bouteilles ni aux étiquettes
sous peine de perturber le client. Pas plus qu'à la qualité du "nectar"
champenois. La marque a certes été obligée de choisir un positionnement prix de
challenger, mais elle est bien décidée à jouer également la carte de la
qualité. Que ce soit par diverses certifications ISO ou par la création de
cuvées spécifiques. « Nous avons la chance de bénéficier d'un approvisionnement
très large qui couvre onze grands crus sur les dix-sept que compte la
Champagne. Cela nous permet de faire notre sélection lors de l'assemblage et de
maîtriser notre cuvée en fonction de notre marché cible », explique Andréa
Buchin. Car la marque est commercialisée à la fois dans le circuit traditionnel
français et en grande distribution en tant que challenger des marques leaders
de chacun des circuits. Nicolas Feuillatte réalise également la moitié de son
chiffre d'affaires à l'export en intégrant une force de vente qui recrute et
anime directement les agents commerciaux et les grossistes importateurs. Ce qui
lui permet notamment de se placer sur des compagnies aériennes comme Air
France, Delta Airlines, SAS, Lufthansa, Corsair et récemment Singapour Airlines
et Korean Air. Car, si Nicolas Feuillatte fait appel aux artistes pour sa
communication, sa stratégie commerciale et marketing n'a rien de bohème. Elle a
opté pour un contact direct avec les grossistes et les distributeurs sans
passer par une société de distribution spécialisée comme cela se pratique
couramment sur ce marché. Elle évite également de casser les prix. « Nous ne
sommes pas dans la grande distribution italienne pour cette raison », précise
d'ailleurs Andréa Buchin. Quant au jeunisme ambiant, la jeune marque s'en
méfie. « Le champagne doit rester un produit magique et exceptionnel », insiste
Andréa Buchin. Pour qui le bouchon et la flûte symboliseront toujours mieux le
champagne qu'un gobelet en plastique ou une paille... Et s'il faut
effectivement trouver le moyen de mieux cibler les jeunes de 25 à 35 ans, cela
ne doit pas passer par la perte de la magie du produit. « Nous réfléchissons à
la manière de faire du champagne une boisson "copain" qui garderait toute son
authenticité. Mais ce n'est pas facile. » Pour l'heure, la marque a intégré les
nouvelles technologies multimédias pour concocter la deuxième version de son
site internet.