QR code: sésame d'un nouveau marketing en point de vente?
Un petit carré blanc parsemé de taches noires. Le QR code (pour Quick response code) ne paye pas de mine. Pourtant, une fois scanné, ce code-barres en deux dimensions (2D), aussi appelé flashcode, relie astucieusement la réalité au monde digital. L'industrie s'en est emparée la première. Créé par l'entreprise japonaise Denso-Wave en 1994, le QR code a d'abord été utilisé pour le suivi des pièces de voiture dans les usines de Toyota. Son usage dans le marketing et la communication s'est développé dans les années 2000. Au pays du Soleil-Levant, il fait un carton. Là-bas, on flashe autant de QR codes que l'on envoie de SMS. Il faut dire que sur le papier, le QR code a tout pour plaire. Il stocke beaucoup plus d'octets que le code-barres originel. Il peut être édité, imprimé ou diffusé sur une multitude de supports physiques: presse écrite, affiche, écran, emballage, voire bâtiments. On l'a vu peint sur des vaches et Orange a même créé le premier QR code comestible, placé sur des chocolats.
Grâce au flashcode, il est possible de rendre interactif tout support physique. Et donc de donner rapidement accès, via un téléphone mobile, à un contenu multimédia adapté. Pour les points de vente, cette convergence du off line et du on line représente une bonne manière d'enrichir et d'améliorer l'expérience avec leurs clients.
Un outil caméléon
Un des grands avantages de la technologie est la simplicité d'emploi. Les applications qui la décodent, les lecteurs de QR codes, sont gratuites et faciles à installer sur les smartphones et les tablettes. Autre atout, le QR code lui-même ne coûte rien. N'importe qui peut en générer aisément sur le Web. Il exige néanmoins un investissement financier lié à la création de pages ou d'applications mobiles dédiées. «Pour une simple opération marketing il faut compter environ 3 000 euros, beaucoup plus pour le retail », indique Guillaume Tassetto, président et fondateur de Kairos agency. Enfin, le QR code se personnalise. Les agences proposent de donner à ce pictogramme les couleurs de la marque, notamment en y intégrant une image. En septembre 2011, Ralph Lauren a affiché sur les vitrines de ses magasins new-yorkais des QR codes portant son logo. En les scannant, les clients pouvaient gagner des tickets pour l'US Open de tennis ou acheter des produits via un site internet mobile.
La démocratisation des smartphones favorise le QR code. Leurs ventes ont crû de 67 % l'an dernier en Europe. 38 % des Français en possèdent un, qui les accompagne partout. Selon l'étude Our mobile planet, réalisée par Ipsos pour Google en mai 2012, 76 % des détenteurs de smartphones s'en servent en magasin. Et 26 % l'emportent pour comparer les prix et s'informer sur les produits. Guillaume Tassetto en est persuadé, «2013 sera l'année du QR code ».
Christian Mairesse, Leroy Merlin
«Un tag lié à un contenu pertinent peut enregistrer plusieurs dizaines de milliers de contacts.»
En illustration, trois "bleam", le nouveau QR code 3D. En forme de pastille, il se lit de biais, en mouvement et de plus loin que le modèle 2D actuel.
Des emballages pour bornes interactives
Les QR codes constituent une petite révolution pour les emballages, puisqu'ils ont le pouvoir de les faire parler. Les consommateurs en quête de transparence sont capables, grâce un simple scan, d'obtenir plus d'informations sur les produits qu'ils convoitent en magasin: d'où viennent-ils? que contiennent-ils (présence d'allergènes ou non dans certains aliments)? comment s'en sert-on? « Les QR codes peuvent remplacer ou compléter les conseils des vendeurs en point de vente. Ils accompagnent les clients jusqu'à l'utilisation du produit », explique Christophe Fisher, directeur général de QR mobile. Grâce aux QR codes, par exemple, les acheteurs d'un matériel technique peuvent accéder à une notice de montage en vidéo. Le dispositif donne aussi l'occasion d'en apprendre plus sur la marque et ses valeurs. Depuis quelques mois, la marque de champagne Pommery arbore fièrement un QR code sur le devant de ses bouteilles. En le flashant, le consommateur pénètre le domaine Pommery pour y découvrir les coulisses de la fabrication du champagne et l'engagement de la marque dans l'art contemporain.
Le QR code est aussi un outil intéressant pour créer du trafic en magasin. En atteste l'opération menée par Leroy Merlin en avril dernier. Parallèlement à une campagne télévisée, l'enseigne a déployé un dispositif mariant le QR code à un concours avec système de grattage virtuel. Des QR codes avaient été ajoutés à trois types de supports, prospectus, abribus et PLV, dans 119 magasins. En les flashant, les consommateurs pouvaient instantanément gagner des bons d'achat de 50 euros. Cette opération mobile visait à créer un lien entre l'univers physique du point de vente et l'univers digital. Le responsable communication de l'enseigne, Chris tian Mairesse indique que « Leroy Merlin a intégré les QR codes à la majorité de ses outils marketing depuis deux ans afin d 'informer sur les produits et d 'accompagner les clients (vidéos pédagogiques sur la mise en oeuvre, la pose... ). Un tag lié à un contenu pertinent peut enregistrer plusieurs dizaines de milliers de contacts ».
Les QR codes répondent à un autre objectif: l'aide à la vente dans les magasins. L'an passé, pendant la semaine précédant Noël, le Virgin Megastore des Champs-Elysées a affiché un QR code à l'entrée de la boutique. Les clients en mal d'inspiration se voyaient chaque jour proposer une idée de cadeau. Une manière originale de déclencher un achat. Post-vente, l'intérêt du QR code n'est pas négligeable. Kairos agency propose une solution qui permet de recueillir les avis des clients en magasin. Des QR codes présents sur le point de vente renvoient vers des formulaires de satisfaction compatibles avec les mobiles. « Nous sommes capables de récolter des informations par boutique et même par zone ou pôle dans le magasin. Nous déployons actuellement cette solution pour Décathlon en Chine », précise Guillaume Tassetto.
Les consommateurs prêts à flasher?
Scanner un QR code est-il devenu un réflexe pour les Français? Tout dépend de l'enquête considérée... Fin 2011, 89 % des personnes sondées par TNS Sofres déclaraient avoir déjà vu un flashcode: 64 % en avaient aperçu dans la presse, 48 % sur les emballages et 47 % sur des affiches. 42 % des répondants disaient en avoir déjà utilisé. 72 % les jugeaient utiles pour obtenir des informations sur les produits (origine, recettes, promotions). Les études se suivent, mais ne se ressemblent pas. Selon une autre enquête, publiée par KPMG en mars 2012, seuls 15 % des Français ont déjà scanné un QR code en magasin...
Des magasins virtuels dans les couloirs du métro
Pour échapper à la corvée des courses, les habitants de Séoul, en Corée du Sud, peuvent depuis quelques mois faire leurs emplettes d'une manière innovante. Pas sur un site d'e-commerce, mais dans un magasin virtuel installé dans les couloirs du métro. La chaîne de magasins Home Plus, filiale de Tesco, est à l'origine du concept. D'immenses affiches lumineuses simulent les rayons d'un supermarché. Sous chaque article apparaît un QR code que les passants scannent avec leur smartphone. Son panier rempli, le client peut se faire livrer à domicile. L'expérience montre que la frontière entre shopping on line et off line tend à s'estomper au profit d'une expérience centrée sur les besoins à un instant T du consommateur. Ebay, figure emblématique de l'e-commerce, s'est aussi amusé à mêler le physique au virtuel. Cinq semaines durant, au printemps 2012, des vitrines de rêve renfermant une sélection de vêtements et d'accessoires ont sillonné des grandes villes françaises. Fixées à une voiture, les vitrines s'arrêtaient à des points stratégiques. En scannant les QR codes correspondant aux produits qui les avaient séduits, les passants accédaient à une sélection d'articles identiques ou similaires en vente sur Ebay.
Le QR code possède de nombreux usages et permet d'enrichir la relation d'une marque ou d'une enseigne avec ses clients, mais son emploi reste encore limité. Pour continuer à susciter l'intérêt du consommateur, la technologie doit aussi être utilisée à bon escient. La clé du succès? La fourniture d'un contenu de qualité. « Les marques et les agences ne peuvent plus se contenter de renvoyer vers une page Facebook ou, pire, vers un site web incompatible avec le mobile », assène Guillaume Tasseto. Ludovic Delaherche, président de Human inside, est encore plus sévère: « Aujourd'hui, on fait du QR code pour faire du QR code. L'expérience proposée n'a souvent aucun intérêt. Tous les retours des utilisateurs que nous avons collectés s'avèrent négatifs. »
Franck Théry (Extreme Sensio)
Franck Théry (Extreme Sensio):
« Il faut intégrer le QR code aux endroits où les gens ont le temps et la capacité de scanner. »
Le tag en 3D est déjà là
Pour susciter l'envie de scanner, il faut faire preuve de créativité, mais aussi respecter quelques règles de bon sens afin de faciliter la lecture. « Il faut intégrer le QR code de manière logique, à des endroits où les gens ont la capacité et le temps de scanner », observe Franck Théry, directeur conseil chez Extreme Sensio. Pour résoudre les problèmes de lecture inhérents au QR code, Samuel Boury et Olivier Mezza robba, cofondateurs de l'agence Ubleam, ont conçu un tag en trois dimensions (3D). Son nom: le bleam. Ils le présentent comme la nouvelle génération du QR code. Même interactivité, même principe de scan. La différence? L'esthétique d'abord. Le bleam a la forme d'une petite pastille ronde colorée représentant le logo de la marque ou un symbole. Il serait aussi beaucoup plus performant. « Le bleam se distingue par sa robustesse. Il peut être lu de biais, en mouvement et de cinq fois plus loin que le QR code, affirme Olivier Mezzaroba. Même déformé, sur un tee-shirt ou une bouteille, il peut être scanné. » Contre un abonnement variant d'une centaine à plusieurs milliers d'euros, Ubleam met à disposition sur son site des outils facilitant la création, la gestion et le suivi statistique de campagnes. Les technologies existent. Reste aux marques à s'en emparer pour inventer le magasin de demain.
« Redonner un petit coup de jeune à la marque»
3 question à... Aurore Letellier, responsable de la communication des Vins de Pierre Montagnac.
Marketing Magazine: A quels objectifs répond l'apposition d'un bleam (tag 3D) sur les bouteilles?
Aurore Letellier: Elle s'inscrit dans le cadre de la refonte de notre marque La Cour Pavillon. Créée dans les années soixante, elle est un peu tombée en désuétude. Nous voulions la relancer en lui donnant un petit coup de jeune. 20 000 bouteilles sont en vente depuis septembre avec un bleam en forme de goutte de vin sur l'étiquette.
Pourquoi avoir choisi le bleam et non le QR code classique?
Nous utilisons déjà les QR codes. Ils sont insérés dans nos newsletters et donnent accès à la version mobile de nos tarifs. Parmi les propriétés que nous commercialisons, trois affichent aussi un QR code sur l'étiquette de leurs bouteilles. Mais nous pensons que ces tags 2D ne sont pas très esthétiques. C'est pourquoi nous leur avons préféré le bleam, beaucoup plus joli et aussi plus simple d'utilisation. Côté budget, l'offre proposée par la société Ubleam nous a paru raisonnable: environ 4 500 euros pour 10 000 scans
A quoi le bleam donne-t-il accès?
Au départ, nous avions imaginé un système de vente par mobile grâce au bleam. Mais cela s'est révélé un peu compliqué. Nous nous sommes donc orientés vers des services à valeur ajoutée. Les consommateurs sont invités à scanner le bleam. Ils sont alors dirigés vers une application web créée pour l'occasion. Plusieurs contenus leur sont proposés, dont une dégustation du vin La Cour Pavillon, en rouge ou en blanc. Ils ont aussi accès des vidéos de présentation du vignoble et de conseils sur les accords entre les vins et les plats. Il y a également des fiches techniques, une rubrique qui permet aux consommateurs de laisser leur avis et de bénéficier d'offres spéciales. Enfin, grâce à la géolocalisation, nous pouvons les orienter vers notre distributeur le plus proche. Nous pensons que cette opération va nous permettre de dynamiser nos produits et d'améliorer notre notoriété, mais aussi de nous rapprocher de nos clients. Nous allons pouvoir mieux cerner leurs profils, et donc affiner en conséquence nos stratégies marketing.