Proximité : le retard français
Le commerce de proximité connaît en France un réel renouveau. Mais les distributeurs français sont encore bien loin de la créativité des concepts japonais et chinois en matière de produits et de services.
Je m'abonne
aAprès des années de croissance en périphérie, les grands groupes de
distribution français réinvestissent depuis quelques années le créneau de la
proximité et du centre-ville via des petits supermarchés de proximité. L'un des
plus à la pointe dans cette politique est sans aucun doute le groupe Casino
qui, outre l'entrée à hauteur de 50 % dans Monoprix, développe avec beaucoup de
dynamisme ses enseignes Petit Casino, Spar, Eco Services et Vival. Carrefour,
de son côté, n'est pas en reste avec ses 8 à Huit, Shopi et Marché Plus. Côté
services, certaines enseignes ont subi un véritable lifting. Ainsi, tous les
Marché Plus, ouverts désormais de 7 à 21 heures et tous les dimanches matins,
proposent aujourd'hui la livraison à domicile, un service pressing, du
développement photos en 48 heures et un distributeur automatique de billets.
Très bien, direz-vous... Oui, mais relativement basique. Tous ces services ne
sont pas réellement nouveaux et sont encore très loin de ce que l'on peut
trouver dans d'autres pays. Et pourtant les exemples d'innovations réussies
dans ce secteur ne manquent pas ! On pourrait citer en Angleterre, la chaîne
Sainsbury qui a ouvert son concept de Sainsbury's Central (1 200 m2 - 6 000
références), dont l'aménagement et l'offre sont organisés selon le temps moyen
consacré à chaque type d'achat. La zone 1, à l'entrée du magasin, est ainsi
dédiée aux clients pressés de midi (sandwichs, salades, plats préparés), alors
que la zone 4 est consacrée aux achats de dépannage en tout genre (rasoirs,
ampoules, enveloppes, corner postal...). Un concept qui semble avoir inspiré le
groupe Casino, dont le Géant de Tours propose une double entrée avec un circuit
court pour les courses pratiques et un circuit long pour les achats plaisir.
Aux Etats-Unis, le groupe Wal-Mart développe, pour sa part, un réseau baptisé
Neighborhood Market, dont chaque point de vente est plus petit que les Wal-Mart
traditionnels et dont l'assortiment est composé à 70 % (contre 30 % pour les
supermarchés classiques) de produits frais et autres produits "snacking". Ces
magasins comptent une multitude de services, dont une pharmacie "drive in" ou
un stand traiteur dès l'entrée du magasin (25 % des repas aux Etats-Unis sont
pris hors domicile). Et les expériences se multiplient dans d'autres enseignes.
Lors des dernières élections présidentielles, certains supermarchés de Denver
ont ainsi offert à leurs clients la possibilité de voter durant trois jours
dans leur supermarché.
Le modèle japonais
Mais les
plus à la pointe sur ce créneau de la proximité et du service au quotidien sont
sans doute les Japonais. Le pays du Soleil-Levant compte plus de 52 800
convenience stores, dont 95 % sont ouverts 24 h/24, tous les jours de l'année.
Ce quadrillage tellement riche fait qu'aujourd'hui, 70 % des citadins de
l'archipel habitent à moins de cinq minutes à pied d'un magasin de ce type.
Outre leur nombre, la chose la plus remarquable est leur organisation, destinée
à offrir le maximum de produits et de services sur un minimum d'espace. Chaque
magasin offre en moyenne 2 800 produits, qui vont des nouilles chaudes au
téléphone portable, en passant par les produits de parapharmacie, les CD ou les
bouquets de fleurs. Chaque magasin dispose en outre d'un four à micro-ondes et
de bouilloires électriques pour les soupes et les nouilles lyophilisées.
De nombreux services grâce aux bornes électroniques
Une
réalité qui fait dire aux spécialistes de la distribution japonaise que "le
convenience store est un restaurant sans table", ce que confirme le chiffre
d'affaires de ces magasins, dont 70 % se fait en effet sur le segment des plats
préparés et de la restauration rapide. Outre l'offre basique, les convenience
stores - ou kombini en japonais - multiplient maintenant l'offre de nouveaux
services via des bornes installées à l'intérieur du magasin. Ces bornes
électroniques (voir photos) permettent tout à la fois de réserver un voyage,
une voiture de location, une place de concert ou de spectacle sportif,
d'envoyer des fleurs, de charger des jeux sur son mobile, de télécharger de la
musique par Internet, de lire et imprimer ses e-mails et, de façon beaucoup
plus simple, mais tout aussi pratique, de recharger une batterie de portable.
Cette offre, totalement insoupçonnable de l'extérieur, est signalée par des
enseignes lumineuses disposées sur le trottoir. Depuis quelques mois, ont été
installées des bornes permettant de visionner et d'imprimer les photos
numériques (entre 50 et 100 yens la photo, soit 0,5 à 1 euro). Il suffit d'y
insérer la carte mémoire utilisée par les appareils photos numériques, mais on
peut aussi y brancher directement les nouveaux téléphones mobiles de la norme
Foma dotés d'un appareil photo numérique intégré.
L'interprétation chinoise
Pour expliquer cette vitalité, certains observateurs
estiment que l'offre des kombini est étroitement liée au mode de vie des
citadins japonais, qui passent beaucoup de temps en dehors de chez eux et sont
de très gros consommateurs de téléphonie mobile et de services liés à
l'Internet mobile. Ce genre d'arguments sur les différences culturelles n'est
pas totalement faux, mais occulte le fait que ce type de commerce connaît un
vrai boom dans de nombreux autres pays n'ayant pas du tout le même mode de vie
que les Japonais et dans des contextes technologiques beaucoup moins
développés. Le meilleur exemple à citer est sans doute celui de la Chine, qui
voit actuellement fleurir au coeur de ses grandes métropoles de nombreux
convenience stores (dont certains d'origine japonaise, comme Lawson ou
7/Eleven) offrant 24 h/24 aussi bien des brochettes de porcs chaudes que la
possibilité d'acheter des places pour un match de foot, de développer ses
photos ou de recharger son portable. Le tout est certes beaucoup moins
sophistiqué que dans les magasins de Tokyo ou Osaka, mais tout aussi pratique
et efficace. Et c'est au milieu d'une rue de Shanghai que l'on se prend à rêver
de pouvoir trouver de tels services dans nos petites supérettes de quartier, et
que l'on prend conscience du terrible retard du commerce français en matière de
services, que ce soit sur le créneau de la proximité, mais également des
hypermarchés ou des centres commerciaux. Nous y reviendrons.