Recherche

Proximité : le retard français

Le commerce de proximité connaît en France un réel renouveau. Mais les distributeurs français sont encore bien loin de la créativité des concepts japonais et chinois en matière de produits et de services.

Publié par le
Lecture
6 min
  • Imprimer


aAprès des années de croissance en périphérie, les grands groupes de distribution français réinvestissent depuis quelques années le créneau de la proximité et du centre-ville via des petits supermarchés de proximité. L'un des plus à la pointe dans cette politique est sans aucun doute le groupe Casino qui, outre l'entrée à hauteur de 50 % dans Monoprix, développe avec beaucoup de dynamisme ses enseignes Petit Casino, Spar, Eco Services et Vival. Carrefour, de son côté, n'est pas en reste avec ses 8 à Huit, Shopi et Marché Plus. Côté services, certaines enseignes ont subi un véritable lifting. Ainsi, tous les Marché Plus, ouverts désormais de 7 à 21 heures et tous les dimanches matins, proposent aujourd'hui la livraison à domicile, un service pressing, du développement photos en 48 heures et un distributeur automatique de billets. Très bien, direz-vous... Oui, mais relativement basique. Tous ces services ne sont pas réellement nouveaux et sont encore très loin de ce que l'on peut trouver dans d'autres pays. Et pourtant les exemples d'innovations réussies dans ce secteur ne manquent pas ! On pourrait citer en Angleterre, la chaîne Sainsbury qui a ouvert son concept de Sainsbury's Central (1 200 m2 - 6 000 références), dont l'aménagement et l'offre sont organisés selon le temps moyen consacré à chaque type d'achat. La zone 1, à l'entrée du magasin, est ainsi dédiée aux clients pressés de midi (sandwichs, salades, plats préparés), alors que la zone 4 est consacrée aux achats de dépannage en tout genre (rasoirs, ampoules, enveloppes, corner postal...). Un concept qui semble avoir inspiré le groupe Casino, dont le Géant de Tours propose une double entrée avec un circuit court pour les courses pratiques et un circuit long pour les achats plaisir. Aux Etats-Unis, le groupe Wal-Mart développe, pour sa part, un réseau baptisé Neighborhood Market, dont chaque point de vente est plus petit que les Wal-Mart traditionnels et dont l'assortiment est composé à 70 % (contre 30 % pour les supermarchés classiques) de produits frais et autres produits "snacking". Ces magasins comptent une multitude de services, dont une pharmacie "drive in" ou un stand traiteur dès l'entrée du magasin (25 % des repas aux Etats-Unis sont pris hors domicile). Et les expériences se multiplient dans d'autres enseignes. Lors des dernières élections présidentielles, certains supermarchés de Denver ont ainsi offert à leurs clients la possibilité de voter durant trois jours dans leur supermarché.

Le modèle japonais


Mais les plus à la pointe sur ce créneau de la proximité et du service au quotidien sont sans doute les Japonais. Le pays du Soleil-Levant compte plus de 52 800 convenience stores, dont 95 % sont ouverts 24 h/24, tous les jours de l'année. Ce quadrillage tellement riche fait qu'aujourd'hui, 70 % des citadins de l'archipel habitent à moins de cinq minutes à pied d'un magasin de ce type. Outre leur nombre, la chose la plus remarquable est leur organisation, destinée à offrir le maximum de produits et de services sur un minimum d'espace. Chaque magasin offre en moyenne 2 800 produits, qui vont des nouilles chaudes au téléphone portable, en passant par les produits de parapharmacie, les CD ou les bouquets de fleurs. Chaque magasin dispose en outre d'un four à micro-ondes et de bouilloires électriques pour les soupes et les nouilles lyophilisées.

De nombreux services grâce aux bornes électroniques


Une réalité qui fait dire aux spécialistes de la distribution japonaise que "le convenience store est un restaurant sans table", ce que confirme le chiffre d'affaires de ces magasins, dont 70 % se fait en effet sur le segment des plats préparés et de la restauration rapide. Outre l'offre basique, les convenience stores - ou kombini en japonais - multiplient maintenant l'offre de nouveaux services via des bornes installées à l'intérieur du magasin. Ces bornes électroniques (voir photos) permettent tout à la fois de réserver un voyage, une voiture de location, une place de concert ou de spectacle sportif, d'envoyer des fleurs, de charger des jeux sur son mobile, de télécharger de la musique par Internet, de lire et imprimer ses e-mails et, de façon beaucoup plus simple, mais tout aussi pratique, de recharger une batterie de portable. Cette offre, totalement insoupçonnable de l'extérieur, est signalée par des enseignes lumineuses disposées sur le trottoir. Depuis quelques mois, ont été installées des bornes permettant de visionner et d'imprimer les photos numériques (entre 50 et 100 yens la photo, soit 0,5 à 1 euro). Il suffit d'y insérer la carte mémoire utilisée par les appareils photos numériques, mais on peut aussi y brancher directement les nouveaux téléphones mobiles de la norme Foma dotés d'un appareil photo numérique intégré.

L'interprétation chinoise


Pour expliquer cette vitalité, certains observateurs estiment que l'offre des kombini est étroitement liée au mode de vie des citadins japonais, qui passent beaucoup de temps en dehors de chez eux et sont de très gros consommateurs de téléphonie mobile et de services liés à l'Internet mobile. Ce genre d'arguments sur les différences culturelles n'est pas totalement faux, mais occulte le fait que ce type de commerce connaît un vrai boom dans de nombreux autres pays n'ayant pas du tout le même mode de vie que les Japonais et dans des contextes technologiques beaucoup moins développés. Le meilleur exemple à citer est sans doute celui de la Chine, qui voit actuellement fleurir au coeur de ses grandes métropoles de nombreux convenience stores (dont certains d'origine japonaise, comme Lawson ou 7/Eleven) offrant 24 h/24 aussi bien des brochettes de porcs chaudes que la possibilité d'acheter des places pour un match de foot, de développer ses photos ou de recharger son portable. Le tout est certes beaucoup moins sophistiqué que dans les magasins de Tokyo ou Osaka, mais tout aussi pratique et efficace. Et c'est au milieu d'une rue de Shanghai que l'on se prend à rêver de pouvoir trouver de tels services dans nos petites supérettes de quartier, et que l'on prend conscience du terrible retard du commerce français en matière de services, que ce soit sur le créneau de la proximité, mais également des hypermarchés ou des centres commerciaux. Nous y reviendrons.

François Bellanger

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page