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Pour une vraie co-innovation

La mode est au crowdsourcing. Mais il ne faut pas confondre cocréation et innovation. Pour cela, les sociétés d'étude doivent raffiner la matière première que constitue la voix des consommateurs.

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Il faut avoir une définition bien peu exigeante de l'innovation pour penser que des consommateurs lambda sont susceptibles de se muer, spontanément et par le biais d'un ordinateur, en créateurs! Entendons-nous bien. Il ne s'agit pas de nier l'intérêt, pour les entreprises et les marques, d'associer les consommateurs ou leurs clients à des décisions. Encore moins de scier la branche sur laquelle notre industrie est assise. Depuis plus de 70 ans, les sociétés d'étude ont pour principal objectif le décryptage des comportements des consommateurs.

Seulement voilà, nombreuses sont les démarches de cocréation qui n'ont de création que le nom. De fait, il s'agit de démarches de marketing, notamment de marketing relationnel, dont l'intention finale n'est parfois même pas de donner naissance à un produit, mais d'associer des clients pour les engager, en faire des ambassadeurs. Certains sont déjà revenus de la mode du crowdsourcing, selon laquelle c'est par la force de la masse que se révèle la vérité.

Impliquer les consommateurs

Peut-être s'approche-t-on plus de l'idée de création lorsque l'on demande à des internautes de «fabriquer» une publicité. Mais le problème se situe ailleurs. Ce n'est pas parce qu'une pub est porteuse d'un logo «Consommateur inside» ou d'une mention «Cocréé par des internautes» qu'elle sert forcément les intérêts de la marque. Et il ne suffit pas qu'une campagne soit «likée» moult fois pour se révéler efficace! Pire, certains semblent prendre les vessies de la cocréation pour les lanternes de l'innovation. Or, il y a une sacrée différence entre les deux concepts. Et si elles peuvent trouver un bénéfice ponctuel à cocréer, les marques ont aussi et surtout besoin d'innover. Et créer de la valeur de manière durable nécessite de mettre en place des démarches autrement plus ambitieuses, longues et engageantes qu'un simple dispositif de cocréation sur Internet.

Adopter une démarche rigoureuse

Car il est tout à fait possible de générer de véritables innovations en s 'appuyant sur les consommateurs. Il «suffit» pour cela de revenir aux fondamentaux des marchés et répondre à certaines questions: qui achète? Que consomme-ton? Pourquoi? Quels sont les besoins des consommateurs dans une catégorie donnée? Les marques répondent-elles actuellement à ces besoins? Il faut aussi transformer cette matière, ces informations, ces observations, en véritable insight consommateur. Il convient surtout de mettre la confrontation au coeur de la démarche.

Pour cela, il est nécessaire que se rencontrent la volonté de création de la marque et les aspirations, attentes et critiques des consommateurs. En effectuant des allers- retours entre d'une part, les consommateurs et le marché et d'autre part, les équipes marketing et de R & D. Il s'agit d'associer ces derniers, en tant qu'experts de la catégorie et ambassadeurs de la marque, et de les confronter à la créativité encadrée de l'ensemble des consommateurs.

Celle-ci ne s'exprime qu'en utilisant des techniques très poussées, qui vont bien au-delà de questions fermées et d'agrément, voire des techniques quali traditionnelles. Autrement dit, il faut construire une véritable démarche de co-innovation, associant les consommateurs et l'entreprise. Sous tension et sous contrainte. De ce point de vue, l'enjeu de notre métier est de passer d'une posture relativement passive et contemplative d'écoute des opinions explicites des consommateurs à une posture active de filtre, de modelage et d'exploration de leur créativité.

Le développement du digital, que ce soit en mode pull ou push, via l'écoute du Web et la création de communautés ad hoc on line, offre une opportunité pour notre métier d'innover dans les manières d'interagir avec les consommateurs et de faire de nous de véritables intermédiaires entre les clients et les marques. Bien plus que des poseurs de questions, des contemplateurs ou des passeurs: de véritables co-innovateurs.

Stéphane Marcel (TNS Sofres):

« L'essor du digital offre une opportunité pour notre métier d'innover dans sa façon d'interagir avec les clients. »

Stéphane Marcel

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