Pour s'imposer, les gratuits mettent le prix
En se dotant des mêmes armes que les payants, les quotidiens ont su capter des cibles sous-consommatrices de presse, alors que les magazines ont, pour leur part, encore tout à prouver.
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Novembre est passé et Paris Plus n'est pas arrivé. Tel pourrait être le
proverbe du moment de la presse gratuite. En effet, on se souvient du
remue-ménage occasionné, à la rentrée, par les propos d'Yves de Chaisemartin,
alors vice-président du groupe Socpresse (Dassault), annonçant le lancement ce
mois-là d'un nouveau quotidien gratuit à Paris. « Les gratuits, ce sont des
sous-dépêches de l'AFP. Ce n'est pas là que vous verrez des journalistes en
Irak, pas là que vous trouverez des analyses et des commentaires sérieux sur
l'évolution de la société, mais cela existe », déclarait-il en substance. Et
d'ajouter : « On est obligé d'y être, car c'est notre marché. Nous en avons
déjà lancés. Nous avons, avec nos confrères de la presse quotidienne régionale,
décidé de ne pas nous laisser faire. » Si le projet mi-offensif mi-défensif de
ce gratuit parisien n'est pas abandonné, il semble pour l'instant reporté. « On
est plutôt maintenant sur un lancement début 2005, avance Christian Tribot,
directeur général d'Interdeco Metropoles et d'Interdeco Paris, déjà en charge
de la commercialisation de la publicité extra-locale des cinq quotidiens
gratuits des groupes Socpresse et HFM (Lille Plus, Lyon Plus, Toulon Plus,
Marseille Plus et Bordeaux 7, ce dernier en association avec Sud- Ouest).
C'est un projet hautement stratégique dans le sens où le marché parisien des
gratuits est déjà bien occupé. » Pour le tandem Hachette-Socpresse, il s'agit
d'une deuxième tentative après celle menée sans lendemain avec le groupe
Amaury. « Le réseau Puissance Plus des quotidiens existants en région tourne
bien au niveau de la publicité locale, mais il ne représente pratiquement rien
en extra-local, explique Christian Tribot. Il ne pourra fonctionner dans ce
cadre-là qu'en incluant Paris. » Si la capitale apparaît comme la cerise sur le
gâteau dans la lutte que mènent les deux groupes contre l'arrivée de Metro et
20 Minutes en région, d'autres projets sont aussi à l'étude pour étendre le
réseau à Nantes et dans l'est de la France. Développement des partenariats
régionaux « Il est logique que les éditeurs réagissent à l'arrivée de titres
qui visent les 18-35 ans non lecteurs de titres de PQR, une cible très
difficile à capter. Et c'est en cela que Puissance Plus est un bon complément
», poursuit Christian Tribot. Cette réaction des éditeurs de payants a
cependant franchi une nouvelle étape, le 14 septembre dernier, avec le
lancement de l'édition toulousaine de 20 Minutes, réalisée cette fois en
partenariat avec le quotidien local La Dépêche du Midi, une association qui est
la première du genre. « Ce partenariat est extrêmement intéressant, car il
porte à la fois sur le plan éditorial, autour des pages guide et sport, et
commercial, ce qui nous donne un ancrage beaucoup plus large, se félicite
Laurence Bridier, directrice commerciale et marketing de 20 Minutes. Nous
travaillons d'ailleurs sur d'autres accords du même type dans d'autres villes
et les portes sont loin d'être fermées. » Après avoir étendu son réseau à six
villes, avec Toulouse puis Bordeaux le 16 septembre, 20 Minutes regarde
désormais du côté de Nantes, Strasbourg, Nice et Montpellier. « L'objectif est
de diffuser à chaque fois de 20 000 à 30 000 exemplaires pour toucher les
jeunes actifs urbains de ces régions et d'y avoir un ticket publicitaire
suffisant, analyse Laurence Bridier. Avec nos six villes, nous représentons
déjà 745 000 exemplaires ; ce qui, en nombre d'exemplaires, nous place derrière
Ouest-France (détenteur à 50 % de 20 Minutes, ndlr). » Dans ce maillage
régional, qui est l'une des priorités actuelles des quotidiens gratuits bien
installés dans l'agglomération parisienne, Metro avait pris une longueur
d'avance dès son lancement. Installé à Lyon, Bordeaux, Lille, Toulouse,
Marseille et sa région (Aix-en-Provence, Aubagne, Toulon), le titre travaille
plutôt à son déploiement dans ces différentes villes, via des accords
renouvelés et élargis avec des partenaires comme le Crous, McDonald's,
Sodexho, Unibail ou de nouveaux accords comme avec les Taxis Bleus. « Le point
faible de cette presse quotidienne gratuite est d'être encore trop parisienne
en termes de puissance, estime Frank Farrugia, cofondateur de l'agence
Cospirit. En revanche, elle est très intéressante à utiliser pour son aspect de
main à main et ses possibilités de géolocalisation. C'est un peu la fusion
entre le street marketing et la presse, presque un mix médias en soi. »
Proximité renforcée avec le lectorat « 20 Minutes et Metro ont comblé un
manque par rapport à des quotidiens nationaux payants en perte de diffusion, en
général, et surtout chez les 20-35 ans, très difficiles à toucher via ces
médias classiques, ajoute de son côté Agnès Hautbois, responsable du
médiaplanning chez BBDO Paris. Ils ont su occuper une vraie place auprès de
cette population qui a la culture du zapping, en adaptant cela à l'information.
» Pour ces titres, qui revendiquent de très forts taux de recrutement de
non-lecteurs de presse quotidienne, l'écoute des attentes du lectorat est une
priorité. 20 Minutes a ainsi créé 20'UP, un panel de lecteurs jeunes actifs
urbains en ligne, qui regroupe quelque 3 500 panélistes qualifiés, appelés à
intervenir dans des enquêtes type post-tests publicitaires, baromètres,
enquêtes d'opinion ou veilles de secteurs. D'après ses responsables, plus de 20
enquêtes ont été menées depuis sa création en septembre 2003 pour des sociétés
comme AOL, Carat, Club Med Gym, Connect Factory, Ikea, etc. Metro a, pour sa
part, lancé le Club Metro, qui réunit à ce jour 50 000 membres qualifiés. « On
est loin des 600 000 du Club Metro suédois, car nous n'avons pas, pour
l'instant, développé de stratégie offensive, mais nous comptons multiplier ce
chiffre par deux l'an prochain, indique Valérie Decamp, directrice générale du
quotidien. L'objectif est de créer notre base de lecteurs pour l'utiliser comme
un baromètre et, quand elle sera solidement qualifiée, de la proposer en
couplage à nos annonceurs. » Les membres du Club Metro ont notamment été
appelés à s'exprimer sur la nouvelle formule, lancée en juin dernier, qui
repose en partie sur une maquette en quadri, plus interactive, mieux
hiérarchisée. « C'était notre point faible, reconnaît Valérie Decamp, mais
cette maquette nous a ouvert de nouvelles portes publicitaires dans les
secteurs de la beauté, de l'alimentation et des boissons alcoolisées. »
Publicité à la hausse Si, plus de deux ans après leur lancement, ces quotidiens
sont encore loin de l'équilibre financier, le marché publicitaire leur sourit.
Selon TNS Media Intelligence, la presse gratuite d'information affichait en
septembre une croissance de 19 % en volume de pages publicitaires, avec 160
pages pour Metro contre 116 en septembre 2003, et 159 pages pour 20 Minutes
contre 110 un an auparavant. Dans le même temps, la presse quotidienne payante
reculait de 6 %. Sur la période de janvier à septembre dernier, les deux
titres totalisaient 3 325 pages de publicité : 1 974 pages pour Metro, 1 351
pour 20 Minutes. Compte tenu d'une diffusion supérieure à celle de son
concurrent, 20 Minutes affichait un chiffre d'affaires brut de 54,486 millions
d'euros contre 52,759 millions d'euros pour Metro. « Ces titres ont réussi à
convaincre, au-delà du fait que ce sont des gratuits, note Pascal Grégoire,
président et directeur de création de CLM-BBDO. De plus, comme ce sont des
gratuits, la publicité y est jugée moins intrusive que dans des titres payants,
car les lecteurs comprennent qu'ils ne peuvent pas avoir de qualité sans cette
contrainte publicitaire. Cela donne plus de liberté, plus de souplesse aux
annonceurs. » Metro comme 20 Minutes n'hésitent pas à proposer bandeaux et
pavés au sein de pages dédiées ou encore surcouvertures. A ceux qui estiment
que ce dernier outil événementiel est trop utilisé, Laurence Bridier affirme ne
pas dépasser un quota de quatre surcouvertures par mois dans 20 Minutes, tandis
que Valérie Decamp met en avant « le standard international du groupe qui
limite à deux le nombre de surcouvertures mensuelles par respect du lecteur et
pour garder l'impact du produit. » Les deux proposent également des produits
commerciaux ciblés pour faire venir à eux les secteurs réticents. C'est, par
exemple, le cas de “Où sont les femmes”, une offre commerciale de 20 Minutes
proposée, durant toute la période des grands événements sportifs 2004, aux
marques de mode-toilette-beauté. « Pour répondre à leur crainte de déperdition,
nous leur proposons de ne payer que la cible femme, explique Laurence Bridier.
C'est un plus commercial qui nous a permis de faire la bascule auprès du groupe
L'Oréal ou de marques de vêtements. » Armés comme les payants A l'image de la
presse payante, les gratuits s'attachent à développer pages thématiques et
suppléments. 20 Minutes propose, depuis début octobre, un cahier sport de 8
pages chaque lundi, teste un certain nombre de dossiers thématiques, comme les
16 pages high-tech du 25 novembre, et finalise le supplément Noël lancé il y a
trois ans. Metro, dont la nouvelle formule repose aussi sur le renforcement des
rendez-vous hebdomadaires liés à la consommation et à la culture, et sur une
plus grande implication dans les grands événements sportifs, a lancé à
l'occasion de l'Euro 2004 son premier Metromag, un supplément magazine format
pocket de 48 pages quadri. Deux autres Metromag ont suivi à l'occasion de la
Fête de la musique et de la Nuit Blanche. « Nous allons en réaliser encore deux
autres en décembre, car nous souhaitons être présents sous cette forme pour
surfer sur un événement sportif ou culturel, indique Valérie Decamp. Ces
suppléments sont à chaque fois proposés en exclusivité à un annonceur, comme
Les Pages Jaunes de France Télécom pour le Metromag Nuit Blanche. » Pas de
suppléments cadeaux en revanche au menu des fêtes de fin d'année de Metro. «
Nous préférons doubler la pagination de nos rendez-vous hebdomadaires comme le
high-tech, la mode-beauté ou la décoration-arts de la table, précise la
directrice générale. L'an dernier, cela nous avait déjà permis de réaliser plus
de 60 % du chiffre d'affaires de décembre. »
Roularta Media Group s'appuie sur A Nous Paris
A Nous Lille et A Nous Lyon ne sont, semble-t-il, que le début d'une longue série de city magazines. Le groupe belge a en effet conclu en octobre dernier un accord de coopération avec A Nous Paris. Accord qui, outre la licence de marque exclusive, intègre un partenariat commercial, avec notamment une régie publicitaire extralocale et nationale, et une mutualisation éditoriale. Les prochains mois seront ainsi ponctués par le lancement de nouvelles éditions dans les grandes agglomérations françaises. Ces dernières sont appelées à rejoindre le réseau de city magazines du groupe, qui compte 31 titres en Belgique et aux Pays-Bas. Ce réseau placera désormais toutes les marques nationales de ces magazines (Steps en Belgique, Style aux Pays-Bas, A Nous en France, City Magazine en Slovénie…) sous la marque ombrelle “City magazine”. Les projets de développement en province sont pris en charge directement par Roularta via la société A Nous Province qu'il contrôle à 100 %. Cette société pourra, à terme, s'ouvrir à des éditeurs régionaux. A Nous Lille a été lancé le 4 octobre, A Nous Lyon est en phase de lancement.