Pour Gillette, la peau de l'homme n'a pas de prix
Lorsque, au printemps 1998, Gillette annonçait le lancement de son nouveau
système de rasage Mach 3, il semblait que la quête du groupe, le rasage idéal,
"la perfection au masculin", touchait au but. Résultat de dix ans de recherche
et développement, Mach 3 avait bénéficié d'investissements colossaux : 750
millions de dollars dans l'outil de production et la conception du produit et
quelque 300 millions de dollars dans la campagne marketing. Quelque trois ans
plus tard, et alors que Mach 3 est effectivement un succès planétaire, la
marque détiendrait une part de marché mondial de 21 % (29 % en France (1)) et
aurait, selon l'a- gence Associated Press, généré 3 milliards de dollars,
Gillette annonçait en octobre 2001 le lancement sur le marché américain de Mach
3 Turbo. Cette version "upgradée" du Mach 3 arrive aujourd'hui sur le Vieux
Continent. Avec une promesse à laquelle aucun homme ne pourrait résister : "un
meilleur rasage et moins d'irritation, même en se rasant à contresens du
poil". A l'image de Sensor Excel en son temps, Mach 3 Turbo, dont le nom a été
choisi pour signifier l'amélioration des performances, vise un objectif clair :
recruter de nouveaux consommateurs pour la catégorie, avec un produit vendu
globalement 20 % plus cher que la version d'origine. Pierre angulaire de la
stratégie de Gillette, cette valorisation du marché par la montée en gamme de
l'offre, ne semble connaître aucune limite. Cinq mois après son lancement aux
Etats-Unis, les ventes de Mach 3 Turbo étaient déjà supérieures de 41 % à
celles de Sensor Excel lors de son lancement et la marque détient 25 % du
marché valeur. « A la fin de l'année 2002, près de 4 millions de Français se
raseront avec un rasoir Gillette Mach 3, soit près d'un homme sur quatre qui se
rasent mécaniquement. C'est dire que, malgré le succès, nous disposons encore
d'un fort réservoir de croissance. A l'horizon 2005, nous pensons ainsi que la
famille Mach 3 et Turbo va croître de près de 30 % », indique Christine
Truillet, directrice du marketing rasage et produits de toilette. Qui rappelle
que, si le rasage mécanique concerne 16,9 millions de mâles sortis de la
puberté, sur les 23 millions que compte l'Hexa-gone, tous ne sont pas encore
convertis à la haute technologie. Pour preuve, le Gillette G2 conserve, malgré
ses 30 ans d'âge, 3,4 % du marché valeur (1). Pour faire comprendre à ces
derniers, mais aussi aux 85 % de jeunes de 15 à 24 ans qui se rasent
mécaniquement, comment les 35 brevets du nouveau Turbo vont améliorer leur vie,
Gillette inondera dès février 2003 les médias. Et, comme un bonheur n'arrive
jamais seul, la firme de Boston mettra également en avant la nouvelle gamme
Gillette Series. Lancée en France en 1994, la ligne de soins subit donc son
premier grand lifting avec pour ambition de faire aussi bien sur ce marché que
sur celui des lames et rasoirs. Si Gillette domine le segment des préparations
au rasage, la marque est, en revanche, deuxième sur celui des soins
après-rasage et seulement troisième sur les déodorants à application directe.
Investissements colossaux pour l'hygiène-beauté masculine
Or, ces deux derniers segments sont considérés par
l'ensemble des acteurs du marché comme des relais de croissance conséquents. Et
pour cause, ils concernent l'ensemble de la cible masculine, et non plus, du
moins pour les déo, une partie d'entre elle. « Nous pensons que le segment des
soins est celui qui connaîtra dans les trois ans à venir le plus fort
développement, commente Arnaud Aujouannet, chef de groupe lames et rasoirs
masculins. Aujourd'hui, les utilisateurs de soins ne sont encore que 2,7
millions. Ils devraient être 4 millions en 2005. Le segment des produits
après-rasage, qui pesait 53 millions d'euros, en 2001, devrait croître de 16 %
pour atteindre les 69 ME. Quant au chiffre d'affaires des déodorants, le
deuxième marché de l'hygiène masculine, il devrait passer de 157 millions
d'euros à 197 millions en 2005. » Plus globalement, l'hygiène-beauté masculine
devrait dégager, en 2005, un chiffre d'affaires de 900 millions d'euros contre
777 en 2001. Et confirmer ainsi son insolente santé : en dix ans, son chiffre
d'affaires a cru de 250 millions d'euros. Il est vrai que les différents
protagonistes n'ont pas lésiné sur les investissements publicitaires : 36
millions d'euros (en moyenne annuelle calculée sur 5 ans). Avec une part de
voix de 29 %, Gillette est de loin la plus généreuse. En 2003, les
investissements ne devraient pas déroger à la règle du colossal. Si le budget
total n'est pas communiqué, souvenons-nous que 115 millions de francs (17,5
millions d'euros), dont 75 % en télévision, avaient été investis lors du
lancement de Mach 3. Aujourd'hui, avec une campagne plurimédia qui va générer 6
000 GRP, les experts médias estiment que le niveau d'investissements de ce
double lancement, Turbo et Gillette Series, devrait se situer aux alentours des
14,5 millions d'euros. Créée par BBDO, et adaptée en France par CLM, la
campagne, deux spots de 20" et 30", reviendra cinq fois sur les écrans
généralistes et thématiques, sera déclinée en presse, radio, affichage et
Internet. Sans oublier des relais en magasins. Bref, un lancement comme le
marché publicitaire les aime... Hors les normes. (1) Source : ACNielsen, cumul
annuel à fin octobre en valeur.