Période de crise : évitons le seul marketing de la peur
A chaque période de crise aiguë dans les pays développés (cf. la Guerre du Golfe), la réaction des entrepreneurs est toujours épidermique et pousse immédiatement à la réduction des efforts marketing. En amont, l'innovation est mise en sommeil, en aval les actions publi-promotionnelles sont, sinon annulées, toujours freinées et généralement basculées vers le plus efficace à savoir la promotion versus les campagnes d'image.
«Il faut faire du volume, coco, nos chiffres sont mauvais et le cours de
Bourse s'effondre. » Cette phrase n'est sûrement pas sans rappeler les Comités
de Direction les plus récents. Or, une analyse plus fine tant marketing,
l'accroissement du taux de pénétration des marques, que financière, l'évolution
des cours de Bourse, a démontré, à l'issue de la Guerre du Golfe, que la prise
de risque en période difficile était réellement payante. Cette efficacité
repose sur les éléments suivants : le coût d'obtention de points de part de
marché est relativement moins élevé, l'innovation véritable, paradoxalement,
surgit plus aisément en période troublée qu'en période de forte croissance.
La diminution relative du coût d'obtention de part de marché
La saturation actuelle des marchés des biens de consommation (taux de
croissance mondiale des marchés du biscuit et de la beauté à moins de 5 % tous
les deux) oblige les industriels à immédiatement redouter une stagnation en
période de récession. Dans cette hypothèse, la première réaction sera de
tailler dans les budgets les plus variables donc en première ligne les
investissements publi-promotionnels.
"Etre Numéro 1 ou 2 ou se retirer"
Il est admis que la priorité stratégique de chaque
structure est inspirée du très respecté Jack Welch, président, récemment
retiré, de General Electric : « Nous devons être numéro 1 ou 2 de chaque marché
où nous sommes présents ou nous retirer. » Ainsi les principaux groupes
mondiaux (Nestlé, L'Oréal, Unilever, Procter & Gamble) cherchent à reproduire
ce principe en maximisant le double levier : valorisation d'un nombre réduit de
marques et surexposition de ces dites marques. A titre d'illustration les
efforts de Nestlé ou de L'Oréal ou encore d'Unilever, dont le nombre de marques
est passé de 1 600 à 400, ont été applaudis par les places financières.
Amélioration de la rentabilité de l'investissement publi-promotionnel
En période de croissance, le problème majeur de
ces marques est d'être visibles eu égard aux engorgements en linéaire comme
publicitaires (les coûts de référencement sont élevés, les écrans TV sont soit
indisponibles, soit hors de prix). A l'inverse, en période récessive, l'accès à
ces mêmes linéaires et écrans est facilité, leur coût pouvant même être réduit,
le ratio investissement publi-promotionnel rapporté aux ventes est amélioré
d'autant grâce à une forte croissance de la "share of voice". L'amélioration de
la profitabilité des investissements étant alors accrue mécaniquement par un
accroissement de la part de marché, en période récessive la majorité des autres
acteurs pouvant réduire leurs efforts publi- promotionnels.
Le cercle vertueux de la hausse de part de marché au meilleur coût
Cet effet mécanique de croissance des ventes, en valeur absolue mais aussi en
valeur relative, au détriment des concurrents, permettra de dégager un profit
marginal. Le dernier point de marché, le plus coûteux en période de croissance,
devient alors le plus rentable en période récessive. Ainsi la profitabilité de
l'entreprise sera assurée à l'horizon d'un premier exercice fiscal et surtout
dans le long terme car, une fois acquise la position dominante, celle-ci sera
difficilement atteignable par la concurrence dès la croissance retrouvée. Cette
consécration des mega-brands obtenue grâce à ce fort accroissement marginal de
la "share of voice" rencontrera ensuite sa limite dans l'innovation qui surgit
toujours à l'issue de périodes un peu plus sombres.
Une innovation surprenante mais inévitable
L'évolution précédemment décrite
trouvera alors sa limite naturelle dans une double volonté : celle des
consommateurs de découvrir de nouvelles occasions de consommer ; celle des
industriels d'entreprendre, surtout s'ils ont été remerciés, durant la
précédente période récessive. Quelques exemples illustrent cette évolution de
rupture qui a suivi la Guerre du Golfe : - Actimel : confirmation d'un marché
de l'alimentation - santé, - Aromathérapie : émergence de ce marché aux USA et
dans une moindre mesure en Europe, - Desperados : naissance d'un nouveau
produit, la bière à la tequila. La meilleure approche en période récessive est
ainsi : 1re phase : consolidation des mega-brands. 2e phase : émergence de
produitsservices innovants, et encore sinon inconnus du moins dans les cartons,
car les consommateurs n'y seront disposés qu'une fois passé leur ras-le-bol du
marketing de la peur ou de leur réassurance. Il s'entend que ces deux phases
peuvent être très courtes si la crise dure peu. De fait, la préparation de la
seconde phase devra être engagée en interne simultanément avec les
investissements de la phase 1. Autrement dit, les investissements en aval
doivent être les plus visibles initialement et être confirmés par les
investissements en amont, soit l'innovation.