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Pas de séduction, sans aspirations

Eric Sommier est l'auteur d'un excellent ouvrage sur la mode qui rompt sans conteste avec la prose traditionnelle du genre. Titulaire d'une maîtrise de lettres modernes, diplômé de l'EM Lyon, il a d'abord oeuvré dans de grands groupes industriels et des cabinets de conseils internationaux. Il préside aujourd'hui sa propre société de conseil, Ormis. Propos éclairés.

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Quelle est la mission d'Ormis ?


Nous intervenons dans des situations de rupture, fusions acquisitions, repositionnements stratégiques ou start-up. Ce sont des investisseurs financiers internationaux, des entreprises industrielles et de services qui font appel à nous.

Qu'appelez-vous un entrepreneur inspiré ?


C'est quelqu'un qui se livre à des prises de risque qui repose sur un risque financier, qui lui-même repose sur une intime conviction. C'est quelqu'un qui possède une certaine conscience du monde qui n'est pas écrite dans les livres, qui ne se trouve ni dans les bureaux de style ni dans la presse ni chez les concurrents.

Quelle importance va prendre l'informatique dans le secteur de la mode ?


L'informatique demeurera un outil de gestion plus que dans d'autres secteurs. C'est un monde qui y échappe, car il n'est pas prédictible. De la même façon que l'ordinateur ne fait pas l'écrivain, il ne fait pas non plus le styliste. Bien sûr, comme dans les produits qui ont un impact sur la modification de l'apparence physique, la technologie va apporter des évolutions, notamment avec l'essayage virtuel. Comme pour la VPC, Internet répondra aux besoins des personnes âgées, malades ou éloignées des centres commerciaux. Quant aux produits proposés, ce seront les plus basiques, les plus standardisés. Mais on ne pourra pas se passer de la rencontre physique et on ne coupera pas des points de vente.

Le glas du petit commerce va-t-il sonner ?


Les espaces de vente constitueront de plus en plus des lieux de mise en scène. C'est aujourd'hui le nerf de la guerre pour ceux qui veulent lancer de nouveaux réseaux de distribution. Certaines marques se désengagent déjà des petits espaces pour multiplier par deux ou quatre leur surface. Le petit commerce survivra au prix d'efforts qualitatifs intenses sur la gestion, le relationnel, la créativité, les services particuliers. Pour le moment, c'est un métier en chute libre. Les grandes enseignes seront de plus en plus présentes partout.

L'avenir nous réserve-t-il encore plus d'uniformisation ou plus d'enrichissement dans la diversité ?


Je pencherais pour la seconde solution qui consiste à penser que nous allons assister à une renaissance, à une reconfiguration des talents avec des espaces d'expression différents. Jusque dans les années 60, on nous a prédit avec Orwell et Huxley, avec Le Meilleur des Mondes et 1984, un avenir totalitaire. Puis, on a pensé que le monde allait éclater. Aujourd'hui, le totalitarisme n'est pas dominant. Les imaginaires sont beaucoup plus multiples et mieux circonscrits. L'évolution profonde de la société tend à plus de démocratie, sachant qu'il n'y a pas de système parfait. Regardez, les communautés d'Internet ne sont pas tellement plus actives et importantes que les associations. Nous allons dans le sens de plus de différences individuelles, plus de communautés, plus d'Etat et plus de marché.

C'est un pari sur l'homme et son évolution ?


Effectivement, nous sommes en proie à un équilibre fragile et instable. Le niveau de complexité s'accroît. Le niveau de conscience individuelle et collective est plus élevé que par le passé

Comment cet état se répercute-t-il sur la mode ?


Si nous bénéficions à la fois de plus de singulier et de plus de pluriel, donc de plus de valeurs symboliques, je dirais que la mode s'adonnera à des variations sur un même thème. Ces variations seront de plus en plus élaborées et sensibles. Elles permettront des lectures différentes à destination à la fois de la communauté et de l'individu.

Aujourd'hui, la mode donne l'impression d'un immense brouillage où tout interfère de manière équivalente. Qu'en pensez-vous ?


Il est plus facile de s'intéresser aux vaguelettes qu'aux courants de fond. Le business ne veut pas payer pour qu'on le mette face à des incertitudes. Il a été un grand consommateur de recettes plutôt que de solving. Il a eu beaucoup recours aux modélisations. Mais leur importance va diminuer.

Le rôle du marketing va-t-il s'affaiblir ?


Le marketing utilise les mêmes outils et les mêmes grilles d'analyse. Sa capacité de différenciation est de moins en moins nette. Il va devoir devenir plus subtil et inventer des outils adaptés. Interroger les consommateurs sur ce qu'ils veulent, c'est du marketing à la papa. Cela ne permet pas de trouver des réponses à des besoins émergents, non formulés, non maîtrisés et non évalués.

Que préconisez-vous ?


Un des enjeux du savoir est aujourd'hui de dimensionner et valoriser le contenu, de trouver de nouveaux équilibrages entre capital et contenu. Il faut prendre en considération les modèles indécis, l'irrationnel, les éléments d'appréciation et de conviction, penser le risque et la difficulté, réconcilier ambition collective et défi individuel dans une représentation esthétique de la réalité.

UN VADE-MECUM DE LA MODE


Dans un style limpide, l'ouvrage d'Eric Sommier offre une navigation aussi pertinente que séduisante dans le domaine de la mode. Typologie des territoires de mode, analyse de l'imaginaire de certains créateurs, rôle de la marque, impact du commerce électronique, courants d'inspiration, nouveaux modèles d'entreprises, rôle de l'investissement affectif du consommateur..., un vade-mecum de la mode sans équivalent.

Stirésius

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