Où et comment communiquer sur le risque ?
Le dernier logotype "100 % muscle" apparu sur les emballages de biftecks hachés de boeuf démontre une fois de plus qu'en matière de communication sur les risques alimentaires, les industriels optent pour la technique de la rustine.
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Faute d'avoir communiqué de façon préventive sur les risques alimentaires,
jusqu'où iront producteurs et distributeurs pour répondre aux interrogations
légitimes ? Combien créeront-ils de labels et de logotypes pour transmettre
l'essentiel au consommateur, le rassurer et lui donner des garanties ? Face à
cette volonté d'information et de transparence, une autre question se pose :
est-ce uniquement au pack de porter les messages de sécurité ? Ces questions
concernent à la fois les industriels et les distributeurs, toujours en première
ligne lorsqu'un problème survient. Du côté des industriels, tout d'abord, le
terrain est très sensible. Les services marketing ont peur d'affoler le
consommateur. Ils se bornent donc le plus souvent à indiquer les mentions
légales, comme la liste des ingrédients ou les précautions d'usage, sans
recherche de lisibilité ni transparence particulières. Les marques ont
visiblement du mal à intégrer le risque lié à l'utilisation de leurs produits
dans la communication qu'elles émettent via les emballages. Le plus souvent,
c'est la politique de l'autruche qui est pratiquée : ne rien voir, ne rien dire
et attendre. Pourtant, que ce soit par leur matière première, leur procédé de
fabrication ou une mauvaise utilisation potentielle, certains produits
présentent bel et bien un risque intrinsèque. Dans ce contexte d'attentisme,
les crises de l'ESB, de la dioxine, de la listeria, les interrogations sur les
OGM, les allergies alimentaires, les résidus de pesticides et de nitrates ont
été dévoilés par les médias avant même que les marques n'osent soulever la
question. La conséquence de cette passivité s'est soldée par la perte de
crédibilité de tous les acteurs de la filière en question. A chaque fois,
celle-ci se retrouve dans la position de l'accusé qui doit se défendre et se
justifier. Chez le consommateur, un sentiment d'inquiétude et de méfiance est
légitimement né. La psychose rôde. Pour rassurer et tenter de restaurer la
confiance, on réglemente et on labellise à tour de bras.
Pour une transparence des risques
Certains décors de packagings sont
devenus des placards à logos. A ce rythme, un produit alimentaire sera bientôt
aussi anxiogène qu'un paquet de cigarettes sur lequel le fabricant est
contraint d'apposer en facing des messages on ne peut plus alarmistes pour ne
pas avoir voulu communiquer avant sur les méfaits du tabagisme. Il devient
urgent d'informer les clients sur la vraie teneur du produit, sur les risques
inhérents à sa consommation et d'oser afficher ses contre-indications s'il y en
a... Cette démarche proactive rendrait les courses bien moins stressantes pour
les populations dites à risque, comme les allergiques et les personnes
immunodéprimées. La sécurité est un dû pour le consommateur. Mais attention !
Le packaging ne doit pas devenir une collection de "warning". L'alimentation
reste avant tout une affaire de goût, de saveur et de plaisir. Dans ce cas,
est-ce uniquement au packaging de communiquer sur le risque ? Tous les acteurs
de la filière sont concernés, ils doivent donc tous s'impliquer. Informer en
toute objectivité ne doit pas devenir un atout concurrentiel ou un argument
marketing de plus. Pour ne pas basculer vers ces excès, il faut parler de façon
collective et non compétitive. Si, aujourd'hui, les emballages ne cherchent
qu'à guérir, le linéaire, lui, doit prévenir. Un système plus global
d'information du consommateur sur le lieu de vente devrait être mis en place
car les solutions ne relèvent pas uniquement du packaging. Les distributeurs
ne déclarent-ils pas que le bien-être et la santé de leurs clients est une de
leurs priorités ? Dans ce cas, plutôt que d'obliger les personnes les plus
sensibilisées à manipuler les produits au moment de l'achat en cherchant à
décoder ce que l'on veut bien leur dire, pourquoi ne pas profiter de l'espace
souvent vierge de la base de l'étagère pour faire passer l'information ?
Observons les rayons des enseignes de bricolage, d'électroménager ou de sport.
Sur ces marchés techniques, l'offre est classée selon le besoin et le niveau de
compétence du client. Le message est émis sur le linéaire via des petites
fiches signalétiques placées sous chaque produit. Plus l'offre est technique,
plus la personne doit être prise en compte et disposer d'une information claire
et précise. De toute évidence, pour résoudre les problèmes de sécurité auxquels
il est confronté, le marché de l'alimentaire sera conduit à devenir extrêmement
technique sans pour autant sombrer dans l'austérité. Les produits devront
répondre tant aux besoins qu'aux spécificités d'une clientèle de plus en plus
ciblée. Il y aura donc un énorme chantier de clarification à entreprendre dans
les magasins alimentaires à l'instar de ce qui est déjà opérant chez les
techniciens. C'est bien au distributeur qu'il revient de classer son offre et
d'informer son client sur ce qu'il lui vend. Ainsi, il pourra devenir le
premier porte-parole de la prévention en répondant à toutes les préoccupations
de ses clients. Après la guerre des prix et la croisade sur la qualité, voici
venu le temps de l'engagement sur la sécurité. Le chemin vers le service absolu
est encore long.