Notre personnalité va au-delà de l'événement
Nouveaux licenciés, nouvelles gammes... tous les ans, la collection de produits roland-garros se construit et se renforce. Véhicules d'un mythe, ils s'inscrivent dans le cadre d'une vaste réflexion sur la marque, comme l'explique le directeur des partenariats et licences de la Fédération française de tennis.
Je m'abonneQuelle place occupent les produits marqués «roland-garros» dans le cadre de la Fédération française de tennis (FFt) ?
Fabien grobon : Il faut d'abord savoir que la FFT est une association loi de 1901 à but non lucratif, dont le coeur de métier est le développement et la promotion du tennis. La démarche concernant les produits estampillés Roland-Garros n'est pas du tout construite sur le même modèle que celle, par exemple, de Manchester United, qui vend toute l'année, dans le monde entier. Notre objectif premier n'est pas financier. Tout notre travail a, depuis le départ, trois objectifs : construire et nourrir la marque Roland-Garros, désaisonnaliser et internationaliser.
En ce qui concerne les chiffres, nous vendons 1,2 million de produits, distribués dans 75 pays. Cette activité licences, qui réunit une équipe permanente de 15 personnes - 500 pendant le tournoi - génère 10 millions d'euros de chiffre d'affaires et 4 millions de marge. Le sponsoring et les droits télévision, qui représentent environ les trois quarts des ressources de la Fédération, génèrent, eux, 45 millions d'euros de chiffre d'affaires, pour pratiquement autant de marge.
Quand la marque roland-garros est-elle apparue ?
Elle est véritablement née en 1987. Avant cette date, il existait des produits «événementiels» (casquettes, tee-shirts...). En 1987, la décision est prise de s'associer avec des marques afin de mettre sur le marché des produits de qualité, portant le nom de Roland-Garros.
Quelles en ont été les grandes étapes de développement ?
De 1987 à 2001, sous l'impulsion de Gilles Bertoni [alors directeur marketing, NDLR] , un premier programme de licences a été créé sous le nom de «La Griffe Roland-Garros». De 2001 à 2006, l'activité s'est développée tous azimuts : collection automne-hiver en plus de la collection printemps-été, produits art de vivre, création de la boutique à l'intérieur du stade, ouverte toute l'année, création de points de vente - jusqu'à 60 - en France, en Belgique, en Espagne... Tout cela a généré une situation complexe en termes de distribution, de logistique, de sourcing, de ressources humaines... ingérable par la Fédération. Il faut être réaliste : nous ne sommes pas Ralph Lauren ou Eden Park. Nous ne sommes qu'une «poussière» dans ce métier. Et, en termes de produits dérivés, nous sommes à des années lumières d'autres événements sportifs type Coupe du monde. Mais nous avons une marque. A la fin 2005, il m'a donc été demandé de remettre cette activité dans un cadre gérable par la Fédération, notamment en faisant faire à d'autres ce que nous ne savions pas faire.
Quelle stratégie avez-vous mise en place à partir de 2006 ?
Il a été décidé d'aller vers un modèle «tout licence» et de soustraiter tout ce qui pouvait l'être. C'est ce que nous avons fait, par exemple, avec la collection textile art de vivre que nous avons confiée à Lacoste. Tout comme nous lui avons confié la bagagerie ou les chaussures. Externaliser et centraliser nous a beaucoup simplifié la tâche. Nous avons adopté la même démarche au niveau de la vente en ne conservant que ce que nous maîtrisions vraiment, c'est-à-dire la vente des produits sur le stade pendant le tournoi, la gestion de la boutique sur le stade, la vente dans des endroits emblématiques comme Les Galeries Lafayette, la vente sur Internet (à travers un partenariat avec MadeInSport.com) et la vente B to B aux entreprises qui viennent sur le tournoi. Petit à petit, nous avons cessé les activités de nos 60 points de vente, celles avec les magasins multimarques, etc. Et nous avons compensé cette perte d'activité - de l'ordre d'un million d'euros - en nous tournant vers de gros clients, tels que BNP Paribas, Tropicana ou des enseignes en réseau, avec qui nous avons monté des jeux, des promotions...
Enfin, allant vers un modèle tout licence, nous nous devions d'être bien meilleurs dans l'information délivrée à nos licenciés en expliquant ce que signifiait un produit Roland-Garros dans leur catégorie. Il nous fallait donner une direction et rythmer leurs opérations. Nous nous sommes donc organisés pour formuler ce qu'est la marque Roland-Garros, faire en sorte que tout le monde travaille sur le même mode d'expression et avec un rétroplanning. En 2006, nous avons donc créé un «brand book», qui nous a servis pour les créations ultérieures. C'est le cas de la collection que nous sortons cette année avec Lacoste. Nous n'avons pas simplement apposé un logo mais conçu des produits spécifiques.
avez-vous poursuivi votre travail sur la marque roland-garros ?
La Fédération a changé d'équipe dirigeante début 2009. Un nouveau directeur marketing et communication est arrivé, avec qui nous avons travaillé sur un projet de «Livre de marque» en s'inspirant de ce qui avait déjà été fait et en le portant à un autre niveau. La mission a été confiée à BETC Design qui nous a fourni la «brand idea» de Roland-Garros et sa déclinaison opérationnelle. L'impact de ce travail sur la marque va être énorme. Nous pourrons, par exemple, dire aux 100 broadcasters qui retransmettent le tournoi dans 195 pays : «voilà ce qu'est Roland-Garros». Tout comme à nos licenciés : «voilà ce que les produits doivent dire». Sans oublier l'interne et le tournoi. Aujourd'hui, en ce qui concerne les billets, les badges, Internet, le magazine quotidien, le musée... chacun fait un peu ce qu'il veut. Bientôt, tout sera normé : il y aura une police de caractère Roland-Garros, des couleurs Roland-Garros, etc. Ce travail va également être réalisé pour la marque Fédération française de tennis. Ensuite, nous nous poserons la question de l'imbrication entre la FFT et Roland-Garros ; toutes les valeurs de la FFT devant être partagées par Roland-Garros et réciproquement. Enfin, aucune marque d'événement sportif au monde n'a jusqu'à présent été évaluée financièrement. Nous avons donc demandé à Interbrand de nous évaluer avec la même méthodologie que pour les autres marques. Afin de connaître notre valeur, de travailler sur sa traduction, sur les leviers d'amélioration...
Quelles sont les grandes valeurs de la marque roland-garros ?
Dans l'ADN de la marque, il y a l'authenticité, le dépassement, la passion et l'audace. Avec, au centre, la créativité. Cette dernière est importante parce qu'elle fait le lien avec la terre battue, sur laquelle le jeu doit être créatif, et qui nous caractérise. Le lien aussi avec le fait que nous sommes le seul tournoi du Grand Chelem non anglo-saxon, que nous sommes en France, avec une histoire de la culture, de l'art... Notre personnalité va au-delà de l'événement sportif. C'est ce mélange qui va être incarné dans une petite phrase qui sera prochainement révélée...
A l'international, le tournoi est fréquemment nommé «French Open». Dans le cadre de votre objectif d'internationalisation, quel choix faites-vous entre ces deux marques possibles ?
Nous avons vu à travers des études que cette appellation de «French Open» est surtout le fait de ceux qui sont éloignés des fans de tennis. Ces derniers savent très bien ce qu'est Roland-Garros. Quelque chose d'unique, un peu iconoclaste, qui est synonyme de français, de haut de gamme, de terre battue, de printemps à Paris, d'aviateur, les mousquetaires... Alors que «French Open» ne veut rien dire et n'est pas facile à déposer. Roland-Garros fait donc la course en tête, d'autant plus que nous ne pourrons pas gérer deux marques à la fois. Néanmoins, nous ne sommes pas dans le dogmatisme «Roland-Garros partout et rien d'autre». Quand des licenciés nous le demandent, nous les autorisons à dire Roland-Garros avec «The French Open» en base line.
Quelle cible visent les produits roland-garros ?
Notre coeur de cible est constitué des passionnés de tennis, qui ont entre 25 et 45 ans, des hommes
comme des femmes, qui ont des moyens financiers (un fan de tennis gagne quatre fois plus qu'un Français moyen). Et ce, partout dans le monde.
Comment avez-vous segmenté votre gamme de produits ?
Nous la divisons de plus en plus en fonction des moments de consommation ; ce qui nous a amenés à définir trois grands segments. Celui que nous avons nommé «Central» - comme le court central - regroupe les produits revendiquant notre légitimité en tant que tournoi du Grand Chelem. Ce sont des produits techniques - ce qui se fait de mieux pour jouer au tennis -, réalisés par Adidas, Dunlop, Eminence... Notre segment «Tribune» est lié au moment de fête que constitue le tournoi lui-même et est destiné à ceux qui veulent ramener un souvenir qui dise «j'y étais». Il est constitué de produits très «marqués», avec de gros logos, millésimés, à des prix abordables. Ce sont des produits (tee-shirts, casquettes, porte-clés, serviettes, draps de plage...) dont nous nous occupons nous-mêmes et qui sont essentiellement vendus sur le site pendant le tournoi. Enfin, notre dernier segment, «Village», réunit des produits du type «off court», friday wear... Aussi bien des polos, des vestes, des pantalons de toile, des panamas, qu'une voiture décapotable. Ces trois segments peuvent d'ailleurs s'adresser à la même personne : un fan de tennis, qui joue dans l'équipe de son club, qui vient au tournoi avec ses enfants et, de temps en temps, se fait plaisir en s'achetant des vêtements.
Globalement, ce sont des produits sportifs, assez chics, mais pas de luxe. Ils sont aussi assez connotés ; ce qui peut être un défaut. Nous cherchons donc en permanence à y mettre plus de jeunesse, de dynamisme. C'est
l'une des raisons pour lesquelles nous avons réalisé des produits avec le cabinet 5.5 designers. Nous sommes également vigilants à ne pas être «ringards». D'où, par exemple, la suppression de la couleur verte pour les voitures.
Quelles sont les nouveautés de la gamme 2010 ?
Nous avons un nouveau licencié, Eminence, qui nous a proposé de faire des sous-vêtements techniques afin d'adresser le marché du sport. Quant à Lacoste, il étoffe sa gamme, avec une nouvelle collection, des bagages, des chaussures... Et nous lançons notre premier téléphone, tactile, 3G, avec Samsung et Orange, qui fera la promotion de nos contenus ; une gamme de vaisselle...
en dehors des opérations que vous organisez lors du tournoi, quels moyens utilisez-vous pour faire la promotion des produits roland-garros ?
Ce sont nos licenciés
Comment comptez-vous parvenir à désaisonnaliser ?
Nous demandons à nos licenciés de commencer plus tôt leur animation et de la finir plus tard, par rapport au tournoi. C'est l'un des plus gros événements mondiaux, mais il ne dure que 15 jours [cette année du 18 mai au 6 juin, NDLR] ; ce qui n'est pas facile pour la marque. Nous leur demandons aussi de réfléchir sur la légitimité de la marque à vivre toute l'année. Ce qui est plus facile pour certains produits (raquettes, voitures...) que pour ceux qui sont éloignés de notre univers central. Lacoste a par exemple du mal à imaginer quelle place nous pouvons avoir à Noël dans ses magasins. Nous sommes donc en pleine construction. De toute façon, nous travaillons avec nos licenciés sur le long terme. Adidas est notre partenaire depuis une quinzaine d'années, Peugeot depuis plus de 25 ans : nous construisons des produits et des opérations de qualité dans la durée. Nous ne sommes pas pressés. Nous sommes une fédération à but non lucratif...