Mutations du domaine de la pub
Depuis des années, l'enterrement futur du spot TV de 30 secondes fait
figure d'Arlésienne. Après 50 ans de loyaux services, le format traditionnel
serait-il bon pour la retraite ? Multiplication des écrans, fragmentation des
audiences, succès des enregistreurs numériques et overdose des tunnels
publicitaires… les menaces sont nombreuses. Aux Etats-Unis, des annonceurs
comme Unilever ou Procter & Gamble ont décidé de tailler dans leur budget TV.
Pour autant, pas question de transposer littéralement cette situation dans le
contexte européen. « Le cadre règlementaire très restrictif évite le rejet
publicitaire que l'on perçoit fortement aux Etats-Unis, note Didier Beauclair,
directeur média de l'UDA. Mais il est vrai, qu'en France, les annonceurs ne
pensent plus que tout sera résolu par une opération massive en TV. Ils
réfléchissent davantage à la transversalité entre les différents médias/hors
médias et à une utilisation plus tactique du média TV ». Car, dans l'Hexagone,
le petit écran capte chaque jour 46,6 millions de téléspectateurs pendant 3 h
26 (Médiamétrie). Ce qui explique des investissements publicitaires en hausse
de 10,5 % sur le deuxième trimestre 2006 (SNPTV). « Le 30 secondes, ou plutôt
le 20 secondes en France, n'est pas mort, confirme Philippe Lentschener,
président de Saatchi & Saatchi France. C'est juste la fin de son omniprésence.
S'il reste un référentiel d'image incontestable, il sera moins investi dans le
futur. » Outre-Atlantique, où les Américains sont exposés à près de 365 spots
par semaine (Millward Brown), les marques lancent des ballons d'essais : mini
séries, spots ultracourts, split screen, financement de séries…
Un contact prolongé, ciblé et interactif
En Europe, l'assouplissement de la directive européenne “Télévision sans frontière” devrait permettre aux annonceurs d'explorer de nouveaux formats ou d'aller plus loin dans certaines formules existantes. Comme le placement produit, auquel croit beaucoup le Syndicat national de la publicité télévisée (SNPTV). Aujourd'hui très encadré, il devrait bientôt s'étendre aux séries TV. La numérisation de l'audiovisuel devrait aussi introduire une nouvelle donne. Déjà, TF1 a repris à son avantage le principe de la VOD (video on demand) pour sa saga de l'été. Pendant une semaine, la chaîne diffuse le dernier épisode gratuitement en streaming sur Internet. Une initiative financée par la publicité grâce à trois tunnels d'une minute trente environ, impossible à éviter. L'anti-tivo (qui permet de zapper les pubs) par excellence. « N ous entrons dans l'ère de la télévision personnelle, indique Laurence Meyer, directrice d'études média à l'Idate. La VOD et les enregistreurs numériques qui étaient perçus comme une menace peuvent aussi être considérés comme une chance avec le développement des publicités ciblées (avec un système de profiling) ou de la publicité interactive à moyen terme. » Plus développée en Angleterre qu'en France (plus de 600 spots en février 2005 sur Sky), la publicité interactive, qui combine le spot TV classique et un marketing one-to-one, permet un contact privilégié et prolongé avec le téléspectateur. Celui-ci choisit ou non de cliquer si une publicité l'intéresse et donc de recevoir plus d'informations sur le produit par l'envoi d'un échantillon ou d'un spot plus long (jusqu'à 20 minutes). Pour une plus grande connivence avec les téléspectateurs, certaines marques vont jusqu'à créer leur propre chaîne de télévision à l'image d'Audi, qui émet en continu depuis l'an dernier en Angleterre sur Sky 884 et sur Internet. Audi Channel, qui diffuse événements sportifs, reportages, films ou interviews en rapport avec la marque, rassemblerait ainsi 30 % de ses consommateurs, tous ses nouveaux acheteurs au Royaume-Uni et 50 000 propriétaires d'Audi, selon son service de communication. Un succès qui pourrait faire des émules dans d'autres pays et chez d'autres marques.