Millau, Seattle, Gênes et après ?
Juillet 2001, la Conférence de Gênes, qui réunit les plus grandes
puissances mondiales a tourné au drame et au fiasco. Fiasco parce qu'aucune
décision n'a réellement été prise (mais attendions-nous réellement quelque
chose ?). Fiasco, tant il est vrai que l'incompréhension des dirigeants et des
contestataires semble n'avoir jamais été si criante. Il ne s'agit évidemment
pas de prendre ici une quelconque position en faveur de l'un ou l'autre des
deux camps, mais bien de comprendre les signes annonciateurs d'un
bouleversement des mentalités et des comportements de l'individu. Un individu
qui, mis à part de très rares exceptions, accepte et revendique son rôle de
consommateur. C'est justement parce qu'il le revendique, qu'il devient
aujourd'hui de plus en plus responsable donc plus exigeant. Et l'on peut donc
voir apparaître deux grandes orientations qui doivent guider nos choix
marketing face à ce nouveau consommateur. En premier lieu, force est de
constater que nous nous orientons vers un consommateur qui refusera le
marketing global, mondialiste et unique. C'est le non catégorique au "Big
Brother" qui impose au lieu de convaincre ou de séduire. La mondialisation
grimpante des moyens de communication, des rapports commerciaux, est
parfaitement acceptée par l'individu-consommateur quand elle favorise et
développe le choix et non quand elle le restreint jusqu'à l'imposer. Les
recettes des produits McDo (hamburgers, salades, etc.) sont aujourd'hui quelque
peu francisées. Il est vrai que le consommateur de Millau n'a pas forcément les
mêmes goûts que celui de Seattle... Si le marketing ne peut plus être global,
il ne peut non plus être "glocal" pour reprendre une terminologie à la mode (un
marketing local pour une marque globale) qui n'est en fait que saupoudrage et
maquillage pour tenter de séduire (ou de tromper) un consommateur de plus en
plus adulte et mature.
Un acte de consommation éthique
A cet égard, méfions-nous aussi de la mode "Branding" qui accorde à la Marque,
une place qu'elle ne mérite pas. Comme si les produits n'étaient là que pour
soutenir une marque ! C'est bien de l'inverse dont il s'agit. Les efforts que
l'on doit faire pour bâtir ou consolider une marque seront vains s'ils ne sont
pas précédés et accompagnés d'efforts beaucoup plus importants pour créer,
adapter, élaborer le produit. Une évidence qu'il est bon de rappeler. La
deuxième orientation du consommateur : la prise en compte de la valeur
"écologique" de son comportement et le souci croissant de préserver le capital
environnement, même au prix de quelques sacrifices. Pour preuve, la fermeture
estivale des quais de Seine, qui a provoqué tant d'embouteillages dans la
capitale, a été paradoxalement plutôt jugée comme une action positive par une
majorité de Parisiens. Ou encore, la destruction symbolique de quelques
parcelles de maïs transgénique par des militants ant-OGM a été, il faut le
dire, observée avec une certaine indulgence. D'une certaine façon, nous ne
sommes plus prêts à accepter cette logique de consommation aveugle des
décennies précédentes sans véritables garanties sur les conséquences. De la
même manière, il faut souligner le développement du caractère éthique que
l'individu tend à associer à son acte de consommation. Un phénomène que nous
mettions en évidence il y a longtemps comme émergeant, et dont l'ampleur
s'impose à nous aujourd'hui. Si un nombre croissant d'individus refuse
ouvertement le profit des pays riches au dépend des pays pauvres, c'est le même
sentiment qui les fera refuser, voire boycotter les produits des industriels
qui prendraient quelques libertés avec l'éthique, le respect de l'individu, de
l'environnement. Les industriels qui produisent des chaussures de sport
fabriquées à 2,30 francs de l'heure en Chine à raison de 15 heures par jour,
ceux qui, tout en prospérant remercient leurs collaborateurs en fermant des
unités de production, ou plus simplement ceux qui produisent sans respect de la
faune et de la flore, tous ceux là devront revoir, à très court terme, leur
stratégie et ne plus compter seulement sur la puissance de leur marque.