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Mieux cultiver le jardin de l'entreprise

Jean-Luc Placet gère depuis plus de vingt ans de nombreux projets multiformes d'entreprises au sein du cabinet IDRH dont il est le P-dg depuis 1992. Dans "French Touch "*, il livre avec humour sa réflexion sur la culture française, mi-voltairien mi-cartésien.

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Quelle réflexion vous inspire la situation actuelle ?


Je pense qu'une crise apporte toujours quelque chose. Ce qui va permettre au principe de réalité de reprendre le pas sur le principe de plaisir**. Les systèmes réfléchissaient pour nous et sur ce qui s'imposait à nous. Alors qu'un chef d'entreprise doit être capable, à la fois sur le plan économique et politique, de motiver sa décision, d'expliquer la situation, de responsabiliser ses équipes.

Comment en sommes-nous arrivés là ?


En 1980, nous avons vécu l'illusion lyrique. Les années 90 furent des années de fer qui virent la coupure entre la direction et ses troupes. Nous n'avons pas voulu dire à temps certaines vérité. Nous nous sommes montrés dans l'incapacité de simplifier, d'expliquer, de clarifier les situations. La hiérarchie du commandement porte une bonne part des responsabilités. Nous avons accumulé des strates de vie, de comportement et de méthode qui nous ont fait oublier le principe de réalité. Comme c'est le cas pour la tolérance, par exemple. On a beaucoup insisté sur les différences. Il va sans dire qu'il faut respecter les cultures mais à l'aune des réalités sociales, comportementales et économiques. Et puis nous avons voulu faire du virtuel à tout prix avec un e-business du "Nice to have no use", avec un mélange de technologues, d'administratifs, de comptables et de doux rêveurs. Cette économie virtuelle n'avait ni clients ni intérêts et croyait dans les vertus de l'uniformisation. Regardez, certaines multinationales d'agroalimentaire, elles, savent adapter, ajuster, comparer, limiter, expliquer, en tenant compte de traditions différentes. Et, je le répète, ce sont bien l'humanisme et la culture qui permettent d'accéder au principe de réalité.

Pourquoi cet hymne à la culture française ?


Le siècle des Lumières et le romantisme notamment ont développé notre esprit critique et développé notre art de la synthèse. La culture française donne le sens de l'élégance et permet l'art de se faire comprendre par les nuances de l'écrit. Ce que j'appelle la "French Touch", c'est ce goût de l'esthétique, cette curiosité de l'Autre, cet esprit à la fois cartésien et voltairien. Nos usages, nos manières, nos connaissances donc notre histoire, nos goûts et nos créations s'appuient sur ce patrimoine commun que l'on appelle culture. Je ne considère pas qu'il s'agisse de survivances d'un monde obsolète, déconnecté des préoccupations de rentabilités et de performances. Au contraire, il est source infinie de compétences inédites et signe distinctif de différenciation. Pensez à la richesse de la langue et de l'esprit français, de la familiarité avec les oeuvres littéraires, de l'héritage des philosophes, de l'intérêt passionné pour l'histoire, de l'abondance des métissages, du goût du beau et du bon, du savoir-vivre. Puisons sans modération dans ce capital pour l'exercice quotidien de nos fonctions ! Et croyez-moi, les managers français cultivés sont de plus en plus appréciés dans le monde. * "French Touch", de Jean-Luc Placet. Editions Village Mondial. ** "Principe de plaisir/principe de réalité : couple de termes introduit par Sigmund Freud en 1911 pour désigner les deux principes qui régissent le fonctionnement psychique. Le premier a pour but de procurer le plaisir et d'éviter le déplaisir, sans entrave ni limite (le nourrisson au sein de sa mère par exemple), et le second modifie le premier en lui imposant les restrictions nécessaires à l'adaptation à la réalité extérieure." In Dictionnaire de la psychanalyse, d'Elisabeth Roudinesco et Michel Plon. Editions Fayard, 1997.

Stirésius

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