Médias Les enfants passent en mode “adulte”
Surinvestis par leur parents, grands- parents, beaux-parents, les 0-12 ans ont désormais leurs revues de mode, leurs accessoires de luxe miniaturisés.
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Lou est une petite fille de douze ans « à la moue boudeuse mais jamais
chieuse… », qui a vu tous les films de Godard à cinq ans ... Il ne s'agit pas
là d'une fiction, mais bel et bien d'un témoignage que l'on peut lire dans le
numéro 1 du magazine de mode enfantine Milk, des éditions Fovéa. Chez son
concurrent, ExtraSmall, des éditions Kpress, même apologie de l'enfant roi,
même sacralisation d'une mode de mini-adultes, même malaise devant ces
nymphettes prépubères érotisées aux faux airs de femmes. « J'adore l'idée de
traiter les enfants et de les habiller en petits adultes, sans en faire des
caricatures, des singes savants ou des poupées », écrit ainsi Karl Lagerfeld
dans le premier édito d'ExtraSmall. Du pain béni pour les marques de luxe qui
se sont mises à la miniaturisation et l'exploitation du créneau des 0-7 ans :
Kenzo, I Love Ungaro, Ralph Lauren etc. « Tout se passe comme si l'enfant était
un bien rare et durable », remarque Jolanta Back, présidente d'Intuitions,
conseil en innovation. La valeur moyenne des cadeaux a été multiplié par dix en
une génération. Et Bébé en reçoit en moyenne 32 à sa naissance.“Supermères” «
Le phénomène de mode est probablement celui qui cristalise le plus visiblement
“l'adultisation” », reconnaît J. Back. Il se base sur un antropomorphisme
rampant où les parents se projettent sur leurs enfants qui deviennent le reflet
de leur propre enfance et portent sur leurs frêles épaules les espoirs de
parents en quête d'un monde moins stressant. Il faut dire que Bébé arrive
généralement tard dans la vie des femmes. En moyenne 29,4 ans, et 31 ans, en
région parisienne, vers la quarantaine pour les “working girls”. Un peu
culpabilisées, ces femmes ont tendance à survaloriser la maternité. Il ne faut
plus être mère. Mais “supermère”. Les nouveaux modèles s'appellent Madonna,
Kate Moss… Elles posent dans les magazines tout ventre dehors, puis avec leur
progéniture branchée, lookée et tout le toutim. Véronika Loubry et Vanessa
Benichou lancent leurs marques Double V pour assortir les enfants (du 1 mois au
4 ans) à leur maman, même pendant la grossesse. Mais “l'adultisation” ne touche
pas que la mode. Souvent, les gens achètent des cadeaux destinés à des enfants
d'un âge plus élevé que celui de son destinataire. C'est le “syndrome du
développement précoce” Et que penser des emplois du temps de ministre de ces
bouts de chou, trimballés d'une activité intellectuelle, d'éveil, puis
culturelle, voire sportive si le temps le permet. Les enfants ont désormais si
peu de temps, le mercredi, que la marque Marie a créé, pour les 4-7 ans, des
plats cuisinés individuels surgelés micro-ondables, dénommée “Les idées du
mercredi”. N'y a-t-il pas un risque à voler cette part d'insouciance et d'ennui
si structurante. N'y a-t-il pas un danger à glisser des lolitas aux nymphettes
et grignoter encore plus la limite entre sexualité adulte et enfantine. A une
époque où, justement, la pédophilie pose tant de problèmes. Décidément les
petites filles modèles ne sont plus ce qu'elles étaient. Leurs parents non
plus.