Marques et politique: le grand opportunisme
Sourire ou réfléchir sont les deux postures offertes aux consommateurs citoyens par le débat présidentiel. Les marques sont-elles des acteurs engagés pour autant? A l'évidence, non. En revanche, les associations se posent en grands témoins de l'engagement sociétal.
Je m'abonneL'actualité politique est une caisse de résonance sans précédent pour la communication des marques. Pour François Belley, planeur stratégique de l'agence Melville: « Soit les marques sont opportunistes, soit elles s'inscrivent dans une démarche de RSE (responsabilité sociale des entreprises) entamée depuis des années. » On aurait donc d'un côté «Le Parti d'en rire » de la Vache qui rit et, de l'autre, des initiatives engagées comme celle de l'AACC, contre l'abstention, ou de l'Unicef, qui interpelle l'Etat avec sa campagne «2 millions d'enfants sous le seuil de pauvreté en France et pas un seul ministre!». Anne Magnien, professeur de tendances à Sup de Pub (ex-rédactrice en chef de «Culture Pub») note: « Cette année, la rhétorique du discours politique appliquée aux marques s'est enrichie de deux nouvelles ficelles: la participation et la personnalisation. » En France, les marques demeurent tout de même loin de la politique pure. « Les marques sont avant tout réalistes, poursuit Anne Magnien. Celles qui s'en sortent le mieux sont celles qui investissent le champ de l'économie politique. » A savoir la transparence, une politique RH digne et une posture sincère et honnête. Néanmoins, Stéphane Lautissier, directeur de l'agence de stratégie de marque George Bailey, affirme que: « La force d'une marque, c'est son projet de société. Un projet ambitieux: devenir une «wikibrand». » L'UDA a ainsi publié une lettre ouverte aux responsables politiques. Elle demande le rattachement de la communication au ministère de l'Economie et des finances.
Visual mise sur les temps forts politiques
- La campagne «flou et net» de l'enseigne d'optique Visual, s'est déroulée sous forme de feuilleton, lors des deux grandes échéances électorales de ces derniers mois. D'abord les primaires socialistes, puis l'élection présidentielle. « C'est un inconvénient majeur, de voir flou! », ironise Jean-Georges Abraham, directeur général de l'agence Cha, qui a signé cette campagne « complètement opportuniste », selon ses termes. « Visual n'a pas fait de publicité pendant des années. L' actualité constitue un bon ressort pour les petites marques », explique-t-il. Au départ, l'idée était de faire sourire, mais à la deuxième lecture, on voit dans cette campagne un signal de lutte contre l'abstention. En effet, voir mal à court terme peut avoir des conséquences à long terme...
Michel et Augustin: acheter un produit politico-brandé
Le packaging n'est pas seulement le premier média. Il affiche aussi sa couleur politique, et c'est une première dans la grande consommation. C'est le pari qu'a fait Michel et Augustin, 15 jours avant le premier tour, avec ses «10 super-héros»... Des couples candidats, «Carla et Nicolas», «Valérie et François», «Louis et Marine» ou des solos «Nathalie» ou «Philippe» se sont vus croqués sur la Vache à boire - rebaptisée «Vache qui vote» -avec une mini biographie, façon «politique pour les nuls». Marine L, par exemple, «n'est pas fan de la viande exotique, des prénoms féminins italiens et des siestes sur le trottoir». Un 11e héros est aussi présenté... l'abstention. Mais une semaine après le lancement, c'est un raté! La marque suspend sa série politique, suite à des incidents en magasin.
Pub et politique: le vote contre l'abstention
- Neuf agences
Les associations s'engagent en politique
- La crise a occupé toute la place. Les questions sociétales ont ainsi été reléguées au second plan. Deux exemples forts ont interpellé les politiques. Le premier, relayé par un seul média en février dernier (l'hebdomadaire Les Inrockuptibles) pour l'Association pour le droit de mourir dignement (ADMD, voir photo ci-contre, qui met en scène Nicolas Sarkozy), pose la question de l'euthanasie aux candidats qui se sont positionnés contre. La campagne la plus choc de 2012 est signée par l'agence Melville. «On n'attaque pas les associations en plein débat présidentiel. C'est certes opportuniste, mais cela fait 33 ans que cette association se bat. Les politiques sont habitués au détournement», confie le planeur stratégique de l'agence. De leur côté, l'Unicef, l'Association des paralysés de France (APF) et Aides ont interpellé très vivement les politiques. De même, Médecins du Monde, dans une campagne affichage et presse, affirme: «Il y a des politiques qui rendent malades!». L'association souligne un paradoxe: «La France a le meilleur système de santé du monde... alors que 80 % des personnes qui nous consultent n'ont que cette couverture contre les maladies».