Marketing et Commercial : un mariage de raison
Il y a un an et demi, Microsoft initiait une démarche de mise en place
d'observatoires de différentes fonctions (Dg, direction achats, direction
commerciale…). En 2004, en association avec plusieurs partenaires (BT Syntegra,
Novamétrie, HEC Paris et l'Adetem), la démarche franchit une nouvelle étape
avec l'étude d'une cible double : les directions marketing et commerciales.
Avec pour objectifs de voir d'une part, comment se situent les deux directions
l'une par rapport à l'autre et comment elles expriment cette situation, et
d'autre part, comment chacune voit son évolution, s'il existe des zones de
collaboration, de conflit, etc.
Des concessions mutuelles
Premier constat : la relation entre les deux fonctions est
aujourd'hui jugée satisfaisante (par 74 % des directeurs marketing et 81 % des
directeurs commerciaux), car chacune fait des efforts allant dans le sens des
enjeux stratégiques de l'entreprise (vendre, fidéliser et satisfaire les
clients). 59 % des directeurs marketing et 64 % des directeurs commerciaux
considérant qu'ils ont les mêmes objectifs. Une situation due, selon les
déclarations, à des concessions mutuelles. D'ailleurs, chacun reconnaît avoir
besoin des informations de l'autre pour atteindre ses objectifs (90 % des
directeurs marketing et 74 % des directeurs commerciaux). Si la communication
apparaît comme “ouverte” (pour 80 % des marketeurs et 88 % des commerciaux) et
si la relation de travail est jugée efficace (respectivement à 72 % et 80 %),
la question de la productivité reste largement ouverte : 65 % des directeurs
marketing et 62 % des commerciaux estimant que la relation entre le marketing
et le commercial n'est que peu ou pas productive.
Il est vrai que les attentes
mutuelles sont encore importantes. Les directions commerciales attendant, bien
sûr, des directions marketing qu'elles participent au développement de nouveaux
produits et services, qu'elles anticipent. Certains directeurs marketing, de
leur côté, attendent encore que les directeurs commerciaux leur reconnaissent
une certaine forme de complémentarité (1/3 sont en mal de reconnaissance). Ils
attendent aussi que leurs homologues commerciaux partagent davantage
l'information et souffrent plus de cette absence de partage que dans le cas
réciproque. « Les hommes de marketing, constate Pascal Brier, directeur
marketing et communication de Microsoft France, ont davantage besoin d'une
relation forte et d'un flux d'informations riches et fiables venant du
commercial que l'inverse. Si les commerciaux apparaissent plus satisfaits,
c'est peut-être parce qu'ils attendent moins. »
Vers des synergies croissantes ?
Mais tout espoir n'est pas perdu puisque,
interrogés sur l'évolution organisationnelle pour les trois prochaines années,
48 % des directeurs commerciaux et 58 % des directeurs marketing disent
travailler sur la mise en place de synergies croissantes. Respectivement 14 et
18 % allant dans le sens de fonctions autonomes, 17 et 18 % pensant à un
équilibre des fonctions ; la domination d'une fonction sur l'autre n'étant
envisagée que par de faibles proportions. Autre réponse : 6 % des directeurs
marketing et 12 % des directeurs commerciaux évoquent la création d'une
direction client.
Relation client : une zone de recouvrement, conflictuelle
Piste d'autant plus intéressante que, lorsqu'est
posée la question de l'évolution à moyen terme des fonctions, ressort la
problématique de la relation client et de son pilotage. « Plus on se rapproche
du client, plus la tension est forte, note Pascal Brier. Plus la zone
conflictuelle est brûlante. » Les directeurs commerciaux revendiquent la
gestion du processus de vente et les directeurs marketing la synchronisation
commerciale (choix, mise en cohérence et animation des canaux). Des
revendications qui engendrent une zone de flou, générant des incertitudes. « Au
niveau de la relation client, estime Franck Giraud, Senior Manager chez BT
Syntegra, le rôle du marketing, c'est la synchronisation de la relation,
l'orchestration ; un rôle qui n'est pas reconnu par le commercial.
Ce qui est
important dans le pilotage, c'est la cohérence de la communication et la
gestion de la pression commerciale. De facto, le directeur marketing est en
position de le faire. De plus, par rapport aux nouveaux canaux, il est souvent
maître d'œuvre. » « Il est vrai, ajoute Christophe Excoffier, Dg de Novamétrie,
que l'évolution technologique positionne davantage le marketing au cœur de la
chaîne de valeur client. » La création d'une direction client, une troisième
entité donc, peut, selon Pascal Brier, « permettre de gérer une zone de
conflit où les activités ont fortement tendance à se recouvrir. C'est un moyen
qu'ont trouvé certaines grandes entreprises pour essayer de gérer au mieux
cette situation. »
Vers une convergence opérationnelle
Au-delà de cette création, la question qui se pose
alors pour le marketing est de savoir si, tout en conservant son rôle en amont,
il peut élargir son champ et investiguer le terrain de l'opérationnel. « Et
répondre ainsi à certains griefs quant au fait que ses actions ne sont pas
mesurées », commente Pascal Brier. Mais, pour cela, il faut qu'il rentre dans
un monde de critérisation et de mesure de son activité, pour prouver son
efficacité au niveau opérationnel. La gestion est “codifiée”, la vente l'est…
Aujourd'hui, c'est peut-être autour du marketing d'être plus structuré, plus
centre de profit que de coût. » D'où la piste détectée par les animateurs de
l'Observatoire, d'une convergence opérationnelle à inventer. Passant, par
exemple, selon Christophe Excoffier « par la création de groupes de travail
collaboratif, la mise en place de cycles de mobilité, une contractualisation de
la relation. » Mais il est vrai que les tentatives de mixité des populations se
sont souvent traduites par un mouvement du marketing vers le commercial plutôt
que l'inverse, en raison de parcours, et de salaires, différents.
Dans ce
contexte, quel est le rôle de la direction générale ? « Dans certains cas,
répond Franck Giraud, elle joue de la potentielle rivalité. Mais nous sommes
quand même dans une évolution assez rapide des fonctions et les choses se
stabilisent. La direction générale a un rôle à jouer pour participer à
l'éclaircissement des fonctions, à la mise en place des collaborations
possibles, à l'organisation. »
Il est vrai qu'aujourd'hui, directeurs
commerciaux et marketing ont le sentiment de vivre chacun une situation
spécifique. Parce que, selon les animateurs de l'Observatoire, il n'existe pas
aujourd'hui de référents clairs. Le marketing étant une activité multiple, peu
formalisée et structurellement organisée de manière différente selon les
entreprises. Et la réorientation client générant, comme on l'a vu, des zones de
flous et de recouvrements, tant du point de vue théorique qu'opérationnel. Par
ailleurs, cette situation est largement dépendante des relations
interpersonnelles internes. Cette relation marketing-commercial est en tout
cas un vrai sujet porteur à l'intérieur des entreprises, expliquant d'ailleurs
certains refus de répondre à l'enquête. Qui mérite une réflexion théorique sur
l'intégration et l'articulation des deux fonctions. Réflexion menée par un
autre partenaire de l'Observatoire, HEC Paris, via Dominique Rouzies, dont nous
rendrons compte des travaux dans un prochain numéro.
Méthodologie
100 directeurs marketing et 100 directeurs commerciaux appartenant à 182 entreprises ont été interrogés par Novamétrie du 2 février au 4 mars 2004. Secteurs couverts : Industrie (34 %), Services non financiers (30 %), Services Financiers (19 %) et Distribution/Commerce (17 %). 71 % en B to B et 27 % en B to C. Entreprises ayant à 71 % un CA supérieur à 1 Md E, à 23 % inférieur à 750 M E et à 6 % compris entre 750 M E et 1 Md E.