Librairie.com donne à David les armes de Goliath
En offrant aux librairies indépendantes l'accès à la vente par Internet, la librairie.com leur permet également d'enrichir leurs offres, de diversifier leur mode de communication et de bénéficier d'un catalogue de 900 000 références. Un clic mutualiste, local et résolument mortar.
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La librairie virtuelle est-elle forcément l'ennemie de la librairie
traditionnelle, comme le martèlent certains dinosaures de l'édition ? Ou
peut-elle être, comme tente de le prouver la librairie.com, son prolongement ?
Lancé en mai 2000, ce portail inédit a été créé par la Générale du Livre, un
des deux grossistes de la place de Paris et filiale de Wanadoo (groupe France
Télécom). Il propose aux quelque 15 000 libraires indépendants français de se
faire une toile sans y perdre leur âme. « Nous voulons permettre aux amoureux
des livres de mieux se défendre contre les mastodontes de la distribution,
virtuels ou non, qui ébranlent chaque jour un peu plus leurs positions. Notre
objectif est de développer 1 000 niches face aux grands circuits d'échelle
internationale qui s'installent sur le Net. C'est faisable. Tout le monde sait
qu'une armée de termites peut venir à bout des plus fiers vaisseaux », souligne
Filippo Gropallo, directeur de la librairie.com. Et d'ajouter : « Nous leur
offrons de communiquer leurs conseils de lectures et leur passion à leurs
clients tout en élaborant leurs propres vitrines et leurs propres sélections. »
Des rubriques spécifiques ont été créées pour qu'elles puissent présenter leur
historique, leurs activités et les illustrer de photos. A ce jour, le portail a
séduit 350 librairies, à raison d'une nouvelle par jour. Des provinciales pour
la plupart (60 % des cas). Des librairies dites de deuxième ou troisième niveau
par opposition aux grands paquebots comme la Fnac ou Amazon. Il faut dire que
le portail leur permet aussi d'accéder à l'une des bases de données de produits
culturels les plus riches du marché, celle d'Alapage, acteur significatif du
secteur de l'édition en ligne et également dans le giron de Wanadoo. Soit
quelque 600 000 ouvrages de langue française, 130 000 disques, 18 000 vidéos et
DVD, et une sélection de CD-Rom et de jouets.
Une market place dédiée à l'édition
« A l'heure où leurs sites de
réapprovisionnement se raréfient, c'est un véritable bol d'oxygène pour les
librairies de province », prêche Filippo Gropallo. D'autant que le service est
gratuit. Ni coût d'adhésion au portail, ni stock à gérer et pas de commandes à
suivre. C'est l'équipe de la librairie.com qui s'en charge, reversant 10 à 15 %
du chiffre d'affaires à la librairie. Quant au risque de cannibalisation,
Filippo Gropallo le nie catégoriquement. « On sait que les ventes on line sont
additionnelles et que, loin de concurrencer l'offre du libraire, elles lui
permettent souvent de fidéliser sa clientèle tout en recrutant des internautes
proches géographiquement ou culturellement. » Il n'y aurait donc pas
d'incompatibilité entre les avantages qui caractérisent l'offre internet à
savoir l'exhaustivité et le développement du commerce de proximité et des
spécificités locales. « Il nous est arrivé de référencer des petits éditeurs
locaux grâce à nos librairies », assure-t-il. Non sans préciser que l'Internet
peut également servir aux clients non internautes. « 60 % des librairies du
portail se réapprovisionnent via notre site extranet. » Mais ce modèle, aussi
séduisant soit-il, est-il économiquement viable ? « Ce qui est sûr, c'est
qu'individuellement, ces librairies n'auraient ni les moyens financiers ni les
outils techniques pour rentabiliser une activité marchande sur Internet et que
cela n'est rendu possible que grâce à la mutualisation que nous opérons. Quant
à notre modèle, il n'est potentiellement rentable que parce que nous avons
réparti notre activité entre le commerce en ligne et le réapprovisionnement qui
reste l'activité la plus rentable et la plus dynamique », commente Filippo
Gropallo. Et de préciser, tout de même, que les mentalités restent difficiles à
changer et que « les choses n'avancent pas toujours aussi rapidement que prévu.
Notre modèle repose sur la motivation et l'implication des libraires eux-mêmes
à faire vivre leur site et à utiliser tous les services à leur disposition
comme les dédicaces où les clients peuvent recevoir des livres dédicacés à
domicile, les chats avec les auteurs, les agendas des manifestations locales,
etc. ». Le petit frère d'Alapage a donc encore tout à prouver avant de se faire
une place au soleil dans l'activité marchande de Wanadoo (23 millions d'euros
sur les neufs premiers mois de l'année 2001). Il peut néanmoins compter sur le
soutien de France Télécom qui n'a jamais caché sa stratégie d'ancrage local à
travers ses Pages Jaunes.