Lever Fabergé anticipe la fin de la "bulle lingettes"
Rééquilibrer les investissements entre les segments traditionnels et nouveaux. Trouver de nouveaux leviers de croissance. Après avoir surfé pendant trois ans sur la vague lingettes, le département nettoyants ménagers de Lever Fabergé entame un processus de réflexion sur l'avenir de la catégorie.
Souvenons nous. Fin du XXe siècle, le marché des nettoyants ménagers se
dote d'un nouvel objet emblématique : la lingette. Très vite, elle investit
l'ensemble des segments et toutes les marques se doivent d'avoir leur
déclinaison lingette. Le succès est au rendez-vous et le marché connaît une
croissance à deux chiffres. En 2002, la progression est encore de 12 % pour un
marché global, hors blocs WC, de 468 millions d'euros. Tout semble donc aller
pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sauf que, faute de réelle barrière
technologique, les marques distributeurs ont d'ores et déjà raflé 25 % du
marché en valeur et connaissent une croissance annuelle de 10 %. Et le taux de
pénétration - 40 % sur les lingettes petites surfaces et 25 % pour les
lingettes sols -, laisse penser que la saturation est proche. De quoi inquiéter
les industriels, qui investissent chaque année des sommes considérables pour
faire adopter ce nouveau geste. Pour preuve, en 2001, les investissements
publicitaires destinés à soutenir les lingettes progressaient de 33 % pour
représenter 32 % des quelque 37,5 millions d'euros investis sur le marché des
nettoyants ména- gers (source TNS Secodip). Bref, si les lingettes ont payé,
tout laisse à penser que demain, ça risque de ne plus payer. « 2003 devrait
sonner la fin de la bulle lingette, indique ainsi Olivier Robin, chef de groupe
chez Lever Fabergé. Et nous devons rechercher de nouvelles sources de
croissance. » Et établir un nouvel équilibre entre les segments traditionnels
(crème, liquide et autres gels) et les nouveaux segments (essentiellement les
lingettes). Dans cette optique, l'arme choisie est dorénavant traditionnelle.
Les gammes vont être rationalisées. Le nombre de références revu à la baisse.
Et, dans la logique de la stratégie "Path to Growth" (le chemin de la
croissance), le portefeuille de marque élagué.
Concentrer les ressources
Vigor, "La force industrielle au service de vos sols",
a ainsi été cédée, en septembre dernier, à Eau Ecarlate, tandis que Domestos,
dont la gamme de gels est enrichie d'une nouvelle référence, est gentiment
renvoyé aux toilettes après avoir tenté d'en sortir, via les lingettes. En
revanche, Cif, la marque généraliste mondiale, va faire l'objet d'un véritable
plan Orsec, destiné à en faire, d'ici à trois ans, le leader du marché. « Nous
allons concentrer toutes nos ressources sur la marque. Elle sera présente en
communication toute l'année », indique Olivier Robin. Premier concerné par ce
plan de relancement : le segment des crèmes à récurer. Le segment historique de
la marque n'est pas au mieux. Son chiffre d'affaires est, selon ACNielsen, en
recul de près de 5 %. « Le pack de Cif Crème a été relancé il y a six mois et
va faire l'objet d'un soutien plurimédia massif. Outre la pub, la
promo, le trade,
Cif Crème va bénéficier de différentes opérations de MD destinées à la faire
redécouvrir par les cibles les plus jeunes », poursuit Olivier Robin.
Parallèlement, la gamme liquide Cif Oxygel est également relancée avec
l'introduction de nouvelles senteurs : citrus et forêt. Enfin, Cif va élargir
son territoire de compétence via la migration des lingettes Domestos. Les
lingettes petites surfaces deviennent les lingettes Cif Cuisine et Salle de
bains antibactérien, tandis que les larges adoptent la signature Cif Brillance.
« En termes d'image, les deux marques sont complémentaires. Cif est synonyme de
proximité et de quotidienneté, alors que Domestos bénéficie de son expertise
hygiène. Il en va de même en matière d'utilisation ; l'une est plutôt destinée
à la cuisine, l'autre à la salle de bain », analyse Olivier Robin.
Une cohabitation provisoire
Pour ne pas perturber les
consommateurs, les deux marques vont cohabiter dans un premier temps. La
mention "formule Domestos" doit ainsi permettre de réassurer les utilisateurs
de la marque. « Au total, le nombre de références de lingettes passe de 7 à 5
pour les petites surfaces et de 5 à 4 sur les surfaces larges. Cette
rationalisation n'est que la première étape d'un processus plus large de
réflexion sur la catégorie », note Olivier Robin. Une réflexion qui a conduit
aux lancements d'études quali et quanti qui, de l'aveu même de Lever, figurent
parmi les plus poussées jamais réalisées par le fabricant. « Contrairement à ce
que nous pensions nous-mêmes, le volet quali réalisé par Stratégir nous montre
que les nettoyants ménagers sont un monde réellement impliquant. La maison est
un véritable lieu social qui renvoie une image de l'individu et de son rapport
au monde. Au-delà de l'effet cocooning, elle est un univers à part entière qui
définit cette relation au monde. Et les détergents entrent tout naturellement
dans cette conception du monde. Avoir une maison propre n'aura pas la même
définition pour toutes les consommatrices. Pour certaines, une maison propre,
c'est une maison qui brille et dont on a chassé les bactéries. Pour d'autres,
c'est d'abord une maison bien rangée. Cette implication a des conséquences sur
la visite des linéaires. Globalement, les femmes passent plus d'une minute
trente devant le rayon. Non pas parce qu'elles sont perdues, mais parce
qu'elles sont intéressées car faire le ménage prend des heures. Quant aux
lingettes, elles sont perçues par les groupes soit comme des assistantes aux
ménages, soit comme l'outil essentiel du ménage », explique Yann Figueiredo,
Consumer et Shopper Intimacy manager. Le traitement et l'analyse des
différentes données issues de ces études devraient se concrétiser au second
semestre par l'arrivée de nouvelles propositions pour la catégorie. En termes
de produits, bien sûr, mais au-delà, et plus globalement, par une redéfinition
même du rayon.