Les services consommateurs : vers un outil de la relation clients
Longtemps considérés comme le minimum en matière de services, voire un mal nécessaire, les services consommateurs accèdent enfin à une vraie légitimité. Les missions confiées à cette interface entre l'entreprise et l'utilisateur final de ses produits et services évoluent. Si le traitement des réclamations demeure une de leurs raisons d'être, leur rôle déborde largement de ce cadre.
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Deux grandes entreprises sur trois disposent aujourd'hui d'un service
consommateurs. Dans les trois quarts des cas, ils ont été créés il y a moins de
dix ans et 41 % d'entre eux ont moins de cinq ans. Ces chiffres, tirés d'une
étude Arthur Andersen présentée en décembre dernier, illustrent la récente
évolution des entreprises en matière de relation consommateurs. Une évolution
qui doit autant à la volonté des entreprises de se différencier qu'à la prise
de conscience par les consommateurs de leur droit. « Les consommateurs sont
mieux éduqués, ils connaissent l'existence des services consommateurs. Ils
savent qu'ils ont des droits, même si parfois ils leur arrivent d'oublier leur
devoir. Via le service consommateurs, ils cherchent à s'informer et à nous
informer de leurs besoins », indique Monique Huet, responsable du service
consommateurs de Procter & Gamble France. Cette recherche d'informations se
traduit par la croissance exponentielle du nombre de contacts. Chez Procter &
Gamble, leur nombre est passé de 8 900 en 1989 à 40 000 dix ans plus tard. Même
explosion chez Nestlé où le centre d'appels, judicieusement rebaptisé centre de
réponses, aura traité 200 000 appels en 1999, soit 20 % de plus qu'en 1998.
Vers un outil de fidélisation
Véritable point de
rencontre entre la marque ou les services et les consommateurs, le service
clientèle voit également ses missions sortir du cadre restreint du seul
traitement des réclamations. Après avoir été la caution du service qualité,
puis de la satisfaction clientèle, il est en passe de devenir un outil de
fidélisation à part entière. Lever ne s'y est pas trompé. En faisant de Service
Plus, son service clientèle, le thème central d'une de ses campagnes de
communication, le lessivier médiatise son numéro Azur à la manière d'un
véritable produit. « Les marques doivent s'engager dans la vie de tous les
jours. En créant Service Plus, nous avons souhaité ouvrir un nouveau champ dans
notre relation avec nos consommateurs. La proactivité doit nous permettre de
recruter et fidéliser nos consommateurs », analyse Marie-Cécile Lebard,
directeur de la relation client. Fidéliser c'est aussi le mot d'ordre
d'Huggies. Aux côtés de son service consommateurs classique, la marque a mis en
place depuis quelques mois un centre d'informations Nutrition Santé Huggies. Un
centre d'appels où médecins, puéricultrices et diététiciennes vont répondre à
toutes les questions que se posent les jeunes parents. « En aucun cas, il ne
sera fait mention de la marque. Nous n'attendons pas de ce numéro Azur des
ventes supplémentaires. En revanche, l'objectif est de positionner Huggies
comme le spécialiste du soin du bébé », indique Corinne Reix, responsable du
marketing direct chez Kimberly-Clark. Si ces numéros Azur n'ont pas de vocation
commerciale stricto sensu, les informations recueillies sont supposées
alimenter le programme de marketing relationnel des marques. C'est du moins ce
que l'on pourrait penser. Or, selon l'étude Arthur Andersen, dans la majorité
des cas, 53 % des entreprises, aucune opération marketing n'est réalisée à
partir des données collectées par les services consommateurs. « Dans la
majorité des cas, la base de données du service consommateurs est assez peu
accessible aux autres services. De même, la base de données marketing
relationnel diffère de celle du service consommateurs dans 89 % des
entreprises. » « Lorsqu'un consommateur vient vers nous, il est hors de
question de lui vendre un produit. J'ai l'habitude de dire que le marketing
propose aux consommateurs une caisse, nous leur proposons aussi une caisse mais
à l'intérieur l'offre est différente. Cela étant, nous disposons d'un outil
informatique dans lequel tous les contacts sont entrés. Les données sont lues
par l'ensemble des services », remarque Monique Huet. Aujourd'hui encore
réelle, la barrière entre le service consommateurs et les services
marketing-vente résistera-t-elle aux avancées technologiques et notamment à
Internet ? Si ce média est encore marginal, 1 % des contacts aujourd'hui, il
devrait connaître un réel développement. Ainsi peut-on lire dans l'étude Arthur
Andersen : « D'ici à deux ans, 80 % des services consommateurs proposeront aux
clients de les contacter directement par Internet. Les entreprises anticipent
une augmentation des volumes de contacts par ce moyen d'accès. Internet peut
être un support pour développer la vente à distance, soit de façon
systématique, en développant une vraie activité de VPC, soit dans le cadre
strict du service consommateurs. Un client s'informant sur un produit peut se
voir proposer de l'acheter directement. »
« Les consommateurs ont acquis une culture consumériste »
Pour Jean-Yves Hepp, Vice-président de la Socap Europe, association européenne des services consommateurs et manager "Services Consommateurs" au cabinet Arthur Andersen, l'émergence des services consommateurs traduit un mouvement de fond qui devrait s'amplifier dans les années à venir.
Existe-t-il une différence entre les services clients et les services consommateurs ?
La différence de vocable tient, en général, au secteur d'activité impliqué. Les banques, les assurances, les télécoms parlent plus volontiers de services clients. Dans les entreprises de produits de grande consommation, c'est la notion de service consommateurs qui prime. De fait c'est le service qui va permettre aux clients d'entrer en contact avec la marque.
Comment expliquer cette émergence des services consommateurs ?
Le niveau d'éducation est de plus en plus élevé. Les gens voyagent davantage, ils sont de mieux en mieux informés et ils n'ont plus peur d'aller vers les marques qui sont considérées comme des partenaires. Ils ont le sentiment de pouvoir et de devoir agir sur le contenu des marques. C'est le fruit de l'éducation. Les consommateurs ne veulent plus laisser un problème altérer leur relation avec la marque. Mieux informé, le consommateur veut qu'on lui prouve, qu'on lui démontre que le produit qu'il achète est le meilleur, pour le prix qu'on lui demande. La notion de service associé aux produits devient essentielle. L'information avant l'achat, les explications lors de la première utilisation, l'assistance ensuite en cas de besoin doivent faire partie de l'offre.
Si la plupart des entreprises du secteur privé ont amorcé leur révolution clients, les entreprises publiques sont encore en retrait. Pourquoi ?
On ne peut pas organiser l'entreprise en fonction du 1 % de filous qui va, effectivement, passer son temps à réclamer quelque chose qui ne lui est pas dû. Or certaines entreprises n'ont toujours pas intégré cette philosophie. Elles n'ont pas compris que le service client est une formidable opportunité pour faire consommer plus et mieux.
Les grandes entreprises ont actuellement une politique de marques européennes ou mondiales. L'avenir appartient-il à des services consommateurs paneuropéens, voire mondiaux ?
Si la problématique est de traiter du volume et d'apporter des informations à faible valeur ajoutée, alors les industriels ont tout intérêt à délocaliser dans les pays où la main d'oeuvre est bon marché. S'il s'agit d'ouvertures de ligne téléphonique ou de prises de réservation, l'implication est faible. En revanche si la problématique de la marque est de comprendre qui est son consommateur, elle a tout intérêt à développer un service consommateur local. En effet, si la typologie des contacts est partout la même en Europe, la nature des contacts demeure différente. La sensibilité des consommateurs est différente. La culture de conseiller de clientèle joue également un rôle important dans les réponses apportées. Si ce phénomène devait se développer, je pense qu'il se mettra en place autour de zones partageant les mêmes cultures et la même langue