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Les secrets des champions marketing digital

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Les annonceurs se livrent une concurrence féroce pour imprimer leur marque sur le Web. La clé du succès? L'intérêt et l'originalité des contenus, mais aussi la capacité de la marque à «s'humaniser» et à entretenir de véritables relations avec sa communauté.

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@ © Fenton - Fotolia.com

Il n'est pas facile pour une entreprise de développer sa marque sur la Toile. Mais ce n'est pas impossible non plus, loin de là, comme le prouvent les succès d'audience enregistrés par des marques parties parmi les premières à la conquête du Web, qui font de plus en plus d'émules. Elles appartiennent à tous les secteurs d'activité: des chaussures (Adidas, Converse, Nike...) aux boissons (Coca-Cola, Desperados, Evian, Heineken, Red Bull, etc.) et yaourts (Danette...), en passant par les chaînes de restaurants (McDonald's, Starbucks), les chocolats et les confiseries (Nutella, Skittles...) ou encore les parfums, l'habillement et le luxe (Lancôme, Louis Vuitton, etc.). Premier point commun: elles ont été parmi les premières à investir massivement dans le marketing numérique. Deuxième caractéristique partagée: elles ne lésinent pas sur les innovations pour sortir du lot.

Philippe Bonnet (Wunderman Groupe)

Philippe Bonnet (Wunderman Groupe)

Les entreprises ne jouent pas à armes égales sur ce terrain. D'abord, parce que toutes ne disposent pas des mêmes moyens financiers pour investir dans des opérations on line. Pour ne citer qu'un exemple, PepsiCo a récemment annoncé son intention d'accroître de 500 à 600 millions de dollars ses investissements publicitaires annuels (le numérique étant l'un des principaux leviers actionnés pour faire connaître les marques du groupe). Mais après des débuts hésitants, « les entreprises sont aujourd'hui, pour la majorité d'entre elles, dans un état de surexcitation vis-à-vis du numérique, qui est enfin vu comme complémentaire des autres supports », assure Branislav Peric, directeur stratégique de l'agence Blast Radius (filiale de Wunderman France). C'est ainsi que Boursin, partenaire de Blast Radius pour sa communication digitale à l'international, « communique sur un registre très produit à la télévision, explique-t-il. Mais sur Internet, la marque travaille sur un autre concept construit autour du "spice up", autrement dit, de l'ajout d'herbes et d'épices pour améliorer l'instant présent ». Une façon pour elle de s'adresser à un public plus hédoniste. « Il est révolu, le temps où les annonceurs se faisaient plaisir avec un petit site web, une page Facebook ou une page YouTube, ajoute Philippe Bonnet, président de Wunderman Groupe. La plupart ont compris que la cible d'individus sensibles au digital s'est élargie, au point de transformer ce canal en un vecteur incontournable pour l'image et l'engagement. » Cette tendance s'accentue d'année en année, à mesure que se multiplient les canaux de connexion - sites, réseaux sociaux, mobiles, tablettes et téléviseurs connectées... - et à mesure qu'augmente la bande passante.

Branislav Peric (Blast Radius)

Branislav Peric (Blast Radius)

Branislav Peric (Blast Radius):

« La majorité des entreprises est aujourd'hui dans un état de surexcitation vis-à-vis du numérique, enfin vu comme complémentaire des autres supports. »

De nouvelles plateformes se développent

Dans ce contexte, l'enjeu pour les marques est moins de maîtriser tel ou tel canal que de savoir créer du liant entre tous les outils. Pour Damien Douani, cofondateur du cabinet de conseil digital FaDa Social Agency, c'est d'ailleurs l'objectif des nouveaux écosystèmes que l'on voit se développer. « Les pionniers comme Amazon, Disney, Nike ou Starbucks ont d'abord accru leur présence sur le Web, rappelle-t-il. Dans un deuxième temps, ils ont pris le virage du social et mis l'accent sur les réseaux sociaux et les pages de fans sur Facebook... Aujourd'hui, un nouveau mouvement de balancier se profile, avec l'arrivée de plateformes "hybrides" qui leur appartiennent, mais qui sont intimement liées aux médias sociaux. » Une démarche qui aurait aussi pour avantage de les mettre à l'abri des éventuelles velléités de contrôle des données par Facebook.

Nike est aux avant-postes de cette évolution. En quelques années, le groupe américain a su bâtir autour de la plateforme Nike +, un écosystème innovant d'outils et de services entièrement gérés par ses soins - il comprend, entre autres, des applications pour mobiles, des montres GPS et des bracelets de running connectés. L'originalité: chaque abonné Nike + peut inscrire ses courses à pied sur le service NikeFuel, enregistrer et analyser ses parcours, les visualiser sur une carte et les partager ou les comparer avec ceux de ses amis sur Facebook. « L'idée géniale de Nike a été de s 'appuyer sur le souhait de beaucoup de sportifs de partager leurs exploits sur les réseaux sociaux », estime Damien Douani. La marque multiplie en outre les échanges avec eux, notamment via un service en ligne qui permet de comparer ses performances avec celles d'un «coach de running Nike».

Car c'en est fini des discours descendants, si l'on en croit les spécialistes. Pourquoi? « Les réseaux sociaux ont fait évoluer le rapport de force entre la marque et les consommateurs, observe Mathieu Lepoutre, directeur du pôle socialyse d'Havas Digital. Ces réseaux ont introduit une nouvelle boucle de retour dans le processus de communication, qui peut faire peur de prime abord, mais qui s'avère souvent positive. En effet, les échanges permettent d'entretenir des relations plus fortes avec les utilisateurs et d'évaluer en temps réel leur perception des actions mises en oeuvre. » Avec sa page Facebook dédiée au parfum Amor Amor, conçue en partenariat avec l'agence Dagobert, Cacharel a ainsi réussi « à humaniser la marque et à la rendre plus intéressante », remarque le consultant Emmanuel Vivier. Le secret? Le journal «extime» d'Emma, une jeune fille de 20 ans actuellement suivie par environ 500 000 fans. Elle communique quotidiennement ses coups de coeur et ses états d'âme à la communauté et l'interpelle souvent avant de prendre des décisions.

Mathieu Lepoutre (Havas Digital)

Mathieu Lepoutre (Havas Digital)

Toutes les marques ne dégagent pas le même pouvoir de séduction. « Certains services suscitent naturellement plus d'intérêt et d'engagement que d'autres », relève Laurent Alexandre, fondateur de l'agence de communication et de marketing digital Longtail Value. Lorsqu'elle accompagne la mairie de Paris dans la définition de la stratégie communautaire du Vélib', cette agence s'appuie sur la force de cette marque. « Vélib' est une marque qui fédère une vaste communauté d'abonnés assez facile à mobiliser », précise le spécialiste. La démarche de communication est fatalement moins «statutaire» et plus orientée vers le conseil pour K par K, un autre de ses clients, qui intervient sur le marché hautement concurrentiel de la menuiserie. Elle a pour objectif, d'après Laurent Alexandre, « de développer des liens forts et personnels avec les clients, conformément à la culture de K par K, fondée sur l'accompagnement et la transparence tarifaire ».

« Il est nécessaire de changer de culture »

3 question à... Emmanuel Vivier, ancien p-dg de Vanksen et cofondateur du cabinet de conseil en stratégie marketing Hub Institute.


Marketing Magazine: Faut-il travailler la marque digitale indépendamment de la marque classique?
Emmanuel Vivier: Chaque marque est unique. Il ne faut surtout pas faire de généralités: le travail est très différent selon que l'on s'appelle Guerlain, Oasis ou que l'on est une marque de b to b en machines-outils. Mais quelle que soit l'entreprise, il me semble assez suicidaire de ne pas se poser de questions sur ce qui se fait sur Internet. Et il faut s'interroger sur la cohérence entre la marque digitale et celle qui est visible dans tous les points de contacts et sur tous les supports. Il n'y a qu'un consommateur, qui navigue sur Internet, regarde la télévision, se déplace en magasin et voit les affiches dans la rue...


Les entreprises investissent-elles assez dans le marketing numérique?
Non. Elles maîtrisent aujourd'hui assez bien leur communication dans les médias traditionnels mais négligent encore leurs dépenses publicitaires sur le Net, où les Français passent pourtant de plus en plus de temps. Il est nécessaire de changer de culture. Avant Internet, il y avait les médias de masse - avec peu de chaînes et beaucoup d'audience et l'enjeu était principalement d'acheter l'attention des consommateurs. Aujourd'hui, le Web équivaut à des centaines de milliers de chaînes (blogs, sites de médias, plateformes vidéo...), toutes dotées d'une très petite audience. Ces chaînes sont regardées par des consommateurs actifs, en mesure de zapper en moins d'une seconde dès que quelque chose ne les intéresse pas. L'annonceur doit donc bien plus mériter leur attention. Il lui faut apprendre à être captivant, ce qui n'est pas forcément simple, et à interagir avec son audience. C'est, là aussi, compliqué, puisque les entreprises ont eu tendance à désapprendre la relation client, notamment en externalisant la quasi-totalité de leurs processus dans ce domaine.


Quelles sont les marques qui s'en sortent le mieux?
Certaines marques américaines investissent beaucoup dans le digital (parfois jusqu'à 60 % de leur budget marketing), par exemple Dell, Nike, Starbucks et Red Bull. Cette dernière sait particulièrement bien s'appuyer sur la culture de l'image et de la vidéo, qui prévaut sur le Web, pour se mettre en avant. Elle sponsorise une multitude d'événements sportifs. Ce qui lui permet de générer et de publier sur les réseaux sociaux une quantité exceptionnelle de contenus attractifs et viraux liés aux sports extrêmes.

Kia Motors associe sportet interactivité

- Le développement du marketing numérique est au coeur de la stratégie de conquête du marché européen de Kia Motors, quatrième constructeur automobile mondial. Et cela se voit. Entre autres exemples, le groupe coréen - qui consacre 15 % de son budget marketing au e-branding - vient de diffuser à la télévision l'un des premiers spots publicitaires affichant un code 2D (flashcode) renvoyant vers des contenus en ligne exclusifs dès qu'il est photographié avec un smartphone. Sponsor officiel de l'Euro 2012 de football, le constructeur a aussi « activé de multiples leviers pour capitaliser sur cet événement sportif », indique Thierry Bouretz, directeur marketing et communication de Kia Motors France. Parmi les plus connus, on trouve le tournoi amateur de football organisé en France (la Kia Cup), abondamment commenté sur le blog de l'entreprise, mais aussi un étonnant concours international de danse électro (Kia Dubstep Contest 2012). Pour participer, les internautes ont été invités à se filmer en train de danser sur le tube «I can't stop», de DJ Pavilion, et à poster le résultat sur une page Facebook.
A la clé, pour les gagnants: des billets pour le match d'ouverture de l'Euro 2012 ; la possibilité de faire la démonstration de leurs prouesses sur scène ; et une Kia Picanto flambant neuve pour le grand vainqueur. Et pour Kia? Un buzz planétaire autour de la marque, résolue à devenir son propre média: parmi les clips «dubstep» les plus remarqués, certains totalisaient cet été plus de 6 millions de vues sur YouTube. « Ce qui a un effet immédiat sur la valeur de marque Kia, laquelle se veut jeune et dynamique », souligne Thierry Bouretz. «Le pouvoir de surprendre» est le slogan de la marque dans le monde réel. Il a trouvé sa place sur le Net.

Thierry Bouretz, (Kia Motors France).

Thierry Bouretz, (Kia Motors France).

Des contenus moins autocentrés

Afin de capter l'attention des internautes, les marques ne se contentent plus de communiquer sur elles-mêmes, elles proposent des contenus plus attractifs, censés faire la différence. « Pour se renforcer au Pakistan, Coca-Cola a ainsi adopté une démarche originale consistant à mobiliser une audience autour de la musique », signale Valérie Legat, directrice générale de l'agence Business Lab. Dans ce pays, la société produit une émission de télévision très populaire - Coke Studio - par l'intermédiaire de laquelle elle relaie les compositions d'artistes (connus ou non) dans des genres très diversifiés (du hip-hop à la bhangra) . Et pour garantir leur succès sur le Web, les chansons sont ensuite diffusées sur un site de la marque (http://www.cokestudio.com.pk) ainsi que sur des plateformes externes (YouTube, Facebook, Twitter et iTunes...). En France, le site d'e-commerce Spartoo.com oriente en priorité ses investissements vers des opérations qui lui offrent un «retour sur investissement rapide et mesurable» (référencement naturel, référencement payant et affiliation), confie Aymeric Moser, directeur marketing de Spartoo. Mais il a aussi établi ses quartiers sur Facebook, où il communique régulièrement avec ses 67 000 fans sur des sujets aussi divers que la «mode florale» (immortalisée via des photos de chaussures mises en ligne sur Pinterest) ou les dernières tendances, décryptées sur le blog Spartoo (les chaussures et les accessoires à franges, par exemple).

Laurent Alexandre (Longtail Value):

Laurent Alexandre (Longtail Value):

Laurent Alexandre (Longtail Value):

« Certains services suscitent naturellement plus d'intérêt et d'engagement que d'autres. »

Un succès difficile à mesurer

Quant aux grandes entreprises, « beaucoup ont pris conscience de la valeur du brand content et deviennent de véritables médias, qui créent une partie des contenus, notamment vidéo, en interne », souligne Philippe Torres, responsable conseil et stratégie numérique à L'Atelier BNP Paribas. Entre autres exemples, Renault s'est doté en 2010 d'une «digital factory» chargée de coordonner toutes les expertises du groupe dans la communication digitale et l'e-commerce et, par là même, de valoriser son image de marque. La difficulté, pour ces sociétés, reste de mesurer le succès des campagnes digitales. Certaines recourent à des outils permettant d'analyser le comportement des fans. Par exemple, la solution belge Page Karma - l'entreprise se lance actuellement en France, en partenariat avec Omnicom Media - permet d'analyser les interactions des internautes avec une marque sur Facebook. Pourquoi est-ce important? « Le réseau ne donne pas de données sur le comportement des internautes qui visitent une page, indique Yves Baudechon, cofondateur de Page Karma. Or, pour optimiser les campagnes, il est important de savoir à quel moment les internautes se connectent et interagissent avec la marque ou s'il existe des variations dans les comportements des hommes et des femmes... » Mais il importe d'avoir une vision globale. « Et Facebook n'est qu'un canal à mesurer parmi beaucoup d'autres », conclut Laurent Florès, fondateur de CRM Metrix. Pour ce spécialiste - qui vient de publier Mesurer l'efficacité du marketing digital aux éditions Dunod -, la performance du marketing d'une entreprise se mesure à l'aune de toutes ses publicités et communications sur ses différents supports. Mais elle est aussi liée à la facilité avec laquelle chacun peut s'approprier ses contenus et les partager. L'avenir est dans le marketing participatif.

Laurent Florès (CRM Metrix)

Laurent Florès (CRM Metrix)

Laurent Florès (CRM Metrix):

« Facebook n'est qu'un canal à mesurer parmi beaucoup d'autres. »

Danette fait se lever la génération like

- Créée en 1970, Danette n'est pas seulement appréciée des trentenaires ou des quadragénaires en quête de petits plaisirs régressifs, selon Mathieu Lepoutre, directeur du pôle «socialyse» d'Havas Digital, chargé de l'achat médias sur les réseaux sociaux pour cette marque. Avec plus de 1,3 million de fans au compteur, les célèbres crèmes desserts de Danone sont au contraire parvenues « à toucher sur Facebook une nouvelle génération de consommateurs, bien plus jeunes », précise-t-il. Les investissements publicitaires expliquent en partie ce succès, de même que le lancement réussi de plusieurs opérations menées par l'agence de marketing sur Facebook KRDS, dont une application baptisée «Votez pour la Danette des régions». Le principe est simple: chaque fan peut voter localement pour un nouveau parfum de crème Danette qu'il souhaite trouver en magasin, puis inviter son cercle d'amis à se prononcer librement sur le sujet.
Depuis le lancement de l'opération, Danone tient ses engagements et crée chaque année de nouvelles Danette aux saveurs ayant réuni le plus de suffrages. Et les internautes jouent le jeu. Parallèlement, la marque s'est efforcée de mettre au goût du jour ses messages publicitaires. Elle a ainsi sollicité début 2012, l'agence Young & Rubicam pour le lancement d'une nouvelle campagne, «On est tous Danette», s'inscrivant dans la droite ligne du légendaire spot des années quatre-vingts déjà conçu par cette agence («On se lève tous pour Danette»). Cette fois, la télévision n'aura plus l'exclusivité de la diffusion. Selon une porte-parole de Young & Rubicam, le clip sera avant tout diffusé sur le Web dans cinq formats de 15 secondes.

 
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Christophe Dutheil

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